L’Etat vient de lancer depuis début janvier une nouvelle plateforme en ligne, de signalement de logements insalubres. Un outil qui pourrait trouver preneur à Marseille, où le mal-logement fait trop souvent les gros titres. Le point sur l’efficacité attendue du dispositif.
« Histologe ». C’est le nom de ce nouvel outil numérique, permettant à chacun, propriétaire ou locataire, de signaler un état d’insalubrité dans leur habitation.
Ce dispositif vient remplacer le guichet postal du Pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne (PDLHI), en place depuis 2016.
Le concept promet en quelques minutes via un site internet de signaler chaque problème dans le logement. Des problèmes structurels, comme la sécurité des escaliers, à l’insalubrité de l’habitation : humidité, infiltrations, problèmes électriques… les cases à cocher sont nombreuses.
"Le citoyen peut remplir une déclaration, ajouter des photos, des documents attestant de sa situation", explique la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM), en charge d'"Histologe".
Un guichet unique
"En dématérialisant la saisie, cela nous permet d'orienter le dossier, via cette plateforme unique, à tous les partenaires : collectivités, mairies, bailleurs sociaux, CAF..., qui prendront en main le dossier d'insalubrité". La DDTM assure que le dossier est transmis dans les 48 heures.
"Les acteurs ont ainsi 3 mois réglementaires pour effectuer les démarches auprès des occupants, moins si la situation est urgente", assure la DDTM.
D’après la Préfecture des Bouches-du-Rhône, "en quelques minutes, l’occupant ou le propriétaire, (…) décrit et évalue le degré de gravité de la situation rencontrée".
Depuis le 1er janvier, 105 situations de mal-logement auraient été signalées, "toutes aujourd’hui réglées ou en cours de traitement par les partenaires compétents sur le département", explique la Préfecture.
1500 signalements par an dans le Département
D'après la DDTM, le Pôle Départemental de Lutte contre l'Habitat Indigne enregistre en moyenne 1500 signalements par an. 70% concernent la seule ville de Marseille.
Jeudi, le journal La Marseillaise, relatait encore le quotidien de mères isolées avec enfants. Elles logeaient, d’après le quotidien, dans des combles situés au 5ème étage du 70 Bd de la Libération dans le centre-ville de Marseille.
550 euros de loyer, "pour un meublé exigu avec punaises de lit", explique La Marseillaise. Le propriétaire, déjà "mis en examen pour mise en danger de la vie d’autrui, non-respect d’une interdiction d’habiter" pour un autre immeuble, percevait 381 euros d’APL sur ces logements.
Dans une ville comme Marseille, où l’habitat indigne fait trop régulièrement les gros titres, le dispositif sera-t-il efficace ?
Pas sûr, d’après Emmanuel Patris, membre de l'association Un Centre Ville Pour Tous. Ce collectif œuvre depuis 2000 dans la lutte contre le mal-logement. Une action qui s’est amplifiée après les effondrements de la rue d’Aubagne, qui avaient fait huit morts le 5 novembre 2018.
"Tout ce qui va dans le sens d’une meilleure couverture et d'une meilleure traçabilité des signalements, c’est positif", admet Emmanuel Patris.
Cela ne remplace pas le travail sur le terrain. Il faut des moyens humains et financiers pour aller vers les personnes en difficulté, faire des diagnostics immeuble par immeuble.
Emmanuel Patris, Co-Pdt Un Centre Ville Pour Tous
Selon la DDTM, une soixantaine d'arrêtés d'insalubrité sont pris chaque année : "80% des signalements ne nécessitent pas une interdiction d'habitation". A cela, s'ajoutent près de 300 arrêtés municipaux de périls imminents, pris en 2021 par les maires du département.
Enfin, Emmanuel Patris souligne le problème de la fracture numérique : "trop de personnes en situation de mal-logement n'ont pas accès aux outils numériques. Les outils déjà existants sont peu connus. Encore faut-il qu'il soient accessibles".
De son côté la DDTM assure qu'un numéro de téléphone est en place. Le 0806 706 806. Au bout de la ligne, un conseiller de l'ADIL ( agence départementale d'information au logement) prendra la déclaration, et remplira lui-même le formulaire pour l'occupant.
"Histologe", comme "Historique du Logement", se veut un outil plus efficient, qui permettra à tous les acteurs, via un guichet unique, de régler les dossiers d'insalubrité. La plateforme est déjà utilisée par plusieurs départements et a pour vocation de se déployer partout en France.
Le défi pour la Préfecture, que les citoyens se saisissent de l'outil, dans les prochains mois.
D’après la préfecture des Bouches-du-Rhône, dans le département, ce sont plus de 150.000 personnes qui seraient en situation de mal-logement. A l’échelle marseillaise, le rapport Nicol faisait état, en 2015, de 40.000 logements indignes. C’est plus de 10% du parc d'habitations de la ville.