Les juges ont initié le mouvement national après le suicide d’une de leurs collègues, pour que leur souffrance sorte des portes du palais. Rejoints par les avocats, greffiers, éducateurs de la PJJ et auditeurs de justice, ils se mobilisent le mercredi 15 décembre dans toute la France comme à Marseille.
Les juges ont initié le mouvement après le suicide d’une de leurs collègues. Rejoints par les avocats, greffiers, éducateurs de la PJJ (protection judicaire de la jeunesse) et auditeurs de justice, ils se mobilisent le mercredi 15 décembre, pour exprimer leur souffrance au travail.
"Avant, on n’était pas vraiment obéissants mais on se taisait", décrit Clara Grande, juge d'instruction et co-déléguée du syndicat de la magistrature. Et puis le devoir de réserve a craqué et les magistrats se sont exprimés. Comme beaucoup de professionnels, ils réclament des moyens supplémentaires.
Profession juge
Un juge suit 7 à 8 ans d’études, porte une tenue impressionnante, inspire le respect au premier regard et ne montre pas beaucoup ses émotions au cours d’une audience. Il incarne l’un des visages de la société démocratique.
Un juge spécialisé dans les affaires familiales à Marseille peut recevoir 25 familles en une matinée, entrer dans leur intimité, et se sentir soumis à la pression des statistiques. Comme si son travail était chronométré.
Un juge peut présider une audience jusqu’à 23 heures, sentir l’impact sur sa propre famille et se demander jusqu’à quand il fera subir ça à ses proches.
Pour prendre des décisions appropriées, il a besoin d’être concentré. Dans le cas contraire, il fournit des efforts énormes. "Heureusement, nous travaillons dans la collégialité, nous nous tournons vers nos collègues quand nous sommes épuisés," raconte Nathalie Roche, juge d'instruction et co-délégué du syndicat de la magistrature, "Nous arrivons à gérer ce flux-là, mais pas les jeunes magistrats."
Burn-out, arrêts maladies, démissions, suicides, les juges vont mal.
"Le mouvement organisé mercredi est sans précédent", constate Clara Grande, "l'un des signes, c'est que le syndicat majoritaire, Union syndicale des magistrats, n’a pas pour habitude d’appeler à la grève".
Les greffiers, avocats, éducateurs spécialisés de la PJJ et auditeurs de justice (élèves magistrats) participent. La justice est une chaîne, lorsqu’un des maillons ne peut être actionné, le reste est inutile.
"Lorsqu’un enfant est en danger, si aucun éducateur de la PJJ ne peut le prendre en charge, l’enfant va rester dans sa famille, pendant un an parfois. La décision prise par le juge pour le protéger n’a plus aucun sens," décrit Nathalie Roche.
"Pour traiter les gens avec dignité, il faut l’être soi-même", souligne Clara Grande. Discrets par nature et par obligation, les juges ont vu leurs conditions de travail se dégrader. Leur jeune collègue Charlotte s’est suicidée fin août et neufs jeunes magistrats ont écrit une tribune.
Publiée dans le Monde, elle a recueilli plus de 7200 signatures et conduit à ce mouvement de grève. "Les digues lâchent face à la souffrance ressentie," constate Nathalie Roche.
La justice en grève
Les grévistes appellent au renvoi de toutes les audiences le mercredi 15 décembre, sauf celles considérées comme « majeures ». A 13 heures, un rassemblement est prévu place Monthyon, à Marseille, devant le tribunal.