"Le PS n'est plus un parti de gouvernement". Un politologue revient sur l'effondrement du Parti socialiste alors que son congrès s'ouvre à Marseille

Le PS dans l'impasse : Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol se disputent la tête du parti à la veille du congrès de Marseille. Philippe Aldrin, professeur de science politique explique la "lente éclipse" du parti à la rose.

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Autrefois parti de gouvernement, pesant de tout son poids à gauche, le PS n'existe aujourd'hui qu'à travers son alliance avec La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Les "éléphants" et les "barons" se sont évanouis dans le paysage politique. Et si le parti à la rose fait encore parler de lui, c'est parce que la famille socialiste se réunit à Marseille à l'occasion de son 80ème congrès sur fond de guerre fratricide.

La polémique ne cesse d'enfler depuis la désignation du Premier secrétaire du parti. Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol se disputent vertement la tête du parti se renvoyant à la figure des accusations de fraudes, d'irrégularités, d'intoxication médiatique.

Le résultat du scrutin du 19 janvier 2023, validé après recomptage par la commission de récolement des votes, donne la victoire à Olivier Faure, premier secrétaire sortant avec 51 % des voix. Ce que conteste toujours son rival, le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol. 

Philippe Aldrin, professeur de science politique à l'IEP d'Aix-en-Provence et co-auteur d'une enquête " Voter par temps de crise" (PUF 2021) décrypte le processus de marginalisation du PS, laminé par les 6 % de Benoît Hamon et les 1.7 % d'Anne Hidalgo à la présidentielle de 2022. 

Le Parti Socialiste fait-il face à une crise passagère ?

Philippe Aldrin : la question est tout avant de savoir si le PS est toujours un parti. Un parti, c'est avant tout un corps de militants et un électorat fidélisé. Normalement, un parti porte un programme d'avenir, des idées et des valeurs dans lesquelles se reconnaissent des électeurs, sans forcément y adhérer. Le PS n'a jamais été un parti de masse, mais a gouverné la France depuis 1981 et comptait en 2012 encore 200 000 adhérents. Aujourd'hui, on en recense dix fois moins, avec un score historiquement bas d' 1,7% à la présidentielle. Et puis, le parti à la rose a perdu son siège emblématique de Solférino, la notoriété politique de ses leaders dont Olivier Faure est assez faible, à l'aune des scores électoraux. Il n'y a plus de cadres historiques, les anciens Premiers ministres ont quitté le parti. On assiste ni à un moment de faiblesse, ni à la phase d'un cycle de reconstruction, le PS est un astre mort. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne renaîtra pas de ses cendres.

C'est un parti qui s'est dessoclé de son électorat, de sa ligne politique, qui n'est plus le pôle central de la gauche. 

Philippe Aldrin, politologue

à France 3 Paca

Le combat que se livrent en interne Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol est-il un écran de fumée?

Le combat se situe sur la ligne stratégique, Nupes ou pas Nupes? Est-ce que l'on reste une force supplétive de la Nupes ou une force centrale? Nicolas Mayer-Rossignol le fabusien défend une vision moins radicale et Olivier Faure défend une coalition de gauche. Mais finalement, que représente le PS pour les électeurs? Quels sont les grandes valeurs et les projets emblématiques du Parti Socialiste aujourd'hui? Le propos sur la question des retraites manque de visibilité. 

Les changements à la tête des partis, il y en a eu partout, chez les Verts, LR ou le RN, ce sont des effets de cycle après une présidentielle. Un parti est un espace de concurrence, de confrontation des idées et des ambitions. Mais cet épisode serait anecdotique si le parti n'était pas en train de s'effondrer. 

Le PS a t-il encore un avenir ? 

Nous, universitaires, considérons le parti politique sur la base d'une métaphore économique comme une marque identifiée sur un marché. Aujourd'hui, la marque PS a du mal à exister. Le PS n'est plus un point de repère dans la boussole des électeurs. 

C'est peut-être juste une éclipse et le PS va se refonder à partir de ses bastions locaux. 

Philippe Aldrin

politologue

La gauche de la gauche a longtemps existé au travers du "municipalisme" : sous la IIIe et la IVe République, des territoires, des villes étaient gérés par des socialistes sans pour autant avoir de poids politique au niveau national. Il semblerait que l'on s'en rapproche. Derrière les maires de Rouen, de Montpellier, ou avec Anne Hidalgo. 

Quel scénario est envisageable au congrès de Marseille ?

Face à la confusion, on assiste à une forme d'indiscipline. Il n' y a pas de loyauté des militants à une ligne du parti. Il n'est donc pas certain que la discipline des votes se fasse à la faveur du sortant. Il peut y avoir des tractations, des gens qui ont fait le pari d'une coalition contre Faure, mais c'est difficile de faire des prédictions

La ligne Mayer-Rossignold propose de refonder sur l'ADN, sur le code génétique historique et Faure veut se mettre dans la roue de la Nupes parce qu'il y a une petite rentabilité électorale et médiatique. Les débats seront certainement intéressants parce qu' il y a aussi des gens de conviction. Ceux qui restent, ne sont pas seulement intéressés par une stratégie électorale mais ont l'idée de participer à une aventure militante. 

Si on regarde cela à la lumière du congrès de Rennes en 1990 et d'autres congrès passés très houleux, rien n'est joué. L'heure de vérité ne sonnera pas dans le week-end mais dans les années qui viennent, si le PS  est  capable de faire revenir son électorat : les enseignants, les classes moyennes, attachées au service public et portant des valeurs humanistes. Et puis il faudra peut-être se moderniser, changer de nom? Le congrès reste un rendez-vous très traditionnel. Aujourd'hui, on fait de la politique autrement. 

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