PORTRAIT. Ružiča Jerkič, 103 ans, habitante de Marseille et rescapée de l'exode de Sarajevo en 1945

En 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale, la Yougoslavie sombre dans une guerre civile opposant l'État indépendant de Croatie allié des nazis, aux partisans Yougoslaves et Tchetniks serbes. Au terme de ce conflit, des massacres ont eu lieu et des milliers civils ont perdu la vie. Aujourd'hui installée à Marseille, Ružiča Jerkič, fait partie de ces miraculés ayant survécus. Elle témoigne.

Née le 26 septembre 1919 en Bosnie-Herzégovine, Ružiča Jerkič, a vécu mille et une vies.  Entre camps d'emprisonnement et torture, cette survivante n'a rien perdu de sa détermination.

Témoigner pour raconter son histoire

Après la seconde guerre mondiale, femmes et enfants ont été victimes d'exactions lors de l'exode de Sarajevo (capitale Bosnie-Herzégovine) à Maribor, Ružiča en a fait partie. Aujourd'hui âgée de 103 ans le passé, la centenaire ne l'a pas oublié. 

Pourtant, d'après Sébastien Colson, journaliste spécialisé de la guerre en ex-Yougoslavie, "cet épisode de l'histoire a été effacé de la mémoire collective. Ce massacre était de nature à fragiliser le pays c'est pour cette raison que le gouvernement a préféré l'occulter". 

Plongée dans sa mémoire, Ružiča Jerkič, souhaite témoigner pour raconter son histoire. "Au printemps 1945, j'étais encore à Sarajevo, avec ma fille. Les civils de toutes les nations ont fui le pays pour l'Autriche. Lors de cet exode, à pied, nombreux sont ceux qui tombaient sous les bombes. Une de ces bombes est tombée près de moi, l'onde de choc m'a propulsée. Je suis tombée avec mon enfant. Je l'ai cherché sous les décombres jusqu'à ce que je le trouve un peu plus loin. Il y avait beaucoup de cadavres autour de moi." raconte la centenaire émue.

Avant d'ajouter : " les mères ont dû abandonner leur deuxième et troisième enfant blessé ou mort,  et ne partir qu'avec un seul enfant. Cela m'a beaucoup touché. Je pleure encore pour eux".

Des villages ont été ravagés

À cette époque, la ville de Sarajevo, était un endroit de combat entre les partisans Yougoslave et Tchetniks serbes. La ville a été le théâtre d'une guerre sans commune mesure, qui selon Sébastien Colson " était d'une cruauté infinie. Les civils n'ont été pas été épargnés. Des villages ont été ravagés. La Yougoslavie a été le pays le plus touché lors de la deuxième guerre mondiale".

Lors de cette guerre, une dizaine de milliers de personnes a été abattue. Le spécialiste de la guerre en Ex-Yougoslavie, affirme également que  "les femmes étaient détenues dans des camps pendants que les hommes se faisaient massacrés."

Le récit de Ružiča corrobore ces propos. La rescapée se souvient que " lorsque nous nous nous sommes fait arrêter à Maribor (Slovénie), nous étions épuisés et affamés. Les communistes ont mis les hommes de côté et les femmes dans le camp. Nous entendions les détonations des coups de fusil lorsqu’ils tuaient les hommes."  

"Qui sera le prochain ?" c'est la question que se posait sans cesse la centenaire.

Grâce à Dieu et aux roses

Après un mois d'enfermement, l'enfer de Ružiča prend fin, enfin presque… "Un jour, un homme portant des décorations de guerre est venu à notre porte. Il ouvrit la bouche, choqué de ce qu'il vit. Et demanda ce que font ces femmes et ces enfants ici ? C'est lui qui nous a libérés", détaille la Bosniaque.

L'identité de ses libérateurs Ružiča ne s'en souvient pas, mais elle se rappelle qu' "il y avait plusieurs armées sur place".

Elle renchérit : " en sortant, j'ai marché sur les morts. J'ai débouché sur une plaine où j'ai trouvé un rosier. J'ai rempli un sac de pétales et m'en suis nourrie, moi et mon enfant. Ça m'a permis de survivre le chemin du retour jusqu'à Sarajevo". 

Avant de conclure, les yeux vers le ciel, elle affirme que sa vie, elle la doit à " Dieu et les roses".

Le nombre de civils ayant perdu la vie dans l’espace yougoslave entre 1941 et 1945 fait toujours l’objet de vives polémiques. Cela étant, selon le journaliste spécialisé de la guerre en ex-Yougoslavie " il y aurait eu près d'un million de victimes". 

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