Il y a tout juste un siècle naissait celui que de nombreux artistes érigent comme l’interprète mythique de la chanson française : Georges Brassens. Plus qu’une inspiration, il est la référence pour deux de nos artistes azuréens.
Le 22 octobre 1921, Georges Brassens s’offrait un premier regard sur le monde, qu’il a ensuite dépeint comme nul autre. Deux artistes azuréens l’ont dans le cœur et dans la voix. Un Varois quadra, Sébastien Tora, et la Niçoise Françoise Miran, qui a connu les plus grands chanteurs français, continuent d’honorer son répertoire dans des styles très différents. Deux salles, deux ambiances.
Une pipe au bord des lèvres, un phrasé exceptionnel, une six-cordes et des textes engagés. Georges Brassens est un monument français. Son influence perdure plus que jamais, un siècle après sa naissance. France Télévisions a consacré une soirée spéciale le jeudi 21 octobre 2021, à revoir sur les plateformes du groupe audiovisuel.
Georges le tout-puissant
Sébastien Tora, réside à Hyères, il a 46 ans et s’est voué corps et âme à la musique en 2016. Après avoir travaillé 17 ans dans un centre social en tant qu’animateur, il lâche tout pour se consacrer exclusivement à la musique. C’est un appétit musical vorace pour celui qui intègre dès 2008 le groupe Madame Oleson et qui ne cesse d’enchaîner depuis les projets musicaux. Son bébé, c’est Georges Steady, un binôme formé avec Pierre Nicolas. Il et dédié au natif de Sète qui l’a installé, il y a bien longtemps, au premier rang de son panthéon musical.
« Brassens, je pense que je l’écoutais, je n’étais pas encore né. Tous ses albums étaient sous la platine vinyle de ma mère. C’est quelque chose que j’ai découvert dans ma famille, dans ma maison. » se souvient Sébastien avec une vive émotion, aujourd’hui chanteur et guitariste comme son idole.
Son approche de Brassens marie un penchant mélodique pour la musique jamaïcaine et les textes, toujours d’actualité, du chanteur à la moustache.
« Dans le groupe, nous avons une légende, une mythologie. Je suis un grand fan de musique jamaïcaine, de rock steady c’est pour cela que le groupe s’appelle Georges Steady. Nous faisons une espèce de parallèle musical entre cette musique jamaïcaine et Georges Brassens, autour des notions de liberté, de rébellion, de remise en question de l’ordre établi, et de la liberté de parole. Nous érigeons Georges Brassens tout au-dessus, comme Bob Marley l’était dans la musique reggae. »
Eric Charay avait accueilli la première interprétation télévisée du groupe Georges Steady dans l’émission Ensemble c’est mieux ! en mars 2019.
Sébastien Tora a commencé à créer ce spectacle en 2015 : « Je trouvais plein de similitudes entre des airs de Brassens et des airs jamaïcains, et en tordant les deux, on a adapté les textes sur des arrangements rastafari (du nom du mouvement politique et religieux né dans les années 1930, ndlr) ». D’une durée de 2 heures, les concerts de Georges Steady sont une grande messe dédiée au tout-puissant Brassens. Le spectacle s’arrête après la chanson Le Gorille, comme une communion avec le public. « Jamais de rappel » après cela précise Sébastien Tora, car « un prêtre ne revient jamais après sa messe » sourit-il.
Brassens au-delà des frontières
« Brassens, quand il est sorti, j’étais très jeune. C’était l’anticonformisme. Il disait plein de choses que l’on n’osait pas dire, et je trouve d’ailleurs que personne n’est allé plus loin que lui depuis, sur certains points. » se remémore la chanteuse niçoise Françoise Miran. Et de poursuivre dans ses souvenirs : « à l’époque, j’étais étudiante en espagnol à la cité universitaire de Madrid. On était sous Franco (le militaire à la tête d’un régime dictatorial de 1936 à 1975, ndlr), je leur traduisais les paroles de Brassens et cela faisait scandale partout. Il était, pour ma génération, à l’avant-garde. C’était ça qui me plaisait au-delà de la beauté de ses textes et la qualité de ses musiques. »
La mère antillaise de Françoise lui fait découvrir le chant très tôt : « Mon père était marin, mais là c’était un autre type de chansons. J’ai commencé par une carrière toute différente dans l’industrie pharmaceutique. Quand il y a eu la création de la MJC Magnan, il y a avait des clubs de la chanson et j’ai commencé à y chanter. Le premier hommage que j’ai fait à Brassens, c’était en 1976. »
Françoise Miran quitte sa carrière quelques années plus tard pour se consacrer à son association Les Alizés, et à la chanson française. Une nouvelle aventure à succès qui s'ouvre pour cette habitante de Nice. Elle commence à produire et à côtoyer des artistes tels que Léo Ferré et Claude Nougaro.
