Une "salle de consommation à moindre risque" plus communément appelée "salle de shoot", devrait voir le jour en 2024 à Marseille. Parents d'élèves et riverains sont inquiets. Mais concrètement, que se passera-t-il dans ce lieu ?
C'est dans le 4e arrondissement dans le quartier des cinq avenues, boulevard de la Libération, que la future "salle de shoot" de Marseille devrait s'installer. Une localisation qui inquiète certains riverains et des parents d'élèves des écoles à proximité.
Pour l'association ASUD Mars Say Yeah qui va gérer le lieu " c'est un outil supplémentaire qui n'existe pas et qui vient se rajouter à ce qui existe déjà dans la ville comme le bus 3132 et le Sleep In Marseille". Pour Michèle Rubirola, première adjointe à la mairie de Marseille en charge de la santé, "ce lieu est indispensable et ne perturbera pas plus le quartier".
Objet d'inquiétudes pour les uns et indispensable pour les autres, comment fonctionne une "salle de shoot" ?
Quel public est accueilli ?
La salle recevra "les consommateurs sans domicile, en priorité, car ce lieu apporte hygiène, sécurité et conseils pour éviter les complications", explique Stéphane Akoka, directeur d'ASUD Mars Say Yeah.
"Ce sont environ 100 personnes par jour qui seront accueillies", indique Michèle Rubirola, première adjointe à la mairie de Marseille en charge de la santé.
L'idée de la salle est de viser des consommateurs qui se trouvent déjà dans le secteur. Le cahier des charges prévoit que l'établissement doit se trouver à 20 minutes à pieds maximum des lieux où sont actuellement les consommateurs.
"Deux lieux avaient été identifiés avant l'été", confie Michèle Rubirola. "Un premier près des Réformés dans un local à vendre par un particulier, mais le temps de se positionner, il avait déjà trouvé acquéreur, précise la première adjointe. Et le deuxième lieu est donc ce fameux bâtiment municipal au 110 boulevard de la libération.
Quels types de produits sont utilisés ?
Les consommateurs viennent avec leurs propres produits. "Nous ne sommes pas des fournisseurs ni des revendeurs", assure Stéphane Akoka.
"lls auront l'obligation de montrer leurs produits à l'entrée et de ne consommer que la dose prévue, pour éviter les overdoses, insiste le directeur de l'association. La structure n'a pas vocation non plus à servir de point de deal, aucune transaction ne sera tolérée".
"Notre rôle est d'accompagner, de conseiller sur la bonne utilisation des produits et surtout de rediriger ces personnes vers un parcours de soins et à plus long terme vers une aide au sevrage", détaille Stéphane Akoka.
Que trouve-t-on à l'intérieur d'une "salle de shoot" ?
Le bâtiment municipal, du 110 boulevard de la libération (4e) qui servait de lieu de formation, va être rénové et transformé. "Les travaux ne pourront commencer qu'après la validation du projet par le ministère de la santé, une signature est attendue dans les semaines qui viennent", selon Michèle Rubirola.
Une fois les travaux terminés, plusieurs espaces seront dédiés aux consommateurs et aux personnels de santé. "Il y aura huit box individuels, six pour les injections et deux pour sniffer", détaille Stéphane Akoka.
Dans les espaces dédiés aux consommateurs, il y aura aussi "une salle de repos pour se remettre après la prise de substances et également une cour intérieure, où les consommateurs pourront venir avec leurs animaux, et pourront fumer car il est totalement illégal de fumer des cigarettes dans les locaux", précise encore le directeur d'ASUD Mars Say Yeah. "Il n'y a pas de temps obligatoire de pause", insiste Stéphane Akoka, "mais les personnels de santé veilleront à ce que les consommateurs aient pris le temps nécessaire avant de quitter les lieux".
Qui encadre les consommateurs ?
"Cette salle de consommation répond à un cahier des charges très précis en termes d'encadrement de santé et de sécurité, que ce soit pour les consommateurs et les riverains", explique Michèle Rubirola.
