Dans le neuf, comme dans l'ancien, les ventes sont à l'arrêt, de Menton à Cannes. Les conséquences se ressentent aussi sur le marché locatif. Une situation alarmante pour les professionnels de l'immobilier.
Provoquée par la hausse des taux d'intérêts, cette crise de l'immobilier est fulgurante en France. Si dans les Alpes-Maritimes, elle a été plus tardive, elle s'est désormais installée.
Les ventes en chute libre
Dans les Alpes-Maritimes, les ventes sont en baisse, moins 19% dans l’ancien et jusqu’à -42% pour le marché du neuf en un an. Pour Grégory Piscitello, agent immobilier à l'agence M à Nice, la situation est inquiétante :
On est sur une tendance inversée, il n'y a pas si longtemps que ça, on avait peu de biens à la vente et beaucoup d'acheteurs, et aujourd'hui de moins en moins d'acquéreurs et de plus en plus de vendeurs.
Grégory Piscitello, agent immobilier à Nice
Moins d'acquéreurs, car les refus de crédits se multiplient et quand ils sont acceptés, la hausse des taux fait augmenter les mensualités.
La stagnation se ressent surtout sur les recherches dîtes de "primo-accédants": "par exemple ce bien, un appartement de 65 m2 situé corniche Fleurie, à 300 000 euros, c'est une recherche classique pour un jeune couple avec ou sans enfant. Avant, il se serait vendu très rapidement, là ça ne se bouscule pas à la porte. Le baromètre pour nous, c'est le téléphone et actuellement de manière globale, le téléphone est timide" conclut Grégory Piscitello.
Aujourd'hui, c'est un danger pour notre profession car, on a malgré tout, des frais de fonctionnement, des frais publicitaires... Dans le quartier, il y a des agences en cours de fermetures, le marché est sous-tension.
Grégory Piscitello, agent immobilier à Nice.
À quand une baisse de prix dans les Alpes-Maritimes ?
Si les prix ont baissé de partout en France cette année, ce n'est pas le cas dans les Alpes-Maritimes enfin, surtout en moyenne. +8%, le m2 était à 4710 € au 1er semestre 2022 pour atteindre 5085 € au 1er semestre 2023. Cette hausse est poussée par les "secundo-accédants" arrivant avec des paiements comptants, explique l'observatoire de l'immobilier des Alpes-Maritimes.
On a deux marchés parallèles dans notre département : celui qui nécessite un crédit immobilier, les "primo-accédants" et celui qui ne nécessite pas de prêt, les retraités, les étrangers. Et dans le second, les prix ne baissent pas.
Cyril Messika, président de l'observatoire de l'immobilier et de l'habitat (CCI Côte d'Azur)
Pourtant en pratique, pour les "plus petits biens" les prix sont en train ou vont baisser explique Grégory Piscitello : "Nice, qui était une des dernières forteresses, est désormais vraiment impacté, il faut s'adapter aux nouveaux prix. Ce qui se vend actuellement, ce sont les projets où les prix sont cohérents, ceux où ils sont restés figés sur l'année dernière ne trouvent plus acquéreurs".
Le marché locatif en souffrance
Et la crise se répercute sur le marché locatif : les acquéreurs peinent à emprunter, soit car leur crédit est refusé, soit car avec la hausse des taux, un même bien leur coûtera plus cher. "Les gens qui ont un projet d'achat, se disent finalement, on ne bouge pas, on ne peut plus avoir le bien désiré" explique Grégory Piscitello.
Cette catégorie-là reste alors locataires, ajouté à cela, la baisse des biens en location à l'année, au profit des biens sur les plateformes type Airbnb, la situation est de plus en plus tendue.
J'ai mis trois mois à trouver un bien en location ! J'allais prendre un studio ou partir de Nice.
Christopher Schnoller, locataire à Nice.
Après avoir été expatrié au Gabon, Christopher Schnoller rentre à Nice avec sa femme, il cherche un logement, ce fut un long chemin de croix. Il a mis trois mois et déposé plus de 200 dossiers.
Pour Cyril Messika, président de l'Observatoire de l'immobilier, la situation est alarmante : "le logement est un bien de première nécessité, il convient de le rappeler. Et aujourd’hui non seulement les ménages peinent à devenir propriétaires, mais les tensions observées sur le marché locatif ajoutent à la difficulté de se loger".
Le neuf, c'est fini ?
Outre, la chute ahurissante des ventes dans le neuf (-42%), la hausse du prix est aussi notable, +5% en an pour atteindre 6667 € du m2.
"Notre département connaît non seulement un déficit structurel de l’offre, observé depuis de longues années, mais on constate aujourd’hui en parallèle un choc de la demande, entrainant une crise sans précédent. Et, la chute des permis de construire n’incite pas à l’optimisme pour les mois à venir : permis refusés, bloqués, recours sont autant de freins qui pénalisent la profession" analyse Cyril Messika, président de l'Observatoire de l'immobilier.
Face à la conjoncture de la situation, l'alerte est donc lancée :
Il en va du dynamisme de notre territoire. Si on est plus attractifs, si on arrive plus à loger ceux qui font tourner la Côte d'Azur, ça ne fonctionnera plus.
Cyril Messika, président de l'observatoire de l'immobilier.
Nice, ville la plus chère après Paris
Le site Seloger a rendu sa copie. Nice est désormais la métropole la chère après Paris. -0,4% en France contre +7.9% à Nice en un an. Cependant, l'étude note que les différences entre quartiers sont considérables : 8 170€ du m2 pour Mont Boron contre quelques kilomètres plus haut 1934 € pour le quartier Pasteur.
Cannes connaît une croissance de ses prix plus importante que Nice avec +8,5% sur les douze derniers mois.
L'étude conclut :"face à ces hausses de prix, la ville de Nice semble rester un bon compromis parmi ces trois villes si l’on regarde le pouvoir d’achat immobilier d’un couple de secundo-accédants avec des revenus niçois. En effet, ces derniers pourront acheter un appartement de 55 m² dans la ville contre seulement 47m² à Cannes ou 50 m² à Antibes !"