Un rapport remis à Emmanuel Macron ce mardi préconise entre autres l'interdiction de l'accès aux réseaux sociaux avant 15 ans. Stéphanie Mistre vit à Cassis où sa fille lycéenne, harcelée en ligne, s'est suicidée en 2021. Elle a fondé le collectif "Algos Victima" et réagit à ces propositions.
La commission chargée par le chef de l'Etat d'analyser le rapport des jeunes aux écrans en janvier dernier a remis mardi 30 avril son rapport d'une centaine de pages ce mardi à Emmanuel Macron. Il préconise l'interdiction de l'accès aux réseaux sociaux avant 15 ans et la limitation drastique de l'usage des écrans pour les adolescents.
Stéphanie Mistre vit à Cassis où sa fille lycéenne, harcelée en ligne, s'est suicidée en 2021. Elle a fondé le collectif "Algos Victima" et réagit à ces propositions.
France 3 Provence-Alpes : Avez-vous suivi les travaux de cette commission ?
Stéphanie Mistre : J'ai suivi l'adoption de la loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN) adoptée en avril, et l'entrée en application du Digital Service Act, la législation européenne visant à rendre l'environnement numérique plus sûr. Ces sujets avancent dans les instances et il ne faut pas lâcher !
La commission préconise entre autres d'interdire l'accès aux réseaux sociaux jusqu'à 15 ans et à partir de cet âge-là, sur des réseaux éthiques uniquement tels Mastodon ou Bluesky. Est-ce une solution ?
Si on arrive à bloquer les réseaux aux enfants jusqu'à 15 ans ce serait fantastique ! Dans cette période où ils se construisent ce serait mieux qu'il n'y ait pas de réseau jusqu'à 15 ans. Mais les parents n'y arriveront pas tous seuls. Aujourd'hui il faut une réelle synergie entre le gouvernement, les parents, les plateformes et les opérateurs pour faire obstacle à tous les contenus inappropriés pour des enfants en plein développement. Il faut des règles.
Quelles règles vous sembleraient efficaces ?
Je parle, depuis le départ de ma fille [Marie décédée en 2021 après avoir été harcelée sur TikTok] d'une pièce d'identité numérique. Une reconnaissance faciale, un accord parental, et des puces qui ne donnent accès qu'aux contenus appropriés. Plus il y aura de pare-feu, plus on a des chance de faire renoncer les enfants à ces contenus dangereux.
Quels sont ces contenus dangereux ?
Depuis la création du collectif, nous, adultes, avons crée un compte virtuel d'une jeune fille de 13 ans sur TikTok. Et nous avons en 30 minutes reçu 31 contenus mortifères et dépressifs ! Si vous avez le malheur d'inscrire perte de poids, l'algorithme en moins de deux minutes envoie des contenus qui banalisent et glamourisent la dépression, des propos qui valorisent le suicide.
Je ne savais même pas que les réseaux envoyaient à ma fille ce genre de contenu ! De l'automutilation, comment faire un noeud pour se pendre, des videos de gens qui disent qu'ils souffrent et préfèreraient se libérer et mourir. Et l'agorithme fait tout pour qu'ils ne lâchent pas !
Les bulles de filtres, c'est la clé. A à la création même du compte, l'algorithme va collecter dans les conversations et les contenus et invente une personnalité supposée. L'enfant se retrouve sur une proposition de contenus mortifères, construits à son insu. Quand ma fille cherchait "perte de poids", pourquoi les réseaux n'envoyaient-ils pas des contenus positifs sur le sport ou sur ce qu'est une bonne alimentation ?
Les réseaux sociaux sont décrits par la commission comme "facteurs de rique " de dépression ou d'anxiété en cas de "vulnérabilité préexistante". Que vous évoque cette conclusion ?
Oui en effet il y avait concernant ma fille une vulnérabilité : elle était harcelée par certains enfants à l'école. Mais n'importe quel psychologue ou psychiatre dira que tous les adolescents sont par définition vulnérables, parce qu'ils sont en construction ! Ma fille n'était pas dépressive, elle a été harcelée par des gens costauds qui l'ont détruit. Avec le confinement ils se sont encore plus accrochés aux réseaux qui les utilisent pour exploiter leur faiblesses d'adolescents, inhérentes à cette période de changement.
J'ai appris que ma fille avait sept adresses mails. Nous adultes on regarde ça maintenant, mais eux sont nés avec, il faut aider les parents. Ils rentrent trard du boulot, ils sont perdus.
Où en est votre dépôt de plainte au pénal contre TikTok ?
Elle n'a pas avancé ! Donc nous avons créé un collectif, Algos Victima "la douleur des victimes" qui regroupe une quinzaine de personnes parents ou jeunes adultes qui ont subit des abus via ce réseau-là.TikTok ne doit plus être le bourreau de nos enfants. Bulle de filtre, enfermement dans des contenus dépressifs, j'ai envie de dire que c'est un abus de faiblesse sur mineur.
Les autres réseaux sont aussi pour vous un sujet de vigilance ?
Oui je voulais attaquer SnapChat aussi pour ces vidéos éphémères qui permettent à des enfants d'envoyer des photos qui font du mal, parce qu'ils savent qu'ils ne se feront pas attraper et en même temps ne se rendent pas vraiment compte de la portée de leurs actes.
Les enfants comme certains adultes d'ailleurs, se défoulent en ligne ou deviennent des réceptacles, mais n'apprennent pas à filtrer, dans un sens ou dans l'autre. On doit leur apprendre à se concentrer, à être vigilants, à construire une information et ne pas subir.
La liberté d'expression doit être contrôlée, on ne peux pas dire n'importe quoi pour se défouler sur les réseaux sociaux, il faut une prise de conscience générale et citoyenne !
Les futures générations doivent être construites correctement, c'est à nous de les aider.