Des médecins, des infirmiers et des travailleurs sociaux seront mobilisés quotidiennement six heures par jour et sept jours sur sept dans "la salle de shoot".
"En tout ce seront 20 équivalents temps plein qui vont être recrutés soit 26 personnes plus un vigile à l'entrée", détaille Stéphane Akoka.
Lors de la prise de substances, les consommateurs seront sous la surveillance de personnels de santé, deux dans la salle de consommation, deux dans la salle de repos, deux à l'accueil avec le vigile, et plusieurs autour du lieu d'accueil.
Comment est assurée la sécurité ?
Parmi les personnes recrutées, des agents de médiations vont sillonner le quartier pour éviter que les écoliers et les riverains soient importunés par les consommateurs. Ils seront chargés de repérer les consommateurs et les rediriger vers "la salle de shoot".
Pour ce qui est des riverains, un numéro vert sera mis à disposition pour toute question liée au fonctionnement de l'établissement et aussi pour signaler tout incident ou personne en situation de détresse. Commerçants, habitants, parent d'élèves sont invités à signaler toute personne qui serait en train de se droguer en dehors de l'établissement.
"Nos médiateurs pourront être aussi sollicités par les habitants et les parents d'élèves si besoin et nous sommes en lien avec les policiers municipaux et nationaux pour des interventions rapides si besoin", assure Stéphane Akoka. Du tractage aura aussi lieu pour informer les riverains et donner toutes les informations nécessaires sur le fonctionnement de l'établissement.
Que nous apprennent les salles déjà existantes ailleurs ?
Deux autres établissements de ce type existent en France depuis 2016, dans le cadre de l'expérimentation voulue par le gouvernement une à Strasbourg et une à Paris.
L'Inserm a publié en 2021 une évaluation scientifique, des salles de Paris et Starsbourg.
Au niveau de la tranquillité publique, les délits type vols, arnaques et recel ont été divisés par 8. Les injections dans l'espace public ont été divisées par 2,3 et les seringues usagées abandonnées seraient trois fois moins présentes.
Des chiffres recueillis par plus de 40 scientifiques dans quatre équipes de recherches, qui vont à l'encontre du ressenti des riverains.
"Il y a le bilan que font les 'officiels' à l’origine de ce projet qui est, il faut le rappeler, une 'expérimentation' jusqu’à octobre 2022. Pour eux, c’est une réussite sur tous les plans ! Et il y a le bilan des riverains pour qui cette salle n’est que source de nuisances", estime le collectif Riverains Lariboisière-Gare Du Nord pour le site Saccage Paris, le site pour le mouvement citoyens.
Quelle est la place des riverains dans la gestion de cette salle ?
Pour le moment les riverains et parents d'élèves déplorent le manque de concertation et d'informations à ce sujet. Une réunion publique s'est tenue ce lundi 16 octobre et d'autres devraient avoir lieu dans les jours qui viennent. Plusieurs pétitions sont en ligne pour tenter de bloquer le projet et exprimer le mécontentement.
"Cette salle de consommation à moindre risque était dans le programme du printemps marseillais, et en tant que première adjointe à la santé, c'est normal que je porte ce projet", insiste Michèle Rubirola, "tout en indiquant, que "des drogués il y en a dans toute la ville et que c'est un fléau auquel il faut remédier."
"Un comité de voisinage sera aussi mis en place avec la mairie de secteur, qui permettra un temps d'échange avec les riverains, les parents d'élèves, les commerçants et établissements scolaires", détaille Stéphane Akoka.
Un diagnostic sera fait dans le quartier après plusieurs mois d'installation pour "l'évaluation scientifique du dispositif".
Combien coûte une "salle de shoot" ?
1,5 million d'euros, c'est la somme qui a été budgétée pour les frais de fonctionnement et devrait être versée par l'assurance maladie. Quand aux locaux, ils sont prêtés à titre gracieux par la municipalité.