Précurseur du street-art en France et originaire de la Cité des Anges, Ernest Pignon-Ernest, 79 ans, entre à l’Académie des Beaux-Arts. Le plasticien a été élu au fauteuil VII de la section Peinture, et prend donc le siège occupé jusqu’alors par le peintre yougoslave Vladimir Veličković.
C'est l'un des plus grands artistes contemporains qui fait cette semaine son entrée à l'Académie des Beaux-Arts. Élu ce mercredi 24 novembre au fauteuil VII de la section Peinture, le niçois Ernest Pignon-Ernest occupera le siège occupé il y a encore peu par son ami, le peintre yougoslave Vladimir Veličković, mort en 2019.
Un des initiateurs de l'art urbain en France
"Pignon-Ernest est un artiste de l'éphémère, qui a démarré son art urbain dès le milieu des années 1960, c'est l'un des grands initiateurs du street-art en France". Rébecca François est enthousiaste en évoquant l'artiste niçois, c'est elle qui a organisé l'exposition qui lui a été consacrée au Mamac (musée d'Art moderne et d'Art contemporain de Nice) en 2016, "un tsunami de 130.000 spectateurs", s'enflamme-t-elle.
La commissaire d'exposition détaille ses souvenirs :
ça a été un succès historique pour le musée... Nous n'exposions pourtant que des photographies et des dessins de travail, et en toute logique puisque les créations de Pignon-Ernest sont toujours vouées à disparaître,
Rébecca François.
Populaire et mondialement connu
L'artiste se distingue par son expression artistique exigeante et son engagement politique, lui qui a notamment milité au Parti communiste.
"Ses dessins réalistes, parfois grandeurs nature, ont pu évoquer des sujets d'actualité comme la guerre d'Algérie ou les expulsions d'habitants parisiens lors des grandes réhabilitations de quartier des années 1970", souligne l'experte.
"Son art est toujours urbain, à la différence du land-art, Pignon-Ernest n'a exposé que dans des villes, et de nombreuses ! Paris, Naples, Alger...". Mais celui qui se dit attaché à la ville de son enfance n'a pourtant investi qu'une seule fois la capitale azuréenne, c'était en 1974 lorsque la ville a été jumelée, en plein apartheid, avec Le Cap.
"Sur le parcours des « festivités » qui célébraient ce rapprochement déshonorant, de la Place Masséna jusqu’au stade où jouaient les Springboks, j’ai figuré le cortège des absents : des centaines d’images d’une famille noire parquée derrière des barbelés", expliquait alors le plasticien, outré par cette décision de rapprochement.
"Une figure marginale dans l'Histoire de l'art"
Entre JR, Banksy et tant d'autres, le street-art s'est depuis Pignon-Ernest largement répandu à travers le monde. Mais lorsqu'on demande à Rébecca François quel artiste aujourd'hui s'inscrit dans la filiation du grand artiste niçois, celle-ci botte en touche. "Je ne vois pas à vrai dire... Pignon-Ernest est une figure totalement marginale dans l'Histoire de l'art".
"La rue n'est pas ma galerie à ciel ouvert comme le disent certains artistes", expliquait de son côté Pignon-Ernest dans une interview pour le magazine Tracks. "Ma démarche consiste à travailler la rue, et à exacerber son potentiel poétique, dramatique et symbolique".
Aujourd'hui, membre de l'Académie des beaux-arts, l'artiste devra donc à présent contribuer à travers cette institution à la défense et au développement du patrimoine artistique français. À son enseignement dans les écoles spécialisées aussi. Une ironie pour ce total autodidacte
Proche du dessinateur Joann Sfar (un Niçois également) et ami en leur temps des artistes Willy Ronis et Cueco, Ernest Pignon-Ernest confiait encore récemment encore ne jamais avoir rêvé de faire partie d'un groupe. Son entrée à l'Académie des Beaux-arts comme nouvel Immortel le forcera au contraire et au collectif. Un nouveau chapitre dans le livre déjà dense de sa vie d'artiste.