"Route barrée" : l’unique voie d'accès qui mène au village de Réallon, dans les Hautes-Alpes, est bloquée par un éboulement depuis le 8 décembre au matin. Ses habitants se sont ainsi retrouvés coupés du monde et s'organisent avec fatalisme face une situation qui risque de durer.
Dans la lueur des phares surgit une coulée de boue, de grosses pierres charriées de la montagne, des monceaux de terre qui jonchent la route départementale... Vendredi 8 décembre au petit matin, Sandrine Meyer, qui accompagnait son fils au départ du bus scolaire, a dû faire demi-tour et retourner dans leur maison des Gourniers. Depuis, Sandrine et son garçon de 13 ans n'ont pas quitté leur hameau, situé 6 km au-dessus de Réallon.
"Les gens trouvent le temps long"
Télétravail pour cette secrétaire de mairie et devoirs à la maison pour le collégien d'Embrun. "Mon fils suit les cours à distance" raconte Sandrine Meyer, "les copains lui envoient leurs notes pour rattraper, ce n'est pas idéal". En tout, ils sont à peine six enfants scolarisés sur la centaine d'habitants coupés du monde. Au village du chef-lieu, Réallon, pas de commerce de bouche, ni pharmacie, ni médecin. La boulangerie se trouve de l'autre côté de la coulée. On descend habituellement dans la vallée pour faire son stock de provisions, car "à la montagne, on a tous des congélateurs", précise Sandrine, "mais les gens trouvent le temps long depuis vendredi et il faut tenir jusqu'à la fin de la semaine"
Du jamais vu en 20 ans
Dans la matinée, Michel Montabone, le maire du village, est venu par la piste de secours qui dessert la station de ski pour rassurer les habitants : ils vont être approvisionnés en pain et en nourriture. Quant aux personnes âgées, des infirmières seront accompagnées en 4X4 par la même piste forestière pour porter assistance aux plus fragiles. La solidarité entre les habitants fait le reste. Pour aller travailler, "certains sont partis à pied ce matin de bonne heure", raconte Sandrine, "ils sont passés par le GR 50 pour rejoindre la vallée de l'autre côté de la coulée". Une situation que cette secrétaire de Mairie avoue n'avoir jamais connu en 20 ans.
Un peu plus loin, le voisin de Sandrine, Ludovic, tient le restaurant le Mélèzin. Avec son épouse Corinne, ils préparent l'ouverture de la saison, prévue cette année le 23 décembre et depuis dix jours, c'est l'inquiétude. Déjà victimes d'une coupure d'électricité durant 48 heures dix jours auparavant, ils ont perdu une partie de leur marchandise stockée en chambre froide et en frigo.
Un début de saison qui prend l'eau
"Ce n'est pas la fin du monde non plus, mais ça fait un peu râler" commente Ludovic qui veut "garder le moral". Depuis, il est impossible pour eux d'approvisionner leur cuisine, ni de se faire livrer, d'autant que la route est inaccessible à tous les véhicules. Pour le couple de Lyonnais installés depuis neuf ans en fond de vallée, ce "chômage technique" est une première et représente une perte sèche dans leur activité, car ils ne sont pas assurés pour ce type de sinistres. "Nous n'avons pas encore fait le plein de réservations pour le réveillon, contrairement aux années précédentes", regrette le chef, qui déplore la mauvaise publicité et la tempête médiatique déclenchées par ces intempéries.
Il neige, puis il pleut toute la journée, ça dégèle et puis ça regèle… la montagne, elle n'aime pas du tout.
Ludovic Cliozier, restaurateur à RéallonFrance 3 Provence-Alpes
"Il y a eu beaucoup, beaucoup d'eau, il a plu énormément" s'étonne Ludovic, alors "on a donné un coup de main à notre voisine inondée". En attendant, "on fait un peu de pain pour les voisins, et on prend notre mal en patience", fort de "l'esprit montagnard"qui l'anime. Et surtout, il "croise les doigts" pour rouvrir son restaurant en fin de semaine, tout en restant philosophe : "il n'y a pas de blessés, c'est l'essentiel".
Une bonne nouvelle tout de même pour les locaux, la station de ski qui doit ouvrir ce week-end ne sera pas impactée, car l'accès se fait par l'autre versant de la montagne. Seuls les habitants qui y travaillent pourraient être dans l'impossibilité de s'y rendre si la route n'était pas réouverte d'ici là.