A Nice, qui se souvient de la pendaison de Torrin et Grassi ?

Chaque année, le souvenir de Séraphin Torrin et d’Ange Grassi est commémoré par Nice et par le village de Gattières. Pour impressionner la population, les corps de ces deux résistants sont restés pendus sous le soleil plombé du mois de juillet 1944, en plein centre-ville. C’est le triste épilogue d’une expédition punitive des nazis.

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C’était il y a 78 ans mais comme l’Histoire n’en finit pas de se répéter se pourrait être dans n’importe quel pays en guerre dans le monde aujourd’hui.

Séraphin Torrin, l'agriculteur

Nous sommes au début de l’été 1944. Séraphin Torrin est agriculteur, comme ses parents Pierre et Laurentine, sur la commune de Gattières. Il a 32 ans et est marié avec Olga-Marie depuis 6 ans. Séraphin a des convictions et intègre le parti communiste. Son beau-frère est, d’ailleurs, le responsable communiste local. Séraphin devient, dans la foulée, président du comité local du Front Populaire de son village. Il est investi à la fois dans ses missions parallèles et son travail de cultivateur. Il diffuse l’hebdomadaire communiste Le cri des travailleurs.

Depuis 1 an, le jeune homme est engagé dans les FTP dits "légaux", soit les Francs-tireurs et partisans qui seront reconnus à l'issue du conflit.

Ange Grassi, le maçon venu d'Italie

Il a noué de solides liens d’amitié avec Ange Grassi, un des maçons du village qui est devenu son bras droit. Ce dernier est né en Italie, à Sinalunga, dans la province de Sienne. Ange est un peu plus âgé que Séraphin. Le 28 août il aura 40 ans. Et cela fait 18 ans qu’il est en France. Son épouse, Gabrielle Rossi lui a donné un enfant qui, en ce début d’été, affiche joyeusement ses 5 ans. Ange est militant communiste et résistant FTP. Comme Séraphin. Mais son parcours est plus mouvementé que celui de son ami.

Sous le Front Populaire, il a été président de l’Unione Popolare Italiana, avant de s’engager dans les Brigades Internationales en Espagne en 1937.

Par décret, en Mai 1940, Ange Grassi est naturalisé français mais il est déchu de sa nationalité 10 mois plus tard, par un autre décret, en raison de ses activités politique passés. Ange Grassi écope de 18 mois d’internement au camp de Gurs près d’Oloron-Sainte-Marie. Là, sont enfermés des combattants des Brigades Internationales espagnoles, des personnes fuyant le général Franco, des militants du PC Français favorables au pacte germano-soviétique.

A son retour, après s’être brièvement posé à Beausoleil, Ange s’installe avec femme et enfant à Gattières. Ils vont y rester 13 ans.

Ensemble, les deux amis organisent les premières attaques contre des militaires italiens et allemands. Au début de l’année 1944, Ange Grassi est promu au grade de sergent. Les deux compères continuent d’organiser les compagnies en formation et leur fournissent des armes dans le secteur de leur village. Avec leurs hommes, Torrin et Grassi, participent à des attaques de convois ennemis, leur infligeant de lourdes pertes.

Opération de représailles

Tout bascule début juillet. Séraphin Torrin et Ange Grassi sont arrêtés le 3 à la suite d’une de leurs actions dans laquelle un sous-officier allemand a été tué.

Opération de représailles. Le village est cerné par une compagnie du 8e régiment de grenadiers accompagnant quelques membres de la police allemande du kommando Sipo-SD Nizza de Nice.

Tous les hommes du village sont regroupés sur la place de Gattières. Le beau-frère de Séraphin, lui, a réussi à s’éclipser avant l’arrivée des Allemands. Un collabo sort des rangs et désigne Ange et Séraphin comme communistes. Immédiatement, une perquisition est conduite à leur domicile respectif. Sur le linteau d’une porte de l’appartement de Séraphin, la police retrouve un pistolet allemand sans chargeur.

Au domicile d’Ange, c’est un vieux pistolet sans munition qui est retrouvé sous le matelas de son fils, vraisemblablement placé à son insu par l’Oberscharfürer SS Engelfried. Celui la même qui témoignera à charge contre lui 4 jours plus tard.

Ange et Séraphin sont conduits à Nice. Torturés, aucun des deux n’avoue la possession des armes trouvées à leur domicile. Un procès est monté, le 7 juillet, devant la cour martiale de la 148eme Ersatz division qui siège à hôtel Ruhl. La sentence tombe précipitamment : condamnation à mort pour détention d’armes et appartenance à l’organisation communiste.

Vers 17h, Ange Grassi et Séraphin Torrin, le maçon et l’agriculteur, le natif de Sinalunga et celui de Pélasque-de-Lantosque, les deux résistants, Francs-Tireurs et Partisans de Gattières sont pendus aux réverbères au bas de l’actuelle avenue Jean-Médecin. A cette époque, cette grande artère est nommée avenue de la Victoire, en référence, après l’Armistice, à la Première Guerre mondiale.

Plusieurs centaines de personnes sont rassemblées de force derrière un important cordon de sécurité, aux angles des rues Hôtel des Postes et de la Liberté.

Les corps inertes des deux amis vont rester ainsi, en plein soleil, 3 longues heures durant. Une atrocité supplémentaire pour servir d’exemple et impressionner la population.

C’est cela qui marque les esprits et les mémoires. Aujourd’hui encore.

La résistance niçoise est parsemée de tragédies, et les dates de commémorations ne manquent pas. Mais ce 7 juillet 1944 est définitivement inscrit dans la mémoire collective.

Deux martyrs toujours dans la mémoire des Azuréens

Cette année, comme chaque année, une cérémonie en hommage aux deux hommes, martyrs de la Résistance, s’est tenue aux pieds des grandes plaques rappelant l’épisode et devant lesquelles s’inclina le Général de Gaulle, le 9 avril1945.

Le colonel Marie-Christine Fix, conseillère municipale de Nice, déléguée au monde combattant et aux liens armées/nation, insiste sur les valeurs défendues par Séraphin Torrin et Ange Grassi. "Le devoir de mémoire ne doit pas faillir, explique-t-elle. On n’oublie pas et j’espère que d’autres, après nous, reprendront le flambeau. Comme le dit le proverbe 'Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir'. Il est important d’expliquer, de transmettre ce qui s’est passé pour savoir et comprendre".

Les deux amis n’ont pas connu la fin de la guerre mais leur souvenir demeure. Séraphin Torrin et Ange Grassi sont honorés chaque année afin que le sacrifice de leur vie pour la liberté ne s’éteigne jamais.

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