Le 17 mars 2020, l'hôpital de La Timone à Marseille accueillait son premier patient Covid. Dix jours après, ils étaient 120, aujourd'hui ils sont 80. Le Pr. Lionel Velly, chef du service réanimation n'y va pas quatre chemins. La troisième vague est bien là et le profil des patients s'est rajeuni.
"Nous avons actuellement 85 patients, au sein de l'AP-HM (Assistance Publique - Hopitaux de Marseille). Cela fait plusieurs mois que l'on navigue entre 70 et 85 patients", explique le professeur Lionel Velly.
"Nous avons dépassé le pic de novembre 2020, ce mardi, c'est un tournant". Pour le responsable du service réanimation de l'hôpital de La Timone, la troisième vague est là, c'est une certitude. Avec les variants et notamment le variant anglais.
"Il y a un mois, il ne représentait que 10 %, et à présent il est à 70%. Nous savons que lorsque le virus dépasse le seuil des 70 % , on a plus de formes graves. Les hôpitaux sont mis à mal à cause de ces variants et on ne pouvait pas imaginer il y a un an que l'on aurait des variants aussi coriaces", détaille le Pr. Velly.
Des transferts de malades vers des régions moins touchées
Ce mercredi, une nouvelle évacuation de deux patients de Marseille et Avignon vers l'Occitanie a été organisée, indique l'ARS Paca. La veille, six évacuations sanitaires avaient été organisées vers la même région. Ces patients étaient en réanimation dans les hôpitaux de Nice, Aix-en-Provence, Fréjus et Avignon.
Cette noria sanitaire marque ce mois de mars. La semaine dernière, neuf évacuations sanitaires ont eu lieu vers les régions l'Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine, transportant des patients de Fréjus, Nice, Cannes et Aix-en-Provence.
Entre le 1er et le 5 mars, 12 évacuations ont été organisées pour des patients hospitalisés dans les Alpes-Maritimes, le Var et le Vaucluse toujours vers l’Occitanie et cette fois la Bretagne.
Depuis le 1er mars, 29 évacuations sanitaires ont été réalisées en Paca, rapporte l'ARS. Pour le professeur Velly, "l'épidémie ne s'est jamais arrêtée, elle a juste été ralentie par les gestes barrières, par les mesures de restrictions, et cela a eu comme conséquence d'éviter la vague exponentielle que nous avons connue en mars".
Vers un nouveau confinement ?
En Paca, où Nice et le littoral des Alpes-Maritimes est déjà confiné le week-end, il n'y aura "pas de mesures supplémentaires", a fait savoir mercredi le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, à l'issue d'un Conseil de défense et d'un Conseil des ministres.
"Avec la vaccination et une accélération de la vaccination, cela aurait pu passer. Mais avec le retard de la vaccination, on sera peut-être obligé de passer par le bouton reset de l'ordinateur, donc confinement et cela ne sera pas sans conséquence", explique le professeur Velly.
Difficilement compréhensible pour les observateurs de la crise hospitalière dans les Bouches-du-Rhône. Déprogrammation des opérations non urgentes, évacuations sanitaires, services de réanimation proches de la saturation, "tous les indicateurs sont pourtant là".
En un an, la situation à l'hôpital a pourtant bien changé, les pénuries ont été rattrapées. "Nous avons du matériel pour équiper deux fois plus de lits, plus de respirateurs, d'échographes, de dialyses, ce qui nous manque encore c'est le personnel infirmier, paramédical, pour monter encore plus en puissance", précise Lionel Velly.
Plus de matériel et plus de lits. Malgré tout, les services de réanimation arrivent vite à saturation. Dans les Bouches-du-Rhône, le taux d'occupation des lits est de 94,1 % selon l'ARS Paca. C'est deux points de plus que dans le Var (92,2 %) et six points de plus que dans les Alpes-Maritimes (88,8 %).
Le profil type des patients rajeuni
La saturation des services de réanimation est à chercher dans le profil des patients, selon le Pr.Velly. Si la courbe du taux d'incidence a chuté avec la vaccination chez les plus de 75 ans (214 cas pour 100.000 habitants), elle reste forte dans la tranche des 20-39 ans (400 cas pour 100.000 habitants) et celle des 40-59 ans (453 cas pour 100.000 habitants).
Un patient sur deux a moins de 60 ans. Il est encore en activité et pense pouvoir gérer son Covid sans consulter, selon les médecins qui s'inquiètent de ce nouveau phénomène. "Le problème c'est que les gens ne se rendent pas assez tôt à l'hôpital", alerte le professeur Velly.
"Les gens stagnent à domicile, pensant que cela va passer. Ils attendent une dizaine de jours, et la complication se produit au 12e ou 13e jour. Et ils arrivent en détresse vitale, avec une hospitalisation immédiate aux urgences," précise le chef de service de l'hôpital de La Timone à Marseille.
Pris en charge avant, avec les traitements actuels, les formes graves seraient évitées et il y aurait moins d'hospitalisations en réanimation. "Certains savent qu'ils ont le Covid et ne font même pas de test PCR pour le confirmer", s'alarme le praticien.
"Les retraités restent chez eux en attendant la vaccination, c'est pour cela que nous avons moins de patients de cet âge-là. Et la vaccination semble porter ses fruits", se veut rassurant le professeur Velly.