Mercredi 6 mars, sirènes et cornes de brume retentiront à Aix-en-Provence dès midi, dans le cadre d'un exercice de prévention. Huit communes sont concernées par un risque de rupture du barrage de Bimont. Le scénario catastrophe a été envisagé par les autorités pour préparer les populations à réagir en cas de "péril imminent".
Situé au pied de la Sainte-Victoire, le barrage de Bimont est un colosse de 87 mètres de hauteur dont la crête s'étire sur 180 mètres de large. Il appartient à la "classe A", celle des grands barrages. Sa capacité de stockage est de 25 millions de tonnes d'eau, ce qui lui permettrait de couvrir les besoins de la ville de Marseille durant trois mois. Cette "réserve de sécurité" pour les agglomérations marseillaises et aixoises constitue aussi une menace pour les habitants des huit communes qui se trouveraient submergées en cas de rupture du barrage.
Les populations potentiellement impactées vivent dans un périmètre de 30 km de long, situé entre le barrage et la commune de Berre-l'Etang, une bande qui traverse cinq quartiers d'Aix-en-Provence (le Tholonet, les Trois Sautets, Arc-de-Meyran, les Milles et Saint-Pons).
Construit dans le cadre du Plan Marshall, mis en service en 1952, l'ouvrage est géré et exploité par la Société du Canal de Provence (SCP), qui se doit de procéder à des études de danger tous les cinq ans et à la mise en œuvre d'un Plan de Particulier d'Intervention (PPI) piloté par le Préfet.
L'alerte au moindre signe d'anomalie
"Nous avons trois agents d'exploitation qui logent et vivent sur le barrage, assurant une surveillance 24 heures sur 24, grâce à des outils d'auscultation, explique Franck Sanfilippo, directeur du service de l'eau à la SCP. Au moindre doute, la procédure est claire, ils alertent les ingénieurs responsables, je décide d'initier une cellule de crise et nous tenons la préfecture informée".
Si le péril est considéré comme imminent et que le barrage risque de rompre, alors "le préfet décide et nous exécutons", précise Franck Filippo, qui serait alors chargé de déclencher les sirènes pour alerter les populations, en "appuyant sur le bouton".
"Un mur d'eau" de plusieurs dizaines de mètres de hauteur
Un scénario catastrophe envisagé sous tous les angles par le Cyprès, organisme chargé notamment de cartographier les risques pour les populations. Ses études font apparaître deux zones impactées par une éventuelle onde de submersion. Le secteur 1 en proximité immédiate s'étend sur une bande de 18 km entre le barrage de Bimont et le quartier des Milles à Aix-en-Provence. Il serait touché par une vague immense déferlant à grande vitesse et emportant tout sur son passage.
"On pourrait imaginer un mur d'eau qui se déplacerait, comparable à un tsunami, on peut prédire jusqu'à 30 mètres de haut à l'entrée d'Aix-en-Provence", précise Eric Pourtain, directeur adjoint du Cypres et responsable du pôle Risques technologiques.
Le secteur 2, plus en aval, serait lui noyé par des inondations, avec des hauteurs d'eau moins importantes, comme l'indique Eric Pourtain, "on trouverait par exemple 1,50 mètre d'eau à Berre-l'Étang".
"En amont, le danger vient surtout de l'onde de choc qui précède la vague", précise ce spécialiste du risque, "de l'air poussé par la masse d'eau, qui détruit tout sur son passage, la vague ensuite finit de balayer ce qui reste", avant de rappeler que "la rupture d'un barrage est une catastrophe" qui fait de nombreuses victimes.
Malpasset, la catastrophe de référence
"Si les gens ont envie de se faire peur, ils peuvent se renseigner sur Malpasset" s'amuse Eric Pourtain. Pour les spécialistes du Cyprès, l'accident de référence en France demeure celui du barrage de Malpasset dans le Var en 1959 qui avait fait 423 victimes. En cause, une vitesse de remplissage trop rapide après une vidange, une erreur qui ne pourrait plus se produire selon cet expert.
"Il faut imaginer qu'en cas de rupture d’un barrage, le danger ne provient pas exclusivement de l'eau, mais de tout ce qu'elle arrache et ce qu'elle charrie" précise Eric Pourtain qui rappelle qu'à Malpasset ce sont "des roches de plusieurs tonnes, qui s'étaient détachées, qui ont causé le plus de dégâts". Voilà qui pose la question de la résistance des gros ouvrages tels que les ponts autoroutiers "dont on n’est pas certains qu'ils résisteraient à l'onde de submersion."
Des signes et des consignes
Cependant, Eric Pourtain se veut rassurant : une rupture de barrage ne peut en aucun cas intervenir brutalement, "il y a forcément des signes avant-coureurs, des signes acoustiques, des signaux des pendules, qui ne peuvent échapper à la vigilance des agents d'exploitation". Ce qui permet de graduer le dispositif d'alerte des populations et de gagner du temps nécessaire aux évacuations.
Le PPI établit bien évidemment une liste de consignes pour les habitants, qui devront adopter quelques réflexes face à la menace d'une vague-submersion. "Si on doit retenir une seule consigne, c'est de prendre ses affaires et de partir à pied, pour gagner un point en hauteur, au sol, sans jamais monter dans des étages". L’objectif étant de rejoindre des points d'évacuation définis de part et d'autre du tracé de l’onde de submersion.