Le centre de formation de l'Olympique de Marseille, régulièrement critiqué semble incapable de produire un "minot" pour l'équipe première. Professionnels et éducateurs se renvoient la responsabilité de cet échec
Si je signe à l'OM, je sais que je me perds".
Cette phrase de Bilal Boutobba, 17 ans, a rappelé l'échec global de la formation à la marseillaise. Ce joueur de l'équipe réserve, l'un des plus prometteurs du centre de formation olympien, annonçait en mars qu'il ne voulait pas passer pro à Marseille. Un véritable camouflet.
"Ça fait 20 ans qu'on tape sur la formation, j'en ai marre", s'emporte le vice-président de l'association OM, Robert Nazaretian (60 ans), qui historiquement gère le centre.
"Le problème n'est pas que nous ne formons pas de joueurs, mais qu'ils ne jouent pas à l'OM, ce n'est pas pareil! Ici, le public veut des stars!" ajoute cet ancien joueur de l'OM, pro quelques années à Martigues, aujourd'hui dentiste à Marseille.
"On est suffisamment critiqué comme ça pour ne pas porter le chapeau pour les piètres résultats de la formation et préformation olympienne", répond un dirigeant de l'OM.
Bref, l'association, détentrice du numéro d'affiliation à la Fédération française de football (FFF), et les professionnels se renvoient la balle.
Le club voudrait professionnaliser la formation, et opter pour l'élitisme très tôt. "Si vous voulez sortir des joueurs, il faut que les bons s'entraînent avec les bons", explique Thomas Fernandez, directeur du centre et entraîneur de la CFA. Côté professionnel, on serait prêt également, au nom de la "realpolitik", à faire quelques efforts financiers pour attirer les meilleurs jeunes. Chelsea a par exemple fait signer Naouir Ahamada, prodige de 14 ans d'Air Bel, un des meilleurs clubs de jeunes de la ville. Il ne rejoindra le club londonien qu'à 16 ans, mais il aurait pu "naturellement" rejoindre le centre de formation de l'OM.
Les amateurs ne veulent pas entendre parler de "payer pour des gamins", tonne Nazaretian. "Et je suis bénévole mais professionnel", insiste-t-il, n'acceptant pas que les dirigeants actuels lui "expliquent ce qu'est le football". Il cite également les derniers joueurs formés à l'OM, utilisés avec parcimonie par Marcelo Bielsa mais snobés par Michel: Gaël Andonian, (prêté à Dijon), Baptiste Aloé (à Valenciennes) et Julien Fabri, devenu titulaire dans les buts de Bourg-en-Bresse.
"Ils ont dû partir pour percer",
regrette Nazaretian. Club et association se disputent également sur fond de renégociation épineuse de leur convention, qui arrive à échéance fin juin. L'association veut garder le contrôle de la formation, la direction de l'OM veut reprendre le contrôle de la CFA, des U19 (moins de 19 ans) et U17.
Les négociations, menées par le directeur général Luc Laboz, n'avancent pas beaucoup. Reprendre la main sur le centre aiderait à mieux vendre l'OM, déjà qu'il ne possède
pas son stade... Le club a déjà pu nommer directement les entraîneurs des trois premières équipes de jeunes, la CFA avec Fernandez, les U19 de Stéphane Nado, et U17 de Raphaël Guerreiro.
Nazaretian et l'association considèrent avoir montré leur volonté de collaborer en acceptant ces nominations, car dans les faits, les pros gèrent le centre. Thomas Fernandez brandit les certificats de formateurs FFF, le sien et ceux de Nado et Guerreiro, comme preuve de la mise en route d'une politique plus sérieuse. "Un gros travail est fait au centre de formation depuis trois ans, mais on ne va pas récolter les fruits du jour ou lendemain, la formation prend du temps", plaide-t-il.
"Depuis 18 mois la formation va mieux", note de son côté la direction. Pour aller plus loin, le coach de la CFA, promu adjoint de Franck Passi chez les pro pour la fin de saison, s'est attelé au rapprochement avec les petits clubs, mais "ça va prendre dix ans", prévient-il.
Nazaretian aussi a son projet de nouer des accords de filiales avec des clubs formateurs de la région, comme Air Bel ou Aubagne. Au point de refaire une équipe de "Minots", ces gamins de la réserve qui sauvèrent le club de la ruine au début des années 1980? "Je préfèrerais quand même que l'OM joue les cinq premières places", souffle Fernandez. Décidément, difficile de concilier ambition et formation à Marseille...