TEMOIGNAGES. "On a des annulations, c'est au jour le jour" : hôtels et restaurants souffrent de la grogne sociale autour de la réforme des retraites

Entre manifestations, grèves et pénurie d'essence, la fréquentation de certains établissements est en chute. Ce qui inquiètent les professionnels du secteur, alors que la saison débute.

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C'est la goutte de trop pour Bouchra et Adrienn. Après quatre années de difficultés successives, les deux gérantes du restaurant végan Vega Spix, à La Ciotat, ont décidé de mettre la clé sous la porte. "Cela fait quatre ans et on n'arrive toujours pas à se verser de salaire. On est en détresse financière, et forcément aussi psychologique car ça joue sur le moral et aussi sur la volonté, sur l'envie, on est obligées aujourd'hui de fermer", raconte, amère, Bouchra Houssaini, co-gérante. 

Ouvert en juin 2019, juste avant le Covid, les propriétaires n'ont pas eu le temps de bâtir une trésorerie pour tenir sur le long terme. Si l'été le restaurant fonctionne bien, l'hiver c'est beaucoup plus difficile.

La société n'est pas endettée mais aucun revenu rentre. "Je ne peux plus continuer comme ça", explique Adrienn Olasz, cuisinière. Elle pointe aussi l'augmentation des matières premières végan et sans gluten, essentielles pour leur restaurant dédié aux allergiques au gluten et aux végans, situé dans le centre-ville de La Ciotat. 

"Aujourd'hui c'est difficile, moralement, c'est difficile psychologiquement, physiquement, donc on est là tous les jours, on essaie de travailler, mais la vente oui c'est compliqué en cette période, alors que l'été approche pourtant", regrette-t-elle.

Le tourisme d'affaires s'effondre

Autre lieu, autre galère. Le tourisme d'affaire est impacté lui aussi de plein fouet par la grogne sociale.

Ce jour-là, encore un mail pour annuler en raison des mouvements sociaux. 137 annulations au total depuis le début du mois de mars. Une baisse de fréquentation qui se répercute aussi sur les quatre salles de réception pour les séminaires. 

"On a une grosse baisse du chiffre d'affaires au niveau séminaires, locations de salles. Peu de société nous sollicitent pour éviter les déplacements de leurs collaborateurs", regrette Olivier Bonnet, directeur délégué de l'hôtel Ibis de La Ciotat. 

"On accuse un retard tout cumulé aux alentour de 35 000 euros depuis le mois de mars, qui est pour nous assez conséquent", précise-t-il. 

Baisse de 30 % du chiffre d'affaires

A Marseille, l'établissement Carré Vieux-Port, en plein centre-ville, accuse de son côté une baisse de 30 % de son chiffre d'affaires dans ce contexte de grogne sociale.

"Les premiers jours de grève les gens ont pu s'arranger et maintenir leur venue, mais avec la continuité de la grève, et l'incertitude chaque jour, plus les difficultés s'y rajoutant, notamment l'essence, l'école, maintenant on est dans le flou complet, c'est au jour le jour, on a des annulations, nos hôtels ne se remplissent plus", précise Nicolas Guyot, directeur de l'hôtel Carré Vieux-Port. 

Selon lui, les hôtels de périphérie seraient moins impactés car les gens peuvent y accéder en voiture, mais c'est plus difficile pour les cœurs des grandes villes où ont lieu les manifestations.

Dans un courrier adressé à la Première ministre, le groupement des hôtelleries et restaurations de France s'alarme des conséquences des mouvements sociaux à répétition. 

"On ne peut plus payer la facture. La situation devient inquiétante, alarmante", pour Frédéric Jeanjean, secrétaire général de l'UMIH, l'Union des métiers et des industries hôtelières dans les Bouches-du-Rhône.

"On ne peut plus payer la facture. La situation devient inquiétante, alarmante."

Frédéric Jeanjean, secrétaire général de l'UMIH des Bouches-du-Rhône

France 3 Provence-Alpes

"Nous interpellons les pouvoirs publics et nous interpellons l'ensemble de la profession et du monde de l'économie qui connaît les mêmes problématiques que nous. Il y a des solutions qu'il va falloir trouver. Nous ne pouvons pas systématiquement pâtir des décisions prises ou pas prises ou mal prises et nous retrouver au ban en difficulté et en détresse" , ajoute Frédéric Jeanjean.

Il indique que les personnes en difficulté peuvent demander la mise en place de chômage partiel et réduire leurs volumes d'ouvertures. Des services de prévention ont été mise en place par les tribunaux de commerce.

Très inquiet par la crise sociale, l'UMIH demande de pouvoir mettre en place le chômage partiel sur l'ensemble du territoire partout où il y a des baisses d'activité.

"Comment fait-on pour maintenir les charges qui ont augmentées ? Nous avons augmenté les salaires de 16 % l'année dernière, nous avons pris des prêts garantis par l'Etat qu'il faut rembourser. Nous avons maintenant l'inflation sur les matières premières et sur l'énergie, même s'il y a des aides sur l'énergie, cela ne couvre pas la totalité", conclut Frédéric Jeanjean.  

Point positif malgré tout, pour l'été les réservations progressent, certes timidement, mais les professionnels restent confiants et plein d'espoir.

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