Marseille : une victime présumée de viol, trois policiers, deux versions, l'intervention pointée du doigt

Que s'est-il passé dans cette petite rue Saint-Savournin du 1er arrondissement de Marseille ? Selon des habitantes du quartier, la police n'aurait pas fait son travail après un signalement de viol présumé. Pour les secours, il s'agit avant tout des déclarations d'une femme fortement alcoolisée.

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Cette nuit-là quatre habitantes du premier arrondissement de Marseille sont réveillées par des cris et des pleurs dans la rue. C’est une jeune femme qui appelle à l’aide. Elle aurait été violée.

D’un immeuble voisin, on lui jette des vêtements. Vraisemblablement les faits se seraient produits dans cet appartement. La victime présumée est au sol, à moitié dénudée dans la rue. Elle est alcoolisée et en état de choc.

Les voisines appellent la police pour l’une, les pompiers pour l’autre et descendent auprès de l’infortunée.

Quelques minutes plus tard, les secours sont sur place. Trois policiers en civil, voiture banalisée et une ambulance avec trois marins-pompiers.

Pour les voisines qui assistent toujours à la scène c’est là que la situation devient inqualifiable. Pour ces femmes, témoins de la prise en charge de la victime, les propos et les actions (ou inactions) des policiers sont un véritable scandale.

Les quatre femmes indiquent aux policiers l’appartement d’où un homme a jeté les vêtements de la victime présumée. Aucun ne souhaite s’y déplacer. "On ne peut pas faire grand-chose, la victime n’est pas coopérante, au max on peut déposer une main courante", explique l'un d'eux.

Pendant ce temps les deux autres policiers attendent "l’air blasé" selon les témoins. L’un d’eux aurait lancé à ses collègues un : "on ne va pas y passer la nuit".

"Elle est bourrée, elle a dû trébucher"

Pour les trois hommes l’état agité de la victime semble plus important que le viol dont elle aurait été victime. Un policier explique : "elle est bourrée, elle veut juste faire un drame. Il faut la dessaouler". Une des voisines répond alors : "vous avez vu son body est dégrafé entre les jambes et son short est baissé".

Réponse du policier : "je vous assure que ça arrive souvent avec les femmes hystériques. Vous savez il y en a plein des hystériques".

Une autre voisine, témoin de la scène, choquée évoque le fait que la victime présumée porte des ecchymoses au visage. "Elle est bourrée, elle a dû trébucher", lui aurait alors répondu l’un des policiers.

La victime est finalement emmenée dans l'ambulance des pompiers à l’hôpital de la Timone. Elle n’a pas souhaité porter plainte.

"La victime n’a pas été entendue"

Les quatre témoins restent ensuite de longues minutes ensemble sur le trottoir pour évoquer ce qu’elles viennent de vivre. Elles souhaitent rester anonymes et surtout ne pas créer d’ennuis supplémentaires à la femme victime présumée de viol.

Mais elles veulent aussi faire savoir qu’elles ont trouvé la situation intolérable. "La victime n’a pas été entendue, elle a été brusquée", assure l’une d’elles, estimant que "sa prise en charge défaillante."

Les quatre femmes ont envoyé un mail au commissariat du 1er arrondissement. Un message qui a été transféré au commissariat du 5eme ou leur demande sera traité, paraît-il. "Nous aimerions que demain les autres victimes soient écoutées, entendues, nous voudrions voir de l’empathie", écrivent-elles.

Les témoins se demandent aussi si un équipage avec au moins une femme à l’intérieur n’aurait pas fait un peu mieux en matière de douceur et d’écoute.

Pas de plainte, pas d'intervention

Nous avons joint la commissaire de permanence cette nuit-là. Et là, la version diffère. Les policiers ne sont pas intervenus dans l’appartement car la victime n’a pas souhaité porter plainte.

L’heure matinale, quatre heures, les a aussi dissuadés de défoncer une porte en l'absence de faits clairement dénoncés.

Une fois dans le camion des pompiers, la victime présumée n’aurait pas souhaité décliner son identité. Elle s'en serait verbalement prise aux policiers. Elle aurait déclaré à de nombreuses reprises : "dégagez, vous ne servez à rien."

La victime présumée n’a pas non plus porté plainte dans les jours suivants.

Pour la commissaire de permanence durant ce week-end du 4 avril, impossible de prévoir un équipage avec une femme pour intervenir. Ce sont les équipes les plus proches et celles qui sont disponibles qui se rendent sur place. "Ce qui compte c’est la rapidité, pas la mixité de l’équipage", explique la commissaire.

En revanche, dans les commissariats, "ce sont la plupart du temps des femmes qui prennent les plaintes", précise-t-elle. Une pièce par commissariat est même dédiée à ces affaires difficiles. "Chaque policier est formé à écouter les victimes de viol".

Quatre viols présumés ce week-end là

Tous les mois dans le cadre de la formation continue de nouvelles consignes sont données aux policiers sur la manière d’écouter les victimes de viols.

Ce week-end là sur Marseille, en plus de cette affaire, trois viols présumés ont eu lieu.

Quelques jours plus tard des colleuses féministes ont réalisé des affiches en lien avec cet événement. On pouvait y lire "Police, prenez nos plaintes" ou "Police Pompiers = complices". Le groupe de femmes aurait été interpellé.

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