Brassens, je n’ai pas eu la chance de le connaître, ça je le regrette.
Françoise Miran n’a jamais rencontré l’interprète de la Chanson pour l'Auvergnat, mais elle l’a souvent vu en concert, à Bobino, à Paris et ailleurs. La première prestation de Georges Brassens, elle s’en souvient comme si c’était hier : « J’avais 15 ou 16 ans, c’était à l’opéra de Toulon. En première partie, un jeune garçon a fait 3 chansons. C’était Jacques Brel. »
Georges Brassens s’intéressait au jazz très jeune, il a même failli épouser ce style musical. Peu de gens le savent, Françoise Miran fait partie de ces fans éclairés. C’est dans cette tonalité que la chanteuse prévoit un hommage ce 29 octobre au Théâtre de l’Alphabet à Nice, 21 heures.
« Il y a deux guitares, une contrebasse qui joue même de l’archet. Un piano, même si cela n’est pas très orthodoxe pour Brassens » précise celle qui mène ce quintet de musiciens professionnels.
Passeur de génération
Sébastien Tora œuvre en musique pour faire perdurer le répertoire de Georges Brassens. Et se confronte parfois à des rencontres inattendues : « Un soir, nous étions en train de jouer au port de Sanary. Deux jeunes, jogging et casquette, se sont arrêtés à la reprise du deuxième set et sont restés jusqu’à la fin du concert, pendant une heure, les bras croisés à nous écouter. Ils devaient avoir 17 ou 18 ans. A la fin du concert, ils viennent nous voir pour nous demander si les textes étaient de nous. Nous leur avons dit « Non, c’est que du Brassens ». Ils ne connaissaient pas. Ils ont été surpris car ils faisaient du rap, écrivaient eux-mêmes leurs paroles. C’est une espèce de victoire et de fierté. »
Ce type de rencontre encourage le duo varois à poursuivre ce projet atypique et à apporter au public la vision d’un homme hors du commun. « C’est pour cela que nous avons pris le biais de la musique jamaïcaine. Il y a une forte conscience politique et de revendication sociale. Brassens, c’est une vision de liberté sans concession, avec un coup de pied donné à l’ordre établi. Des valeurs de liberté que rien ne peut venir contrer, que ce soit la politique, la religion. » explique-t-il. Un trésor national que « tout le monde a reçu, dans sa famille, c’est un véritable patrimoine. »
Des chansons cultes
Les amoureux des bancs publics, A l’ombre des maris, Le pornographe, composent la liste des chansons préférées de Sébastien Tora qui a su garder la mélodie originale, jouée différemment.
« La mélodie de L’Orage, c’est une merveille. La fin de la supplique avec le « Vous envierez un peu l’éternel estivant », c’est extraordinaire. »
Mais rien comparé à un autre titre du natif de Sète. « Une chanson comme Les quatre bacheliers est l’une de mes préférées de Brassens. C’est une chanson qui parle du rapport à l’éducation, du respect de la loi d’un pays, ou d’un Etat. J’adore ce morceau. »
Politiques, culturels, sociétales. Les thématiques abordées par Georges Brassens restent ancrées dans l'imaginaire collectif des Français, comme un morceau du pays qu'il a, tout entier, incarné.
Annonce du décès
Utlime souvenir pour Françoise Miran, celle de l'annonce du décès du chanteur, le 29 octobre 1981, à Saint-Gély-du-Fesc. C'est dans ce village d'Occitanie que Brassens va casser sa pipe. « Une de mes cousines, du côté de mon mari, était la maire du village. Elle m'avait appelée car elle m'avait demandé de faire un spectacle sur Brassens avec Maxime Le Forestier, que je connaissais un petit peu. Brassens était allé habiter chez son médecin, elle m'a appelée pour m'annoncer la nouvelle » précise Françoise Miran. « C'était un gros travailleur je crois, personne n'a su allier comme lui la qualité des textes et celle de la musique. Je regrette vraiment de ne pas l'avoir connu personnellement alors que j'ai croisé tous les grands noms de cette époque. »