Comment Monaco gère son approvisionnement en eau et prend (ou pas) des mesures de restriction de consommation

L'image a fait bondir une association niçoise de protection de l'environnement : un arrosage à grandes eaux de la voie publique qui ne semble pas essentiel. L'image se passe à Monaco qui n'a pas adopté de mesures restrictives en matière de consommation cet été. Une eau qui à 80% vient de France. Il n'en fallait pas plus pour faire réagir.

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Aïe ! Sujet sensible l’eau en ces périodes de disette due à la sécheresse. Sur la Côte d’Azur comme partout ailleurs en France la sécheresse n’est pas sans poser problème. Et on ne compte plus les arrêtés pris pour limiter sa consommation.

Dans certains villages, la CARF, la Communauté d'agglomération de la Riviera française, s’évertue à livrer des quantités d’eau aux communes ayant des problèmes d’approvisionnement. Chacun est donc conscient qu’il faut faire attention.

Une vigilance qui ne serait pas de mise à Monaco si l’on en croit Hélène Granouillac de l’association Terre Bleue. L’écologiste, qui n’a pas sa langue dans sa poche, s’étrangle littéralement dans un tweet :

"Est-il vrai que pendant les rigoureuses restrictions d'eau - La France étant LE principal fournisseur de cette précieuse ressource - MONACO arrose ses trottoirs ? Une réponse s'impose."

Elle interpelle au plus haut sommet de l’état monégasque. Force est de constater qu’elle n’a pas eu de réponse suite à son message.

À Monaco, il nous est dit de façon laconique de ne pas avoir pris de dispositions analogues à la France : "on fait appel à une forme de sensibilisation auprès à la fois de la population et aux gros consommateurs d’eau du privé, par exemple la Société des bains de mer", SBM, nous explique Manuel Nardi de la société monégasque des eaux (SMEAUX).

Et d’ajouter, qu’une vigilance est apportée lors des arrosages des espaces verts (quasiment tous interdits en France) pour qu’il n'y ait pas de fuite sur les réseaux.

Cela dit Monaco, gère ses ressources comme elle l’entend. Mais là où nous autres français et frontaliers pourrions avoir à redire c’est que l’eau monégasque ne l’est qu’en faible partie.

Seuls, 20 à 25 % seraient en production propre, un chiffre officiel qu’il est impossible de vérifier, mais très certainement surévalué. La SMEAUX avance elle d'autres chiffres.

Les sources locales s'appellent Ingram, Testimonio, Marie, Vaulabelle, Puits nord, Alice.

Elles assurent entre 30 et 50% de la consommation annuelle d'eau potable.

De la plaine du Var et de la Vésubie

Et le reste d’où vient-il ? De France évidemment : "de la plaine du Var et de la Vésubie", explique Xavier Beck le deuxième vice-président d’Eau d’Azur. 

Pour lui, le débat se place davantage sur un plan économique plutôt qu’environnemental ou éthique : Monaco a de tout temps été alimenté en eau par la France. 

On peut dire que les liens unissant Monaco et la France sur la question de l’eau datent depuis toujours. Dans les faits, une convention unit les deux états depuis les années 30 et 40 et depuis 1982 pour ce qui concerne l’eau de La Roya.

explique Manuel Nardi de la Société monégasque des eaux.

Avant la tempête Alex, elle s’alimentait aussi par La Roya.

Mon sentiment ? On a des accords avec eux, on ne va pas dire à Monaco, un état souverain, comment gérer son eau. Ni lui édicter les restrictions qu’ils devraient prendre. On ne peut légitimement pas les rationner !

Xavier Beck

Xavier Beck qui précise que l’eau vendue à Monaco n’est pas bradée, "elle est vendue au juste prix". Quant à la quantité, difficile de savoir, mais la Principauté consommerait environ 16 000 m3 par jour.

Pour le compte de la Métropole Nice Côte d'Azur, une régie, Eau d’Azur a pour mission le gestion de l’eau potable et de l’assainissement. C’est peu de dire que le sujet est essentiel.

Pour preuve, Christian Estrosi, le président de la Métropole Nice Côte d'Azur, explique sur le site Eau d’Azur combien l’eau est précieuse : "Sécuriser l’alimentation en eau de tous les habitants, et veiller au maintien en état de notre patrimoine pour les générations futures."

Au même prix 

Mais alors quel regard porte la Métropole sur l’usage de l’eau monégasque certainement perfectible ? Pour eux, ce sujet ne relève pas de leur compétence : "nous ne nous exprimerons pas sur le sujet" nous dit-on au service environnement de la Métropole avant d’ajouter : "La Métropole Nice Côte d'Azur revend l'eau à la CARF qui la revend ensuite à Monaco. Ce n'est donc pas à la Métropole de s'exprimer sur ce sujet". Dont acte.

Nous nous sommes alors tournés vers la CARF. L’embarras est palpable : "On ne souhaite pas détériorer nos (bonnes) relations avec Monaco. Je pense qu’on ne s’exprimera pas".

Ce contrat avec la CARF sera renégocié en 2044. Manuel Nardi de la Société monégasque des eaux, nous a confirmé que la Principauté  jouit de droits d’eau "en échange d’investissement" côté français sur notre réseau (acheminement, entretien)."

« La problématique n’est pas la même qu’en France »

« En chiffres : Monaco achète l’eau 55 centimes le litre au prix de gros. En 2000, 6 millions de mètres cube ont été distribués à Monaco sur l’année et 4,7 millions en 2019. Il y a donc des efforts qui sont faits.»

Pour les associations écologiques de la Côte d’Azur, voilà qui n’est guère surprenant. Dans les faits, le reproche est surtout fait autour d’une surconsommation d’eau qui n’est plus en phase avec les contraintes climatiques.

Hélène Granouillac résume ainsi : "C’est irresponsable ! Quand on voit les photos des piscines remplies, on ne comprend pas. Il faudrait demander au Prince qui est la tête de plusieurs fondations de préservations de l’environnement et au moment où il y a des restrictions d’eau, son avis sur la question."

Et de conclure un peu horripilée : "Est-il normal que la France et les Alpes-Maritimes subviennent aux besoins de Monaco ?"

Sur la question de ne pas contraindre la population à diminuer la consommation d’eau, Manuel Nardi  répond : « la problématique n’est pas la même qu’en France.»

Il n’explique pas pourquoi, mais confirme qu’on ne s’achemine pas vers des mesures restrictives, en rappelant que les plus grandes pertes d’eau se font souvent sur les réseaux de distribution et qu’à Monaco « on a gagné 1500 m3 par jour grâce aux efforts de tous.»

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