Au large du Var et des Alpes-Maritimes, plus de 600 infractions dans des zones de mouillage interdites cet été

Pour protéger les posidonies, l'interdiction de mouillage sur une partie du littoral, pour les yachts de plus de 24 mètres, rentrait en vigueur en octobre 2020. Plus de 600 infractions ont été constatées et une dizaine de procédures judiciaires engagées par le tribunal maritime de Marseille.

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Une contrainte forte pour certains professionnels du yachtisme, une nécessité impérieuse pour les autorités maritimes et environnementales. Une étape importante de la sauvegarde des herbiers de posidonie est entrée en vigueur en octobre 2020. L'occasion, 1 an après, d'esquisser un premier bilan, avant la conférence de presse du lundi 18 octobre au Cross Med, le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de la Méditerranée, qui doit aborder ce sujet.

Des aires protégées par arrêtés

En octobre 2020, les premiers arrêtés interdisant le mouillage des navires de plus de 24 mètres de long sur une partie du littoral avaient été signés par la Préfecture maritime de la Méditerranée. 

Un an après, le Capitaine de vaisseau Thibault Lavernhe, porte-parole du préfet maritime, s'exprime sur la période écoulée de juin à septembre : "d'un point de vue qualitatif, les nouveaux arrêtés ont été largement respectés. Dans les pavillons français, nous avons eu un très grand respect parmi les bateaux de plus de 24 mètres qui étaient concernés."

Plus de 600 infractions ont pourtant été relevées. Plusieurs actes de mouillage illicites pouvant être imputés au même bateau. Un chiffre à contraster au vu de la forte concentration de yachts évoluant en bordure littoral à cette période de l'année, où "40% de la grande plaisance mondiale est concentrée entre Toulon et Menton."

Comment ces infractions sont constatées

"C'est essentiellement de la surveillance qui est faite par les sémaphores, qui sont répartis sur la côte méditerranéenne, il y en a en tout 19. Une de leurs missions est de vérifier que les zones de mouillage interdites pour les bateaux de plus de 24 mètres soient bien respectées" détaille le Capitaine Lavernhe. 

Dès qu'une infraction est relevée, elle est signifiée aux bateaux par radio. "Dans la grande majorité des cas, les bateaux mouillaient là par absence de conscience de la réglementation. Notamment des navires qui battaient pavillon étranger, qui arrivaient en vacances sur la côte française." 

Des opérations de sécurité en mer ont été également menées, 24 patrouilles ont été réalisées pour des contrôles ciblés sur la zone Méditerranée et la Corse. Elles ont été coordonnées par la Préfecture maritime et ont impliquées la gendarmerie maritime, les douanes, la Marine nationale et les Affaires maritimes.

Le capitaine Lavernhe détaille les résultats obtenues par ces partrouilles en mer : "Nous avons eu une quarantaine de bateaux, en grande majorité des pavillons étrangers, qui ont été caractérisés comme récidivistes. Ce sont des bateaux qui mouillaient au mauvais endroit, et nous avions beau leur dire ne pas mouiller là, ils recommençaient. Certains ont été verbalisés, une trentaine, et il y a un peu moins d'une dizaine de cas pour lesquels il y a eu des poursuites judiciaires qui ont été conduites." 

Le tribunal maritime de Marseille s’est saisi de ces cas. Les contrevenants risquent en théorie une amende de 150.000 euros et un an d’emprisonnement. 

Capitaine Lavernhe

Prévoir "le coup d'après"

Un des points abordés lors de la conférence de presse du lundi 18 octobre au Cross Med, doit être notamment "le coup d'après", dixit le porte-parole de la Préfecture maritime. A savoir, comment développer des alternatives de mouillage plus nombreuses dès la saison 2022. En cas d'interdiction, les bateaux ont deux options : s'amarrer à des coffres ou une bouée ZMEL (Zone de Mouillages et d'Équipements Légers), ou aller jeter l'ancre au-dessus de zones sablonneuses. 

"Ce que l'on encourage, la Préfecture maritime, le Ministère de la Mer, l'Agence de l'eau et tous les acteurs étatiques, est le développement rapide des alternatives au mouillage. Il y a eu quelques exemples cet été qui ont bien marché, comme à Bonifacio en Corse, où 14 coffres d’amarrage ont été construits en 2020 et 2021. Il y a l'exemple de Port-Cros aussi".

Les projets de ce type doivent se multiplier dans les mois à venir, comme par exemple dans le Var, au large de la plage de Pampelonne à Ramatuelle, ou au parc des Calanques à Marseille. 

"Il y a une nouvelle économie du mouillage qui va se mettre en place. Compte tenu de cette réglementation qui est assez restrictive, nous en sommes conscients, mais qui est nécessaire, les gens vont s'adapter pour organiser leurs mouillages et réserver leur emplacement" projette le Capitaine de vaisseau Lavernhe. Des solutions à terme qui devront s'accompagner de la création, à terre, de nouveaux services et de nouvelles infrastructures portuaires.

