Gênes et l'Italie disent adieu, ce samedi, aux victimes de l'effondrement d'un pont autoroutier lors de funérailles nationales boycottées par la moitié des familles de 38 victimes confirmées, tandis que les secouristes ont encore retrouvé des corps dans les décombres.
A Gênes, dans l'immense pavillon Jean Nouvel du parc des expositions, où la cérémonie doit débuter à 11h30, 18 cercueils étaient alignés sous d'énormes gerbes de fleurs, dont le petit tout blanc de Samuele, 8 ans, fauché avec ses parents alors que la famille partait prendre un ferry pour des vacances en Sardaigne. Deux des cercueils étaient aussi recouverts d'un drapeau albanais, avec l'aigle noir sur fond rouge.
Le président italien Sergio Mattarella, les présidents des deux chambres du Parlement, la plupart des ministres ainsi que des représentants de gouvernements étrangers, mais aussi, selon les médias, les principaux dirigeants d'Autostrade per l'Italia, la société gestionnaire de l'autoroute.
Les habitants de la ville étaient également invités: "Je ne connais personne qui soit mort dans l'écroulement du pont, mais j'ai voulu venir quand même. Cela ne devait pas arriver", a expliqué à l'AFP Claudio Castellaro, un Gênois de 73 ans, qui patientait à l'entrée.
Les familles d'une partie des victimes ont cependant choisi de ne pas participer à la cérémonie, certains préférant des funérailles plus intimes et dans leur ville, d'autres annonçant clairement un boycott. "Mon fils a été assassiné", a répété vendredi sur toutes les ondes le père de l'un des quatre jeunes de Torre del Greco, près de Naples, morts sur la route de leurs vacances, en pointant la responsabilité de l'Etat.
"On ne doit pas mourir de négligence, d'incurie, d'irresponsabilité, de superficialité, de bureaucratisme", a martelé l'archevêque de Naples, Crescenzio Sepe, dans son homélie lors des obsèques des quatre jeunes, célébrées vendredi comme pour d'autres victimes à travers l'Italie.
A Gênes, l'archevêque Angelo Bagnasco, qui doit célébrer la messe de funérailles retransmise sur un écran géant, a exprimé "tout son respect pour ceux qui ont refusé des funérailles d'Etat". Vendredi, il est allé s'entretenir avec les familles à la chapelle ardente, afin de mieux connaître les victimes.
Leurs photos souriantes et leurs destins brisés s'affichaient dans tous les journaux italiens: un ancien champion de moto trial, un médecin et une infirmière qui allaient se marier, des jeunes Français partis faire la fête, trois Chiliens qui s'étaient installés en Italie, un routier napolitain qui rentrait après une livraison en France, un couple de retour de voyage de noces...
Haro sur la société gestionnaire
Des centaines de secouristes sont encore engagés sur le site de la catastrophe. Ils ont retrouvé, tôt samedi matin, des restes humains dans une voiture écrasée sous un bloc de béton, a annoncé la protection civile. Selon les médias italiens, il s'agit d'une famille, un couple et leur fillette de neuf ans. Au total, cinq personnes étaient encore portées disparues.Un deuil national a été décrété toute la journée en Italie: les drapeaux sont en berne et l'éclairage de nombreux monuments, dont le Colisée à Rome, s'éteindra dans la soirée. Pour la reprise du championnat de football ce week-end, les joueurs observeront une minute de silence et porteront un brassard noir. Les matches des deux équipes de Gênes, la Sampdoria et le Genoa, ont en revanche été reportés.
Face à l'émotion et à la colère, le gouvernement s'est livré à une surenchère dans l'indignation ces derniers jours, attaquant Autrostrade per l'Italia, la famille Benetton qui contrôle le groupe, l'incurie des gouvernements précédents – même si la Ligue a toujours été un allié au pouvoir de Silvio Berlusconi -- et l'Union européenne.
Vendredi, le ministère des Infrastructures a officiellement adressé un courrier à Autostrade en vue de révoquer la concession de la société sur le tronçon du pont.
La société "aura la possibilité d'apporter des arguments contradictoires dans les 15 jours, même si le désastre est un fait objectif et incontestable et que la charge de l'empêcher revenait au concessionnaire, sur lequel pèsent les obligations de maintenance et d'entretien", a annoncé le chef du gouvernement, Giuseppe Conte, vendredi soir sur Facebook.
Dans la semaine, Autostrade et le groupe Atlantia, dont dépend la société, ont assuré du sérieux des contrôles et de l'entretien et prévenu que la révocation de la concession "en l'absence de toute certitude sur les causes effectives" du drame, coûterait cher en indemnités à l'Etat.
Après la cérémonie, les responsables du gouvernement doivent participer à une réunion à la préfecture sur les mesures nécessaires pour la ville coupée en deux. Le nord de l'Italie se prépare aussi à un premier week-end de retour de vacances compliqué par la fermeture de cet axe majeur entre la France et l'Italie.