Le théologien, accusé de "viol et contraintes sexuelles" tiendra dans la ville, le 4 juin, une conférence dans un lieu tenu secret. De quoi susciter la colère des associations féministes.
"Conférence, dîner, boisson et dessert compris." Le tout pour 35 euros. Le carton d’invitation stipule que les places sont limitées. Sur un paysage de dunes, en médaillon, le prédicateur Tariq Ramadan donne rendez-vous aux Niçois le 4 juin. L’adresse est gardée secrète.
Un rendez-vous épineux pour la ville de Nice. Lundi 15 mai, l’intéressé a, en effet, comparu devant une cour de justice à Genève. Il est poursuivi pour "viol et contraintes sexuelles". Des accusations, qu'il conteste, et qui remontent à des faits qui auraient eu lieu en 2008. Mercredi 24 mai, Tariq Ramadan a été acquitté par le tribunal suisse, la partie plaignante a annoncé qu'elle allait faire appel, alors que trois ans de prisons avaient été requis par le procureur. Il reste menacé d'un autre procès en France pour des faits similaires. Il est soupçonné de viols commis entre 2009 et 2016 sur quatre femmes, une affaire qui a déclenché sa chute en 2017.
Des conférences qui affichent complet
La conférence a lieu dans un lieu privé à Nice, la municipalité se borne donc a expliquer qu'elle n'a aucun moyen de s'y opposer, explique à France 3 Côte d'Azur la ville de Nice. Et de préciser : "La ville se réserve le droit de prendre toutes les mesures nécessaires en cas de trouble manifeste à l'ordre public."
Régulièrement, le théologien, qui se targue d’être suivi par 700 000 abonnés sur son compte Twitter, organise des rencontres dans d'autres villes de France comme, c’est le cas à Paris à la fin du mois de mai avec deux jours de séminaires d’écriture. Ou encore, en Ile-de-France, une autre rencontre où les questions sont : "Où est le bien où est le mal ?" Là encore des rendez-vous qui font le plein, les sites de réservation affichant complet.
Contacté à ce propos, son avocat, Ouadie Elhamamouchi, qui a assuré la défense de Tariq Ramadan devant le tribunal de Genève, n’est pas très bavard sur la question : "Je dois interroger mon client et je reviens vers vous." Il n'avait pas, au moment de publier cet article, fait suite aux demandes de France 3 Côte d'Azur.
"On a appris au dernier moment qu’il venait dédicacer son livre"
Des conférences qui n'ont rien d’illégales mais qui font grincer quelques dents. Dans les Alpes-Maritimes, la venue annoncée de l’islamologue n’a pas laissé un bon souvenir dans la commune de Carros en janvier. L’équipe municipale s’en souvient encore : "On a appris au dernier moment qu’il venait dédicacer son livre. On ne peut évidemment pas l’interdire puisque c’est dans un lieu privé. Simplement veiller aux conditions de sécurité. Là où on nous annonçait 400 personnes, au final, ce sont près de 3 000 qui sont venues. La salle n’était pas adaptée !" Résultat, la réunion a eu lieu dans un autre lieu dans une autre commune.
Un succès qui désespère les associations féministes. A Nice, Nous toutes 06 explique que son collectif pourrait très bien manifester contre l’organisation de ce déjeuner-conférence. "On a déjà fait de telles opérations pour marquer les esprits", souligne sa porte-parole, Alexia Dominey. Comme ce fut le cas lors du procès de Salomé, tuée en 2019 et dont le procès s’est tenu récemment.
D’autres manifestations de Nous toutes 06 avaient eu lieu dans les Alpes-Maritimes pour défendre le droit à l’avortement après que les Etats-Unis ont décidé de l’abroger dans certains états.
"C'est déplorable et très désolant"
Pour Alexia, la venue de Tariq Ramadan participe d’une certaine logique : "Ça rentre dans le cadre de la culture du viol. C’est l’impunité face aux stars du cinéma ou de la culture, c’est déplorable et très désolant. Cela ne me surprend même plus mais c’est à dénoncer !"
"Des victimes sont en souffrance et le voir ainsi donner des conférences, dédicacer des livres. Cela crée un malaise."
Alexia Dominey, du Collectif Nous Toutes 06à France 3 Côte d'Azur
Rappelons que Tariq Ramadan reste présumé innocent dans l’attente des décisions que les justices helvète et française prononceront à son encontre.