Procès de 1978 à Aix-en-Provence, le combat de l'avocate Gisèle Halimi pour faire reconnaître le viol comme un crime

L’avocate Gisèle Halimi, décédée ce mardi à 93 ans, s'est battue toute sa vie pour le droit des femmes et leur émancipation. En 1978, elle est à Aix-en-Provence pour défendre deux femmes violées dans les Calanques et faire condamner leurs agresseurs.

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Gisèle Halimi a porté la parole des femmes devant les tribunaux, à une époque où la loi française ne reconnaissait pas le viol comme un crime. Le retentissant procès d'Aix-en-Provence en 1978 a participé aux changements des mentalités. 

L'avocate y défend Anne Tonglet et Araceli Castellano, deux jeunes touristes belges, homosexuelles, violées par trois hommes près de Marseille, en 1974.

Le couple campait dans la Calanque de Morgiou. Un jeune homme est venu les importuner. Éconduit, il est revenu avec deux amis à la nuit tombée pour se venger.

"Une femme violée, c'est une femme cassée", expliquait Gisèle Halimi en 1977 sur le plateau de France 3 Reims. "C'est une femme qui à mon sens ne s'en remettra jamais, une partie d'elle-même entre dans une espèce de coma et elle survit, je crois, dans une espèce d'autre vie." 

L'enjeu, c'est changer les rapports fondamentalement entre les hommes et les femmes.

Gisèle Halimi

"Et quand elle se bat, elle a véritablement un courage parce qu'elle sait que ce n'est pas pour elle, mais pour que les autres femmes ne passent pas par les épreuves qu'elle a subies". "L'enjeu est très important, expliquait encore l'infatigable combattante pour la cause des femmes, ce n'est pas un procès de viol l'enjeu, ce n'est pas une condamnation ou un acquittement, l'enjeu c'est changer les rapports fondamentalement entre les hommes et les femmes". 

"Il ne peut pas y avoir de société où le couple sur le plan de l'amour soit basé sur un rapport de force physique. Je dis que c'est quasiment du fascisme".

"LE" procès du viol

Les agresseurs des deux jeunes Belges n'avaient été poursuivis que pour coups et blessures et attentat à la pudeur. Des délits jugés en correctionnelle. Il faudra plus de trois ans aux plaignantes et à leur avocate pour obtenir un procès devant des jurés d'assises.

Gisèle Halimi refuse le huis clos pour en faire une tribune, comme elle l'avait fait pour l'avortement avec le procès de Bobigny. Elle veut que la France entière entende ce que ces femmes ont à dire, face à leurs violeurs défendus par Gibert Collard.

Le procès d'Aix-en-Provence devient "LE" procès du viol. La presse se déchaîne comme la haine à l'extérieur de la salle d'audience.

"C'était extrêmement violent. Il y avait des crachats, on recevait des insultes, Gisèle Halimi a été giflée. C'était inouï", se rappelait en 2017 Anne Tonglet dans L'Express. 

Dans cette France de la fin des années 70, un autre tabou porte tort aux victimes. Leur homosexualité.

À l'issue du deuxième jour de procès, le verdict tombe enfin. Six ans de prison pour le meneur de l'expédition punitive, quatre ans pour les deux autres.

En 1980, une loi définit le crime de viol 

Deux après, la loi du 23 décembre 1980 pénalise pour la première fois le crime de viol et le redéfinit au-delà de la seule relation vaginale imposée. C'est désormais "l'acte de pénétration" qui caractérise le viol. 

"Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur, par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol".

Il est désormais puni en France d'une peine allant de 15 ans de prison ferme jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité (en cas de récidive ou si le viol est accompagné de tortures).

Pourtant près de quarante ans après le vote de cette loi, quelque 94.000 femmes majeures sont victimes de viols et/ou tentatives de viols chaque année, selon les données officielles et seule une sur dix dépose plainte. 
 
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