Les Segpa font leur cinéma à Marseille, à l'Alhambra, loin de la polémique sur Cyril Hanouna et son film

Il y a la polémique sur la sortie prévue d'un film "les Segpa", produit par Cyril Hanouna et puis il y a ce festival. Il existe depuis 11 ans au cinéma l'Alhambra où sont diffusés des courts métrages réalisés par des classes de Sections d’Enseignement Général et Professionnel Adapté des Bouches-du-Rhône.

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Le collège Henri Barnier dans le 16e arrondissement de Marseille, le collège Mont-Sauvy à Orgon ou encore Lou Garlaban à Aubagne, et cinq autres établissements du département participent à ce festival cette année et ont pour la plupart déjà participé aux éditions passées.

200 collégiens et leurs professeurs chaque année travaillent sur le projet "Toute la lumière sur les Segpa". Ils présentent leurs créations au festival du même nom à l'issue duquel un court métrage est récompensé sur plusieurs thématiques par un jury de professionnels et le meilleur film est récompensé par le prix du public, les élèves.

Ces élèves sont issus des Sections d’Enseignement Général et Professionnel Adapté. "Le but du projet artistique et culturel est de valoriser les jeunes et de les ouvrir à d'autres formes d'apprentissages", explique William Benedetto, le directeur de l'Alhambra, cinéma situé dans les quartiers Nord de Marseille..

Apprentissage diversifié

Pendant toute l'année, ils vont apprendre et se familiariser avec le vocabulaire et  les techniques cinématographiques, aidés par des intervenants extérieurs et leurs enseignants. A la fin, au-delà de la fabrication ex-nihilo d'un court métrage, ils présenteront leurs créations lors du festival au cinéma l'Alhambra de Marseille situé dans les quartiers Nord et à d'autres établissements scolaires du département.

"Il faut du temps, de la patience, du courage, il faut réfléchir, être solidaire. Il faut avoir des idées, être calme et concentré", expliquent à tour de rôle les élèves dans un petit film de présentation sur le site du festival.

Depuis 2011, le collège Edouard Manet, de Marseille dans le 14e arrondissement a participé à cinq reprises au projet et au festival.

Et qui mieux que les élèves pour en parler ? Pour exprimer les appréhensions de départs et ce que cela leur a apporté de travailler sur un projet d'une telle ampleur, jusqu'à la joie et la confiance en eux au final.

"On a réussi à faire un court métrage, on a découvert différents métiers acteurs, réalisateurs, on a appris à écrire et écouter autour de nous les avis des autres", précisent ces jeunes.

Un sentiment commun au départ "on n'avait pas confiance en nous". Ils sont réticents à se mettre devant la caméra, "mais petit à petit, on a pris confiance, on s'est aidé, ça a soudé la classe, comme des frères et sœurs" précisent-ils.

"On s'ouvre plus", certains avaient du mal à exprimer ce qu'ils ressentaient devant la caméra, par pudeur, par souci du regard des autres. 

"C'est un formidable subterfuge pour faire travailler les élèves", indique leur professeur Jean-Hugues Bessou.

" J'ai jamais vu autant d'élèves écrire, réfléchir, travailler, partager, s'écouter, que dans ce projet", constate le professeur.

Lors des projections, les élèves sont partagés entre crainte du regard des autres élèves des autres classes et des professionnels du jury mais aussi l'espoir d'être récompensé.

"On a vu tous les courts métrages, et à la fin quand on gagne et qu'on nous félicite, on est fier, et on montre que même si on est en Segpa, on peut faire tout aussi bien voire mieux que les filières générales", reconnaissent les élèves.

En même temps, ce festival fait du bien, et pas qu'aux élèves.

"C'est une journée magnifique, les élèves sont hyper engagés, hyper fonceurs, investis, hyper concentrés. Il y a vraiment de belles choses qui ressortent de ce moment", précise le directeur de l'Alhambra.

Le festival et ce qu'il montre permet aussi de réfléchir le cinéma différemment.

"Ce projet nous nourrit, et nous sert pour se remettre en cause, sur ce qu'est un bon film, il maintient le cinéma vivant, pas figé, sans cliché ni stéréotype", précise William Benedetto qui anime la journée festival.  

Ils ont une entière liberté d'expression, la seule contrainte qu'ils ont c'est le temps, 10 minutes et à chaque fois. "On est étonné de la force des récits", avoue le directeur de cinéma. 

Les élèves, le sourire aux lèvres et les étoiles plein les yeux n'en reviennent pas.

"Cela fait du bien d'être applaudi, c'est pas parce qu'on est en Segpa qu'on ne peut pas réussir".

