La justice saisie après la "censure" de collages féministes à Nice durant la visite de Gérald Darmanin

Une requête a été déposée, ce mardi, devant le tribunal administratif, pour contester la décision de masquer les collages féministes affichés sur la vitrine de la librairie Les Parleuses, lors de la visite à Nice de Gérald Darmanin, le 9 décembre dernier.

Du déplacement de Gérald Darmanin à Nice, restera cette image d'un voile noir, tendu devant les vitrines de la librairie Les Parleuses. Des collages féministes, dénonçant "l'impunité" des auteurs de violences faites aux femmes, ont été dissimulés par la police le temps de la visite du ministre de l'Intérieur, ce vendredi 9 décembre.

"Il est absolument impossible que cet acte ait été le fait d’un policier isolé : cela a été réfléchi, pensé, puis mis en œuvre", estime Me Lorraine Questiaux. L’avocate a déposé une requête devant le tribunal administratif, ce mardi, pour "faire reconnaître le caractère illégal des décisions" ayant amené à cette "opération de police, qui s'interprète comme un acte de censure puisqu'il porte atteinte à la liberté d'expression".

Dans ce recours, révélé par Mediapart et consulté France 3 Côte d'Azur, Me Lorraine Questiaux estime que "le ministre de l’Intérieur et le maire de Nice ont détourné les forces de l’ordre de leur mission d’intérêt général à des fins privées, à savoir, le confort personnel de Monsieur Darmanin" : "Il se sont octroyés un pouvoir dont ils ne disposaient pas, à savoir celui de censurer l’expression politique d’opposition et l’indignation légitime que suscitent les affaires judiciaires", dénonce l'avocate des libraires.

Quand la police bâche une librairie

Ce vendredi-là, le Collectif de collages féministes niçois profite de la venue du ministre de l'Intérieur pour mener une action militante aux abords du futur hôtel des polices Saint-Roch, à Nice. Ses membres demandent - et obtiennent - l'autorisation des gérantes de la librairie Les Parleuses pour afficher des messages sur leur vitrine, située en face du bâtiment que visite Gérald Darmanin.

Un grand drap noir est tendu devant la façade de la librairie avant que n'arrive le ministre. Une armature en bois est même bricolé à la hâte pour dissimuler l'une des vitrines. Des policiers se postent autour pour s'assurer que tout reste le temps de la visite. Parmi les forces de l'ordre mobilisées dans le cadre cette opération figureraient, selon les témoignages et documents recueillis par France 3 Côte d'Azur, des membres des polices nationale et municipale, ainsi que des CRS.

En témoigne cette photo montrant cinq CRS, postés devant le paravent improvisé par les forces de l'ordre.

À l'origine d'un tel déploiement de force se trouvent trois slogans placardés à l'intérieur de la vitrine de la librairie : "Qui sème l'impunité récolte la colère" ; "violeurs on vous voit, victimes on vous croit" ; "Sophie, on te croit" (en référence à Sophie Patterson-Spatz, qui a déposé plainte pour "viol" contre Gérald Darmanin).

Un livre au cœur du litige

Un collage "IMPUNITÉ" surplombait également un étal d'exemplaires du livre de Hélène Devynck (Le Seuil, 2022). La journaliste, qui a porté plainte contre Patrick Poivre d'Arvor, s'était justement rendue la librairie Les Parleuses pour une signature, un peu plus tôt dans la semaine.

Dans une tribune, publiée dans Libération ce samedi, Hélène Devynck a dénoncé une "mascarade de façade" : "Vendredi, à Nice, l’opération des forces de l’ordre n’a fait que montrer ce qu’elle voulait cacher : l’impunité et le permis de violer que cet ordre accorde aux puissants, remarque-t-elle. Elle a fait la démonstration d’un obscurantisme aussi aveugle et épais qu’une bâche noire tendue par la police devant la vitrine d’une librairie." S'estimant victime d'une "censure", Hélène Devynck s'est associée aux libraires pour porter l'affaire en justice.

"Il s'agit d'un cas très grave de détournement de la force publique", affirme leur avocate, Me Lorraine Questiaux. Une action militante ne peut être entravée qu'en cas de "trouble grave à l'ordre public", explique-t-elle. "Or, là, ce n'est évidemment pas la question. C'est juste de la censure."

La mairie de Nice renvoie vers la préfecture

En plus de l'annulation de cette décision "sans précédent", l'avocate demande à la justice "d'enjoindre au maire de Nice et au ministre de l'Intérieur [...] de présenter des excuses publiques" à la librairie Les Parleuses et à Hélène Devynck.

Contactée, la mairie de Nice nous a renvoyé vers la préfecture des Alpes-Maritimes : "Vous n'êtes pas sans savoir que les agents de la ville ou de la métropole appliquent les demandes de la police nationale sur un tel événement, fait valoir le service communication de la municipalité. C'est ce qui a été fait."

Ni la préfecture, ni la direction départementale de la sécurité publique, ni le cabinet du ministère de l'Intérieur n'a répondu à nos sollicitations.

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