Certains professionnels du yachtisme très critiques

Cette interdiction de mouillage est une décision qui s’est faite “sans préparer le terrain comme il se doit” est d'avis Antoine Perry, qui ne décolère pas depuis l’application de ces décrets. L’ancien vice-président de l’ECPY, le Comité Européen pour le Yachting Professionnel, déplore une mise en oeuvre trop rapide par le préfet de la Méditerranée. Les communes ou acteurs locaux n’ayant pas tous trouvé les moyens de suivre l’exemple de Bonifacio qui a su agir vite et valoriser les fonds alloués par l’Europe et par l’Etat. 

“Il y a eu des réunions, certes, mais pas de réelles concertations au sens noble du terme” indique celui qui a vécu ces interdictions de mouillage comme “un diktat qui tombe, qui n’est pas concerté, qui n’est pas anticipé”.  

Antoine Perry prône la protection de l'environnement, mais dénonce un calendrier hasardeux : “Cela a eu des conséquences économiques à la sortie du Covid, les clients sont partis, ils vont revenir, certes, petit à petit. Beaucoup sont allés en Grèce ou en Croatie. Les autres pays comme l’Espagne ou l’Italie ont différé leurs décisions, ils se sont dit “on va attendre que le Covid soit passé”.” 

Ce prestataire de services azuréen est à la tête d’une véritable armada :”j’ai environ 150 yachts dans ma flotte que je gère au quotidien. Avec le Covid, environ 25% des yachts n’ont pas bougé cette saison (à cause de l’absence de clients hors de l’espace Schengen, ndlr). J’ai constaté en quelques mois une baisse d'activité de 51%. J’ai dû supprimer 5 emplois sur 12. Pas le choix.” 

Ce professionnel azuréen était présent aux Assises de l'économie de la mer les 14 et 15 septembre 2021, à Nice, où le président de la République s’est rendu. Il a tenté d’aborder le sujet avec certaines autorités, mais les entreprises de son secteur peinent à s’unir. "Malheureusement, c’est un défaut de notre profession qui est éclatée, elle n’est pas représentée par un seul et unique organisme.”

Il faut concilier écologie et développement. C’est ce que l’on appelle le développement durable.

Antoine Perry

D’autres acteurs du yachtisme azuréen continuent de manifester leur mécontentement. L’association SOS Navigation, à l’origine des manifestations sonores l’an dernier, fait toujours des remous.

Une pétition en ligne qui appelle à “Défendre la petite et la grande plaisance, ainsi que tous les acteurs économiques liés à notre industrie” a recueilli la signature de près de 2000 professionnels.

Quand jeter l'ancre fait couler beaucoup d'encre

La posidonie est une espèce protégée par les autorités françaises depuis 1988. Cette plante marine joue un rôle majeur dans l'écosystème de mare nostrum. Elle permet d'oxygéner l'eau et contribue au développement d'un quart des espèces animales méditerranéennes telles que la sèche ou la rascasse. C'est une plante endémique de cette mer, et occupe entre 25.000 et 50.000 km2 de ses zones côtières. Soit plus jusqu'à 12 fois la superficie totale du département des Alpes-Maritimes.

La posidonie se développe à proximité de nos plages, et jusqu’à 40 mètres de profondeur. Chaque mètre carré peut libérer environ 20 litres d’oxygène par jour.

Les ancres jetées par les navires en surface, raclant les fonds lorsqu'elles sont remontées, déracinent les herbiers. Cet impact a été "observé lors des cartographies des habitats marins réalisées progressivement sur toute la façade maritime de Méditerranée" indiquent les services de la Métropole Nice Côte d'Azur, et signalé "dès 2007, lors de l’étude cartographique conduite dans le cadre du contrat de Baie d’Azur.  Il s’agit notamment de véritables tranchées créées par les ancres de grandes tailles et captés par les sonars employés."

Sur le littoral de la métropole niçoise, "des mesures réglementaires ont été prises pour limiter ces impacts dès 2015, notamment dans le site Natura 2000 Cap-Ferrat", fait savoir Samuel Anthor, l'attaché de presse de l'institution. L'interdiction de mouillages pour les navires de 20 mètres et plus sur toute la bande des 300 mètres balisée avait alors été décidée, et l'obligation de pilotage pour les navires au delà de 80 mètres vers la baie de Beaulieu ordonnée. Le but étant de faire jeter l'ancre de ces bateaux sur des fonds dépourvus de posidonie. Et depuis 2013, la période estivale courant de mai à septembre fait l'objet d'un suivi des mouillages.

Trop tôt pour évaluer l'impact sur les herbiers

La croissance de la posidonie ne permet pas, un an après l’entrée en vigueur des arrêtés d’interdiction de mouillage, d’établir un premier bilan chiffré. Cette plante ne croît que de 5 à 10 centimètres par an. La cartographie des habitats marins est conduite par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et l’Office français de la biodiversité. Ils font tous deux appel à des bureaux d’études comme Andromède océanologie pour quantifier les surfaces de posidonie.  

Ce plan de sauvegarde connaît de nouvelles étapes, comme au sein des eaux de la Métropole Nice Côte d’Azur qui compte 522 hectares d’herbiers de posidonie, et 140 hectares d’association de matte de posidonie, soit des herbiers dégradés ou envasés.

La M.N.C.A. réalise des études destinées à la création d’une aire marine protégée allant de l’aéroport au Cap de Nice. Un complément au sanctuaire Pelagos, qui s’étend déjà sur 87.500 kilomètres carrés.

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