Municipales à Marseille : "51 procurations dans un Ehpad ! C'est impossible que personne n'ait rien vu"

A Marseille, des procurations ont été établies pour des personnes âgées en Ehpad, sans contrôle d'identité. C'est ce que révèle France 2 dans une nouvelle enquête. Les familles des résidents l'apprennent seulement maintenant. Abasourdies que l'on puisse faire voter des malades d'Alzheimer.

Nouveau rebondissement dans la campagne des municipales à Marseille. Il concerne cette fois un Ehpad à Marseille où des procurations ont été établies pour une cinquantaine de résidents d'une même maison de retraite, le 3 mars. Moyenne d'âge des électeurs concernés : 90 ans.  

"L'œil du 20h", magazine du journal télévisé de France 2 poursuit son enquête sur les soupçons de fraude aux procurations dans la cité phocéenne.

La maman de Renaud vit dans cet Ehpad, la Résidence Univi Saint-Barnabé, dans le 12e arrondissement de Marseille : 130 chambres, dont 15 en secteur fermé, dévolues aux cas d'Alzheimer les plus graves. Il a découvert le reportage sur Facebook dans la nuit.

"C'est quelque chose de violent de faire voter quelqu'un qui n'a plus sa tête"

Renaud, dont la maman est en Ehpad

"J'ai reconnu l'Ehpad de ma mère ! ça a été un choc", raconte-t-il. Il découvre aussi ce matin un mail de la part de la direction de l'établissement. "Il était envoyé avant-hier mais j'étais passé à côté. Ils disent qu'ils ne communiquent rien tant que l'enquête est en cours", regrette Renaud.

Aujourd'hui Renaud est assailli de questions. Sa mère, âgée de 87 ans, aurait-elle voté au premier tour des élections municipales sans le savoir ?

"Je n’ai pas fait une procuration pour ma mère. Elle a une forme de démence sénile, on ne peut pas tenir une conversation avec elle. Même si je sais quelle aurait voté comme moi, c'était comme usurper quelque chose qui n’est plus là et là quand je vois ça !" s'indigne-t-il ! "C'est quelque chose de violent de faire voter quelqu'un qui n’a plus sa tête!".

Pour lui, "c'est impossible que l’Ehpad ne soit pas au courant. Il faut signer à l’entrée pour dire qui on vient voir et quand on part ! 51 procurations dans un Ehpad ! C'est impossible que personne, ni le personnel soignant, ni la direction n’ait rien vu", s'étonne-t-il. 

Renaud précise garder chez lui la carte d'identité de sa mère. 

La journée déconvenue n'est pas terminée, puisque Renaud apprend un peu plus tard que le nom de sa mère est inscrit sur les listes officielles des procurations de la ville.  "Je suis tellement choqué. Elle n'aurait jamais donné une procuration comme ça ! Apparemment c'est un jeune de 25 ans qui aurait voté à sa place ! dit-il, abasourdi.

Il ne compte pas s'arrêr là et demande aujourd'hui des comptes à l'Ehpad. 

Leurs parents ont voté par procuration le 15 mars

L'équipe de journalistes a pu consulter le registre officiel des procurations de la ville. Et en effet, des procurations ont été établies pour une cinquantaine de résidents de la maison de retraite, le 3 mars. 

Dans le reportage, les journalistes croisent deux proches de résidents dans l'Ehpad qui restent stupéfaits d'apprendre que leur parent a voté par procuration le 15 mars. 

Comme Denis Carletto "Je ne savais pas du tout… Il a le début d'une maladie, l'Alzheimer. Donc voilà", explique-t-il, incrédule. Même réaction pour Araksia Mesropian : sa mère qui donne procuration, pour elle, c'est inconcevable, car "elle a perdu la tête !".  

L'épouse de Julien Hardy citée dans le reportage a aussi voté. Son nom apparait sur les listes d'émargement que les journalistes ont pu consulter. Pourtant "elle est atteinte de Parkinson et de la maladie à corps de Lewy, et n'est pas en mesure cérébralement de signer des pouvoirs!" indique son époux. Il ne connait ni la personne qui a voté, ni la couleur de son vote. 

Contactés, les proches de 11 résidents découvrent qu’une procuration a été faite au nom de leurs parents, la plupart atteints de maladies dégénératives. La direction de l'Ehpad dit le découvrir aussi à l'équipe de reporters.

Une enquête préliminaire ouverte

Sans lien avec ce nouveau volet, une enquête préliminaire sur de possibles fraudes aux procurations de militants et candidats LR, a été ouverte samedi par la procureure de Marseille.

Une candidate Les Républicains a ainsi proposé par SMS aux habitants de son secteur de leur préparer leur procuration, sans passer par le commissariat, révèle un reportage

La candidate les Républicains Martine Vassal s'est une nouvelle fois retranchée derrière l'enquête dans une interview jeudi matin sur France bleu Provence.

"Je souhaite que l'enquête soit faite rapidement dans tous le secteurs, pour tous les candidats, pour toutes les procurations", a indiqué Martine Vassal, assurant être "transparente".

"Je ne suis pas une fraudeuse, je n'ai jamais fraudé et je ne vais pas commencer maintenant", martèle la candidate.

L'actuelle présidente de la Métropole Aix-Marseille précise attendre "qu'elle soit clôturée et si il y a des faits avérés, j’en tirerai les conséquences, je serai intraitable"

L'Ehpad dément toute implication

La direction du groupe auquel appartient l'Ehpad Saint-Barnabé a démenti vendredi toute implication dans l'établissement de ces documents.

"Nous réitérons qu'à aucun moment la direction de l'établissement n'a organisé le vote par procuration, celle-ci étant alors occupée à préserver les résidents de la crise du Covid-19 qui s'annonçait", déclare dans un communiqué la direction générale du groupe Univi.

Jeudi, les enquêteurs ont commencé à auditionner les 51 résidents concernés ainsi que les salariés de l'établissement marseillais, précise la direction du groupe Univi.

Estimant que l'Ehpad "subit aujourd'hui un préjudice lié à la possible dégradation de son image", la direction générale du groupe prévoit un dépôt de plainte contre X. 

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