Nice : le couvre-feux pour les mineurs de moins de 13 ans confirmé par le Conseil d'Etat

Suite à l'instauration d'un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans à Nice, la Ligue des droits de l'Homme a tenté plusieurs recours afin de les interdire.

La Ligue des droits de l'Homme avait saisi les tribunaux administratifs pour faire suspendre les décisions prises par Nice et Béziers, interdisant aux mineurs de moins de 13 ans de circuler sur la voie publique sans être accompagnés d'un adulte dans certains quartiers entre 23H00 et 06H00 jusqu'à la fin de l'été.

Ce couvre-feu se repose sur l'article L11-1du code de la justice pénale des mineurs : "les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement."

La LDH espère que le contrôle normal du juge permettra de mettre un terme à cette mesure de police disproportionnée, qui vise les populations à faibles revenus des quartiers prioritaires de la ville.

Sophie Mazas, avocate de la Ligue des droits de l'Homme

Dans un premier temps, les juges administratifs avaient rejeté ces demandes, entraînant des recours de la Ligue des droits de l'Homme devant le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative française.

Ce dernier, qui statuait sur le respect des règles de droit et non sur le fond, a jugé, ce vendredi 26 juillet que "la Ligue des droits de l'Homme n'est pas fondée à demander l'annulation" des ordonnances. Le Conseil d'Etat a également souligné que les juges des référés (procédure d'urgence) avaient pu, en première instance, s'appuyer sur des éléments suffisamment précis produits par Béziers et Nice.

Ces éléments permettent de "caractériser l'existence de risques de troubles à l'ordre public auxquels les mineurs, en particulier de moins de 13 ans, seraient exposés ou dont ils seraient les auteurs" estime le Conseil d'Etat.

En 2001, le Conseil d’État avait déjà validé un arrêté municipal du maire d'Orléans qui instaure ce couvre-feu pour les jeunes de moins de 13 ans non accompagnés dans trois quartiers de la ville, du 15 juin au 15 septembre 2001. 

Nice, les interpellations des mineurs de moins de 13 ans ont augmenté de 50%

Ces "éléments produits par les villes" sur lesquels le Conseil d'Etat s'est appuyé pour statuer, sont les suivantes. À  Nice, la municipalité a pointé une hausse de 50% sur un an, des interpellations des mineurs de moins de 13 ans. 

Pour l’année 2023, et les trois premiers mois de 2024, 1 230 mineurs ont été interpellés pour des faits délictueux (..) et cela ne faiblit pas.

Christian Estrosi, maire de Nice

De son côté, à la ville de Béziers, on fait état d'une "augmentation de victimes d'infraction supérieure à la moyenne nationale" , corrélée depuis le début 2024 de mineurs de 13 ans et moins. Les élus affirment être face à une réalité qu'il faut gérer.

Cagnes-sur-Mer, 20 ans déjà

Louis Nègre s'inscrit en faux contre l'étiquette "opération de com' de cette pratique. Cela fait 20 ans qu'il met en place ce couvre-feu sur sa commune, du 1er avril au 31 octobre, de 23h à 6h du matin. Une décision prise "après avoir discuté avec un enfant de 8 ans qui errait seul dans la rue à minuit passé".

"Il était tout seul", se souvient le maire, invité de l'émission Dimanche en politique, sur France 3 Côte d'Azur. "Je lui demande où il va ; il me répond qu'il se 'promène'. Que t'ont dit tes parents ? 'Ils me laissent sortir'. T'ont-ils demandé à quelle heure tu rentres ? 'Pas du tout'."

"Dans les jours qui ont suivi", continue Louis Nègre. "Je me suis demandé si je devais fermer les yeux. Je suis papa et grand-papa. J'ai dit 'je ne peux pas' et j'ai donc pris cet arrêté de protection de l'enfance."

Le dernier gamin ramassé dans la rue, c’était en 2010.

Louis Nègre, maire de Cagnes-sur-Mer

Cette mesure fait partie d'une politique d’ensemble : un rappel systématique des droits et devoirs, la convocation des parents, un « Passeport citoyen » à l’école, un lieu d’accueil pour les jeunes, etc. 

Derrière ces mesures, l'ombre de la délinquance des moins de 13 ans

Il y a quelques mois, une "première photographie de la délinquance et insécurité en 2023"  était publiée  par le ministère de l'Intérieur. Les mineurs de moins de 13 ans ne représenteraient que 2% des mis en cause dans les atteintes aux personnes en France (contre 36% pour les 30 à 44 ans) et 1% des mis en cause pour vols violents (contre 44% pour les 18 à 29 ans).

Au cours de l'histoire, la justice pénale des mineurs de moins de 13 ans, est marquée par plusieurs étapes. Elle commence avec la loi du 22 juillet 1912 qui met en place une disposition importante : les mineurs de moins de 13 ans ne sont plus déférés devant le juge pénal, mais en chambre du conseil et bénéficient de l'irresponsabilité pénale.

L'ordonnance du 2 février 1945 pose, elle, les grands principes modernes de la justice pénale des mineurs : "Protéger et éduquer le mineur" deviennent les priorités. Une juridiction pénale spécifique aux mineurs est créée ainsi que la fonction de juge spécialisé des enfants. La notion de discernement disparaît du droit pénal des mineurs. Ils bénéficient désormais d'une présomption d'irresponsabilité. 

En 2001, la majorité pénale est abaissée de 13 à 10 ans. La loi reformule le principe de la responsabilité du mineur en la fondant non plus sur l’âge, mais sur les capacités de discernement. Les "sanctions éducatives" sont créées pour les mineurs de plus de 10 ans. Cette loi marque un durcissement de la réponse pénale à la délinquance des mineurs.

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