La ville de Nice peut-elle se constituer partie civile dans l'enquête judiciaire sur l'attentat du 14 juillet et avoir accès au dossier d'instruction ? Le parquet de Paris s'y oppose, contre l'avis du juge, sur fond de tensions entre la mairie LR et les autorités au début des investigations.
Déjà en novembre dernier, la section antiterroriste du parquet avait demandé au juge d'instruction de s'opposer à cette démarche, mais le magistrat antiterroriste l'a autorisée dans une ordonnance du 28 avril. Depuis, le parquet a fait appel, renvoyant la question à la chambre de l'instruction.
"Le parquet continue son obstruction", a déploré l'avocat de la ville, Me Philippe Blanchetier, estimant qu'il agissait "pour des raisons probablement d'opportunité". "L'enjeu pour la ville est de pouvoir être aux côtés des victimes dans leur quête de la vérité", a-t-il ajouté.
Dans ses réquisitions en novembre, le parquet opposait plusieurs arguments juridiques à la ville : il estimait que la dégradation du mobilier urbain n'était pas visé dans les infractions de l'information judiciaire et qu'aucun policier municipal ne s'était constitué partie civile.
Il ajoutait que la ville ne pouvait se prévaloir d'"un préjudice économique direct" ou "immatériel", l'enquête portant sur des assassinats terroristes, explique une source proche du dossier.
Un préjudice moral propre
Dans son ordonnance, le juge d'instruction relève que "pour ce qui est de la dégradation ou de la destruction de biens communaux", le préjudice "est indivisiblement lié (...) à la course meurtrière du camion terroriste" sur la promenade des Anglais. Il considère aussi que la ville peut se prévaloir d'"un préjudice moral propre", l'attentat ayant frappé un rassemblement populaire "organisé et financé" par ses soins sur un "lieu public emblématique" et "mondialement connu".
Après l'attentat qui a fait 86 morts, une vive polémique avait éclaté, les élus locaux accusant le gouvernement d'avoir déployé un dispositif de sécurité insuffisant le soir de l'attaque.
Dans ce contexte, une policière municipale, Sandra Bertin, avait affirmé avoir reçu des pressions du ministère de l'Intérieur pour modifier un rapport sur ce dispositif, dans un sens favorable au gouvernement.
Elle doit être jugée en juin à Paris pour diffamation.
Une instruction est également ouverte à Nice sur les éventuelles failles de sécurité. La police des polices (IGPN) avait conclu dans un rapport que le dispositif "n'était pas sous-dimensionné".
- Avec AFP