Christophe Boutry, ancien agent de la DGSI, comparaît à Marseille pour corruption jusqu'à jeudi. Sous le pseudonyme "Haurus", il a déjà été condamné pour avoir vendu sur le darknet des informations sensibles à des voyous.
Nouveau procès pour "Haurus". Cet ancien policier de la DGSI comparaît pour corruption au tribunal judiciaire de Marseille jusqu'au jeudi 17 octobre. Mais ce n'est pas la première fois qu'il fait face à la justice. Entre son passé de ripou, sa carrière d'auteur et ses nouvelles activités en conseil pour les enquêtes criminelles, qui se cache derrière ce pseudo ? France 3 Provence-Alpes fait le point.
Il vendait des informations confidentielles sur le darknet
Sa véritable identité : Christophe Boutry, ex-agent de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Âge : 38 ans. Il est repéré en juin 2018 par les enquêteurs de l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titre (Ocriest), lors d'une veille classique sur le darknet, zone de non-droit du web. Il est interpellé dans les locaux des renseignements français quelques semaines plus tard, le 24 septembre, rapporte Le Monde.
Christophe Boutry est alors soupçonné d'avoir vendu des informations issues de la police nationale sur des plateformes du darknet, sous le pseudonyme "Haurus", en échange de bitcoins. Des informations qui auraient facilité des règlements de compte à Marseille.
En clair : il fournissait aussi bien des factures téléphoniques détaillées que des données de géolocalisation, mais aussi des "doublettes", c'est-à-dire des copies parfaites de pièces d'identité ou de permis de conduire déjà en circulation.
Grâce à la transmission de renseignements très précis par "Haurus", par exemple sur des lieux de pointage de personnes sous contrôle judiciaire, "neuf cibles", des membres importants du banditisme marseillais, avaient en effet été visées.
Entre six jours et trois mois après les recherches d'"Haurus", deux d'entre elles avaient été abattues.
Il a été condamné à sept ans de prison en 2021
En octobre 2020, "Haurus" est placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d'une enquête sur une "association de malfaiteurs en vue de crimes en bande organisée".
Il a pour obligation de ne pas paraître dans les Bouches-du-Rhône et de ne pas entrer en contact avec Christophe N., un de ses clients présumés sur le darknet. Celui-ci lui avait commandé à l'ex-brigadier des informations sur des personnalités du banditisme phocéen, dont Jean-Louis Grimaudo, assassiné depuis.
En juillet 2021, Christophe Boutry est âgé de 35 ans lorsqu'il est condamné à sept ans de prison par le tribunal correctionnel de Nanterre, dont deux avec sursis.
Il voulait "mettre du beurre dans les épinards"
Christophe Boutry a reconnu la majorité des faits qui lui étaient reprochés, déclarant avoir agi par appât du gain, "pour mettre du beurre dans les épinards".
"Je ne suis pas pourri à ce point-là. J’ai conscience du mal que j’ai fait, ça ne se reproduira plus jamais", avait-il déclaré au tribunal selon l'AFP, décrivant une forme "d’addiction" qui lui avait fait "perdre pied avec la réalité".
L'idée lui est venue à la suite d'une enquête sur de fausses cartes grises utilisées par un groupe terroriste, détaille l'AFP. Cela l'avait alors conduit sur le darknet, lui donnant l'idée, sous les pseudos "Baudelaire" puis "Haurus", "de prendre un billet en échange d'un ou deux fichiers" récupérés dans les dossiers des préfectures ou sur le fichier du traitement des antécédents judiciaires.
Il a gagné entre 30 000 et 40 000 euros pour ses activités illégales
L'enquête avait finalement établi 385 requêtes illégales au total. Ces recherches étaient payées de 100 euros pour l'identification d'un numéro de téléphone à 300 euros pour la géolocalisation exacte d'une personne un jour précis.
"On m'a demandé de mettre sous écoute certains objectifs, mais j'ai refusé, car c'était trop risqué", a expliqué Christophe Boutry, évaluant entre 30 000 et 40 000 euros ses gains pour l'ensemble de ces activités illégales.
Il est à nouveau jugé dans le volet "corruption" de cette affaire
Christophe Boutry a toujours affirmé ne rien savoir du commanditaire pour lequel ces données étaient achetées. Selon l'accusation, le commanditaire serait en fait Pascal Gomez Galeote, présenté par les enquêteurs de la police judiciaire comme le chef de la "bande de Marignane".
Des fichiers transmis par l'ex-policier ont ainsi été retrouvés sur un téléphone crypté qui lui appartiendrait. Pascal Gomez Galeote conteste cette accusation.
Au total, sept membres de cette "chaîne de corruption" identifiée par les enquêteurs sont jugés jusqu'à jeudi à Marseille.
Il a parlé avec le chauffeur de l'assassin de Samuel Paty
Après être sorti de prison en mai 2023, Christophe Boutry a fait paraître un livre autoproduit Une prison française - Journal de bord d'un détenu, dans lequel il retrace son séjour derrière les barreaux à Nanterre.
Comme l'a expliqué l'hebdomadaire Marianne, l'ancien policier décrit les rencontres qu'il fait en prison, et affirme notamment avoir échangé avec Naïm Boudaoud, le jeune homme qui a amené le terroriste Abdoullakh Anzorov avant qu'il assassine Samuel Paty.
Il aura également été en lien avec Pierre Bourdin, ex-militaire de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) soupçonné d'être l'un des exécutants dans l'affaire des barbouzes.
Il est actif sur les réseaux sociaux
Christophe Boutry possède un compte X (ex-Twitter) certifié. Il se définit dans sa bio comme "Ex-DGSI Haurus" mais aussi "Auteur". Il ajoute également cette phrase latine : "Non bis in idem" : un principe de la procédure pénale : "nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits", peut-on lire sur le site du Sénat.
Son dernier repost est un communiqué de son avocate, Naïri Zadourian, qui rappelle que son client comparaît jusqu'à jeudi "pour des faits de corruption et uniquement de corruption".
Il travaille dans le conseil et l'analyse d'enquête criminelle
Sur son compte X, Christophe Boutry fait un lien vers un cabinet de conseil spécialisé dans la téléphonie et les preuves numériques dans le cadre d'enquête criminelle. En 2020, il a notamment publié un "guide de référence pour s'initier à la téléphonie mobile d'investigation dans les enquêtes judiciaires", sous le pseudo... d'Haurus.