Des rassemblements nocturnes ont lieu tous les soirs à Marseille, jusqu'à dimanche. Une autre forme d'action en marge de celle des syndicats.
A Marseille, l'appel circule sur les réseaux sociaux : un rassemblement est prévu tous les soirs jusqu'au 26 mars contre la réforme des retraites. Ce premier rendez-vous, jeudi soir, s'est inscrit dans le prolongement de la 9e grande journée de mobilisation initiée par l'intersyndicale. Un mouvement dit "spontané" qui a réuni des manifestants pour une déambulation nocturne à travers le centre-ville.
Dans un tweet posté à 21 h 15 par le journaliste indépendant Thomas Clerget du collectif Presse papiers Marseille, on peut observer que la manifestation se déroule sans heurts, dans une ambiance plutôt bon enfant.
Elle aussi journaliste, Léa a rejoint la manifestation à titre personnel. C'est sur Instagram qu'elle a trouvé les informations sur ce rassemblement, grâce "à des partages de stories des étudiants." Elle décrit ce mouvement comme principalement composé de jeunes : "Le cortège était plus conséquent que les fois précédentes. Je n'ai pas assisté à des affrontements avec les forces de l'ordre, même s'il y a eu de l'excitation par moment", raconte-t-elle, mais "la manifestation a été dispersée par gaz lacrymogènes" dans une certaine confusion.
"Parmi les revendications, il n'a pas que le 49.3, il y aussi l'écologie, les violences policières, c'est une convergence des luttes. Ce ne sont pas les mêmes regards qui sont portés sur ce qui se passe."
Léa, journaliste dans le cortège
Pour Léa, si les syndicats ne voient pas d'un très bon œil ces "manifestions sauvages", c'est sans doute par crainte d'être décrédibilisés. "Pourtant, c'est une autre forme de lutte qui n'est pas à négliger. Les discours sont différents et les gens qui viennent dans ces rassemblements ne sont pas les mêmes."
Une menace pour les modes d'action traditionnels ?
"Le risque de débordements est en train d'arriver et c'est ce que redoutaient les syndicats", explique le politologue Bruno Palier, chercheur du CNRS à Sciences Po et auteur du livre Réformer les retraites.
Selon lui, les leaders syndicaux ont pu se prévaloir du soutien de l'opinion publique au travers d'une pétition qui a recueilli plus d'un million de signatures. Aujourd'hui pour eux, face à l'émergence d'actions plus musclées et incontrôlées, l'enjeu est de convaincre leurs adhérents et sympathisants de rester dans la non violence.
"Laurent Berger pour la CFDT l'a exprimé à plusieurs reprises : comment appeler au calme alors que les gilets jaunes dans une action plus radicale ont obtenu des choses, avec notamment le retrait de la taxe carbone. Il est clair que le message est délétère pour les formes traditionnelles et démocratiques de mobilisation."
La multiplication de ces mouvements incontrôlés, selon Bruno Palier, n'indique pas pour autant une "gilet-jaunisation" du mouvement "dans la mesure où les syndicats n'appellent pas à bruler des poubelles. Il faut se garder des amalgames. Il a bien deux types d'action distincts, avec des acteurs différents, l'un sert un mouvement de masse maitrisé et le second cherche à s'agréger sur le premier, en marge des cortèges organisés. Mais cela ne contamine pas le mouvement traditionnel de grève de pétition et de manifestation."
Le politologue reconnait que ces actions sporadiques sur l'ensemble du territoire ne sont pas sans rappeler la "France des rond-points", mais il rappelle que la crainte d'un retour des gilets jaunes est avant tout la posture politique "du ministre de l'Intérieur mais pas la réalité."