Des vocations sont peut-être nées, en tout cas de nombreux cinéphiles très probablement.

Même l'affiche du festival et les trophées remis à l'issue sont le fruit du travail de classes Segpa.

Depuis la polémique, les courts métrages hébergés sur le site du festival ont connu une nouvelle vie, et ont été visionnés de nombreuses fois. "Ce qui montre que les gens se renseignent sur les Segpa", confie William Benedetto, directeur de l'Alhambra et animateur du festival. 

Découverte de soi et du monde

Ce projet a vu le jour en 2011, grâce à différents partenariats avec le département des Bouches-du-Rhône, l'académie d'Aix-Marseille, la Région Sud et la Drac Paca .

"Ce projet, au-delà des savoirs et compétences mobilisées, permet aux élèves une découverte de soi et du monde, de s’exprimer et de se sentir valorisés en tant qu’individus, spectateurs et citoyens", précise William Benedetto directeur de l'Alhambra.

Les élèves dans ce projet sont tour à tour spectateurs, réalisateurs, acteurs, scénaristes, cameramen, éclairagistes, monteurs, preneurs de son, producteur, photographe, créateurs visuel.

Spectateurs car dans l'année, ils vont rencontrer la présidente du jury, en l'occurrence cette année Emma Benestan, réalisatrice de "Fragile" sorti le 25 août dernier. Ils vont découvrir sa filmographie, ses courts et longs métrages, échanger avec elle et lui faire une présentation du synopsis du film qu'ils préparent.

Cette présentation est aussi un entraînement à la future présentation qu'ils devront faire devant le public le jour du festival.

Ils sont aussi réalisateurs, acteurs, preneurs de son, éclairagistes, monteurs car ils donnent d'eux-mêmes dans les films selon la répartition des rôles pour la création finale.

"Ce projet montre que lorsqu'on fait un projet artistique et culturel, et qu'on trouve un cadre, et qu'on laisse à ces élèves cette place pour travailler, on peut changer des destins et sortir du déterminisme social qui plombe le moral de la jeunesse", insiste William Benedetto.

Se servir de cette polémique

" La stigmatisation de ces élèves est déjà blessante dans la série aux millions de vue sur YouTube. On se doute de la teneur du film qui va sortir", estime le directeur de cinéma.

Pour lui, au contraire, il faut se servir de cette polémique, de cet éclairage suscité par la sortie de ce film pour parler de ce qu'est réellement la section Segpa.

C'est d'ailleurs ce que montre un des courts métrages passés du festival, "DYS sur DYS" des 4èmes du collège Mont-Sauvy d'Orgon.

C'est la découverte par un collégien de filière générale de la section Segpa et qui se rend compte que l'enseignement est plus interactif, plus joyeux, plus ouvert sur d'autres activités et qui change de regard au point de vouloir intégrer la filière...mais sans DYS, impossible d'intégrer la section.

Avec beaucoup d'humour ce court métrage pointe aussi peut-être un point essentiel de l'éducation nationale, l'ennui que certains peuvent éprouver en filière générale et les Segpa sont peut-être novateurs dans la façon d'enseigner, avec plus de pratique et moins de théorie.

"Les Segpa aident à remettre sur le chemin de l'école des personnes qui auraient été décrocheurs, c'est ça la vocation des Segpa, il ne faut pas les voir comme quelque chose de négatif, mais au contraire, les projets sont super et les professeurs très investis", insiste William Benedetto qui depuis 11 ans partage avec les classes plus qu'un projet.

A propos de la sortie prochaine du film controversé sur les Segpa, William Benedetto ne le condamne pas, "des comédies potaches, il y en a toujours eu, et il y en aura encore. Il ne faut juste pas que cela porte atteinte à une formation qui a toute son utilité d'autant plus encore avec la crise que l'on traverse. De plus en plus de jeunes sont en quête de sens et trouver sa voie, c'est important et c'est à cela que servent les Segpa", fait remarquer l'homme de cinéma. 

"La responsabilité incombe aux personnes qui portent ce film, il serait intéressant de voir comment ils vont profiter du succès commercial, s'ils vont décider de reverser une partie des recettes vers la formation"?, s'interroge le directeur de cinéma qui mène de nombreuses actions vers les publics jeunesse pour attirer dans les salles obscures.

L'occasion de la sortie de ce film peut-être aussi l'occasion de se faire copier le festival par d'autres villes, d'autres départements pour mettre en valeur les Segpa.

William Benedetto nous l'assure, l'équipe de l'Alhambra réfléchit déjà à la façon de parler, de faire vivre ces courts métrages au cinéma et dans la ville en dehors du festival à l'occasion de la sortie du film en avril prochain pour "proposer un contre-feu".

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