COP28. "Les lobbies industriels ont plus d'impact sur les décisions publiques que les scientifiques" : un collectif de chercheurs s'engage

À Marseille, les 70 chercheurs de l'Atecopol tentent de "réorienter la trajectoire de notre société face aux bouleversements écologiques". Coincés entre urgence et scepticisme, ils veulent faire peser la voix des scientifiques dans la décision politique, martelant que "savoir et ne pas agir, ce n’est pas savoir".

L’Atelier d’écologie politique (Atecopol) des chercheurs d'Aix-Marseille est né il y a deux ans. Son grand frère toulousain avait ouvert la voie, dès 2018, avec l'ambition de contourner "la relégation publique des connaissances scientifiquement prouvées". Autrement dit, dans l'optique de faire passer efficacement le message écologique des scientifiques "face aux menaces qui pèsent à court terme sur l'humanité".

L'idée de "dépolluer le débat public" a essaimé dans tout le pays, de Montpellier à Rennes, Paris, jusqu'à Marseille. Biologiste, géographe, ethnologue, sociologue, psychologue… Soixante-dix chercheurs, issus de toutes les disciplines, ont jeté les bases de leur collectif dans un manifeste. Partant du "constat de plus en plus étayé d’une “sixième extinction” des espèces" attisée par les bouleversements écologiques "sans précédent", tels que la dégradation et la contamination des milieux, ou l'érosion fulgurante de la biodiversité, la communauté scientifique entend faire circuler ses savoirs pour trouver des solutions.

"L'écologie politique n'a rien à voir avec les partis"

"Les lobbies industriels ont plus d'impact sur la prise de décisions publiques que les scientifiques" explique Wolfgang Cramer, directeur de recherche au CNRS et géographe à l'Institut Méditerranéen de Biodiversité et d'Écologie, déplorant que les travaux des universitaires soient balayés sur l'autel des intérêts économiques.

Quand le gouvernement français désigne des ministres de la Transition, il recrute dans le monde industriel, pas dans le monde scientifique. Il faut s'interroger sur cet échec et comprendre pourquoi.

Wolfgang Cramer, chercheur membre de l'Atecopol Aix-Marseille

France 3 Provence-Alpes

Ces universitaires veulent traiter d'écologie "politique au sens noble du terme, cela n'a rien à voir avec les partis politiques, mais c'est un débat citoyen", explique le directeur de recherche. "La prise de décision concerne chacun de nous, elle va de l'achat du yaourt dans les rayons d’un supermarché au vote pour un candidat aux présidentielles en passant par le choix d'un mode de transport ou d'un logement, chaque choix ayant un impact sur l'environnement."

La réflexion avant l'action

Ces scientifiques se retrouvent sur leur temps libre les soirs et week-ends, sans financement, ni rémunération, un gage de leur indépendance et de leur liberté d'expression. Pas question pour eux de militer, ni d'être dans l'action, mais bien de prendre le temps de l'analyse, et ce, malgré l’urgence. "Un vrai casse-tête", pour avancer "mieux et s’organiser de manière plus intelligente".

"Si certains chercheurs se positionnent en participant à de grandes manifestations auprès de Total Énergies", poursuit Wolfgang Cramer, "s'engageant aux côtés d'une industrie destructrice et en partie criminelle, d'autres optent pour la désobéissance civile des Scientifiques en rébellion, mais l'Atecopol n'est pas un lieu d'engagement, c'est un espace de réflexion".

"Réduire les risques et la souffrance des gens"

Avoir un impact sur les choix politiques, là est l'enjeu. Alors que la COP 28 se tient à Dubaï sur fond de controverses, l'Atelier d'écologie politique d'Aix-Marseille réaffirme qu'à l'obligation de décarboner sur la base de données scientifiques, "on répond construction d'autoroutes, d'aéroports et croissance", ce qui prouve que le message des scientifiques passe mal et n'a pas d'impact réel.

Ce ne sont pas les scientifiques qui font peur, c'est la situation qui fait peur ! Au contraire, je trouve ça rassurant que des chercheurs s'engagent pour analyser les problèmes.

Wolfgang Cramer, directeur de recherches au CNRS

France 3 Provence-Alpes

Ce qui fait dire à ces chercheurs que "les solutions sont aussi, et peut-être avant tout, politiques et citoyennes". Souvent pointée du doigt comme anxiogène, l'abondance d’informations scientifiques sur le climat et de prédictions catastrophistes qui détourneraient les Français de l'écologie n'a pas sa place ici dans le débat. "On ne va pas arrêter les recherches sur le cancer parce que le cancer fait peur", poursuit Wolfgang Cramer, "dans l'écologie comme pour la santé, la recherche s'engage pour réduire les risques et la souffrance auxquelles les gens sont exposés".

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