Il y a un an, des émeutes secouaient le pays après la mort de Nahel, tué par balle par un policier, laissant à Marseille près de 200 boutiques du centre-ville vandalisées. Avec les élections qui se profilent, les commerçants redoutent de vivre le même scenario et demandent à l'État d'assurer leur sécurité "à grand renfort de l'armée ou des CRS dans toute la ville".
Un an après la mort de Nahel, tué au volant de sa voiture par le tir d'un policier le 27 juin 2023 à Nanterre (Hauts-de-Seine), les commerçants marseillais tremblent de nouveau. La mort du jeune homme avait provoqué un vif émoi en France, ainsi que des émeutes dans le pays.
À Marseille, près de 200 commerces du centre-ville ont été victimes d'actes de vandalisme et de pillages dont ils ont fait les frais durant de longs mois, entre traumatisme et difficultés financières. Alors que les échéances électorales du 30 juin et du 7 juillet se profilent, la perspective de manifestations de colère inquiète les commerçants qui demandent à l'État d'assurer leur sécurité.
180 000 euros de perte non remboursés
Franck Attali tient depuis 1986 une boutique de prêt-à-porter rue Saint-Ferréol, la principale artère commerçante du centre-ville. Le commerçant se montre dépité. Sa perte d'exploitation, estimée à 180 000 euros, "n'est pas comprise dans les garanties vol de son assurance" explique-t-il, une somme colossale dont il est "de sa poche", victime de clauses et d'alinéas qu'il n'avait pas lus dans son contrat. Il s'est finalement décidé à mener un combat juridique. "Injuste" souffle-t-il, désabusé. "Au niveau de l'État, je n'attends plus rien, il s'est complètement déchargé de ces faits, mais j'espère juste que cela ne va pas recommencer le 30 juin avec les élections".
"L'État ne nous a pas aidés"
Dans une petite rue adjacente, Thierry Campo exerce avec amour et minutie son métier de bijoutier depuis 40 ans. Il raconte non sans émotion le cataclysme que les actes de vandalisme ont représenté dans sa vie. À quelques années de la retraite, il a dû tout reconstruire. Sa bijouterie a été dévalisée et retournée par les casseurs. Tous ses outils ont été saccagés et ses petites pièces, accumulées et soigneusement rangées au fil des ans, renversées, mélangées et perdues. Il parle d'une période "compliquée pour lui" et se souvient avoir eu "du mal à tenir le coup".
La police est venue me dire de partir au plus vite parce qu'elle ne pouvait plus assurer ma sécurité. J'ai mis quelques bijoux dans le coffre, mais j'ai privilégié ma sécurité au matériel et j'ai prié en espérant qu'ils ne rentrent pas dans la boutique.
Thierry Campo, bijoutier à MarseilleFrance 3 Provence-Alpes
"Je suis resté fermé quatre longs mois, que j'ai passé à ranger, à chercher des papiers, à restaurer", raconte l'horloger qui remercie les clients de leur patience. "Je viens seulement de toucher l'argent pour les rembourser". Thierry Campo garde un goût amer de cette mésaventure et martèle "l'État ne nous a pas aidés". Inquiet après les émeutes en Nouvelle-Calédonie, il redoute les dimanches d'élections et demande au gouvernement "de sécuriser la ville avec le renfort de l'armée et des CRS".
Défendre la liberté de commerce
Même son de cloche du côté de l'association Commerces positifs. Son porte-parole, Luc Mengual, membre associé de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, affirme que les commerçants ont été abandonnés les deux premiers jours des émeutes de 2023. Côté indemnisation, il estime que les "assureurs ont fait leur métier... même si Bruno Le Maire leur avait demandé de la mansuétude et que ce n'est pas certain qu'ils en aient eu".
Luc Mengual réclame aujourd'hui "de la quiétude" pour que les commerçants puissent exercer leur profession "sans entrave". " La liberté de commerce a été gravement entachée depuis plusieurs années, d'abord avec les Gilets jaunes, puis avec les deux années de manifestations qui ont suivi, il faut que ça s'arrête et que l'État joue le jeu de la sécurité des citoyens".