Snack halal tenu par un musulman pratiquant, ou bien point de rendez-vous des jihadistes de la Riviera française? Le Conseil d'Etat dira mercredi si le "Must Kebab" de Cannes doit être fermé et son patron assigné à résidence dans le cadre de l'état d'urgence.
Le Conseil d'Etat dira ce mercredi si le "Must Kebab" de Cannes doit être fermé et son patron assigné à résidence dans le cadre de l'état d'urgence. La plus haute instance administrative examinait aujourd'hui un recours du ministre de l'Intérieur visant à faire annuler la décision du tribunal administratif de Nice, qui avait suspendu l'assignation à résidence d'un restaurateur et avait permis la réouverture de son snack halal à Cannes.
Pas de lien avec les jihadistes, se défend le restaurateur
Ziad Baya Chatti, restaurateur cannois franco-tunisien, s'est défendu lundi de tout lien avec des jihadistes, tout en reconnaissant que des membres de la cellule terroriste dite de "Cannes-Torcy", démantelée en 2013, avaient fréquenté son établissement "en tant que clients", parmi des centaines d'autres.Je porte la barbe, je suis musulman pratiquant, mais je n'ai rien à voir avec ces gens-là, je condamne ces pratiques barbares
a déclaré lundi le jeune homme au juge des référés du Conseil d'Etat.
Des indices de radicalisation pour le Ministère de l'Intérieur
Dans la foulée des attentats du 13 novembre, M. Baya Chatti avait été assigné à résidence à son domicile du Cannet le 15 novembre et son snack, situé en plein centre-ville de Cannes, avait été fermé quatre jours plus tard.Deux mesures suspendues le 18 décembre par le tribunal administratif de Nice, qui avait estimé que la proximité supposée du restaurateur avec "la mouvance salafiste" n'était corroborée par "aucun élément précis et caractérisé".
Estimant au contraire que M. Baya Chatti, qui fait l'objet d'une fiche "S" pour radicalisation, "représente une menace sérieuse" pour la sécurité, le ministère de l'Intérieur a saisi la plus haute juridiction administrative.
Un jogging en qamis pakistanais et un mariage par un imam salafiste pour le Ministère de l'Intérieur
Les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence (assignations ou perquisitions administratives) sont souvent critiquées et font de plus en plus l'objet de contestations.Dans le cas de M. Baya Chatti, la représentante du ministère de l'Intérieur, Pascale Léglise, se basant sur des "notes blanches" (ni signées ni datées) des services de renseignement, a affirmé lundi que le restaurateur, contrôlé par la police en décembre 2013, "faisait du sport, en pleine nuit, en tenue paramilitaire, de type qamis pakistanais", avait été "marié par un imam salafiste", et avait des "contacts sur les réseaux sociaux avec des salafistes".
"Moi aussi, je cours la nuit quand je me prépare au marathon, cela ne fait pas de moi un jihadiste", s'est insurgé Me François Pinatel, l'avocat du restaurateur, affirmant qu'il n'y avait "rien dans ce dossier".
Je courais pour maigrir avant mon mariage. Je portais toujours un jogging. Le qamis, c'est une tunique. Le qamis militaire pakistanais, ça ne veut rien dire, a expliqué M. Baya Chatti. Il assure aussi que l'homme qui l'a marié, Soufiane Ferhat, n'est "pas imam" mais a simplement été le "témoin" de son mariage religieux et que lui-même ignorait la radicalisation de cet homme.
Si mon client, qui a été fiché S à cause du fait que quelques jihadistes sont allés manger dans son snack, avait eu quelque chose à voir avec la cellule de Cannes, il aurait été mis en examen ou placé en garde à vue. Rien de tout cela
a plaidé Me Pinatel.
Les conseils du restaurateur ont aussi relevé des "erreurs factuelles" dans les "notes blanches": M. Baya Chatti est "présenté uniquement comme tunisien, alors qu'il a la nationalité française", on lui attribue des sympathies pour un partisan du Hezbollah, "alors que le Hezbollah chiite est l'ennemi des salafistes sunnites".
Le juge des référés a appelé le ministère à apporter certaines précisions, notamment quant aux fréquentations du restaurateur, avant de rendre sa décision mercredi.