Au lendemain d'un nouveau décès de parapente dans les Hautes-Alpes, le bilan est de huit morts au cours des trois derniers mois en France. La fédération Nationale de Vol Libre constate une forte hausse des accidents graves.
Les Richards, le lac Léry, Port-à-Binson, les Parchets, Lacarry, le Chalvet, Doussard, le Chabre. Les amateurs de parapente connaissent bien ces spots réputés pour la pratique du vol libre, aux quatre coins de la France.
Tous ont été endeuillés depuis le mois de mars dernier. Les pratiquants avaient entre 20 et 71 ans. Huit décès en trois mois. Trois de ces accidents mortels ont eu lieu dans les Alpes du sud.
Le premier de l'année 2022 est survenu aux Richards à Saint-Jean-Saint-Nicolas (Hautes-Alpes) le 19 mars. La victime avait 28 ans. Au Chalvet le 2 juin, une Néerlandaise de 20 ans s'est tuée à Saint-André-les-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence). Le dernier décès en date s'est produit ce vendredi dans le secteur de la Montagne de Chabre, à Larâgne (Hautes-Alpes). Le parapentiste décédé avait 38 ans.
Un beau temps à haut risque
Le macabre décompte semble s'emballer ce printemps, reconnaît Pierre Braems du comité national de parapente au sein de la Fédération Française de Vol Libre ( FFVL).
"On est dans une situation météo avec beaucoup de beau temps et beaucoup de sécheresse, et donc des conditions aérologiques qui sont parfois difficiles, parfois violentes, fait-il remarquer, il faudra analyser les causes de ces accidents mais je pense que ça joue".
Sur son site internet, la fédération recense les accidents déclarés depuis 2017 et analyse les causes. Hormis en 2019, une année noire marquée par 18 morts, le bilan annuel s'établit autour de 9 à 11 tués sur l'année.
Sur les près de 500 accidents répertoriés en 2021, 368 ont impliqué des blessures, 140 des blessures graves et 11 des décès.
D'une façon générale, les gens expérimentés ont les accidents les plus graves, c'est un phénomène qui est connu dans les sports de pleine nature et sports de montagne.
Pierre Braems comité national de parapente FFLV
"Ce sont des gens qui prennent plus de risques que les autres, analyse-t-il. Plus les gens sont experts, plus ils mettent la barre haut en terme de prise de risques."
Avec l'expérience, certains pratiquants se sentent pousser des ailes. "C'est de la prise de risque dans les choix tactiques de vol, dans des prises de décision, peut-être un manque de capacité à renoncer par rapport à des évolutions aérologiques difficiles", explique Pierre Braems.
Il ressort de l'analyse de la FFVL que les accidents les plus fréquents interviennent à l'atterrissage (212), et au décollage (179). Impact au sol, obstacle, chute au décollage, défaut d'accrochage sont les principales causes.
"Ce sont des phases près du sol où le parachute de secours n'est pas utile pour "sauver sa peau" mais ces accidents en phase d'atterrissage ou de décollage sont rarement mortels, ça peut être des accidents graves, mais ça peut être aussi de la bobologie", souligne l'instructeur de parapente.
Savoir faire les bons choix et savoir renoncer
Les accidents les plus dangereux restent ceux qui interviennent en vol (105 en 2029), à plusieurs dizaines de mètres du sol.
Il peut s'agir d'une collision, d'un impact avec un obstacle en phase d'approche... "ou d'un déclenchement thermique très puissant", complète Pierre Braems. Le climat actuel très sec est difficile pour notre activité". Surtout dans le sud est de la France.
Cela implique pour lui de bien choisir son heure de sortie, le matin tôt ou le soir tard, mais pas en pleine journée.
Si les accidents augmentent, c'est aussi selon Pierre Braems parce que le nombre de pratiquants a considérablement augmenté ces dernières années. Beaucoup ont découvert cette discipline après la fin des confinements. Aujourd'hui, la fédération compte près de 32.000 licenciés contre 26.000 en 2016.
Comme l'escalade, l'alpinisme, la randonnée alpine, le vol libre est un sport dangereux. Le risque est inhérent à l'élément dans lequel on évolue, mais pas seulement rappelle le représentant de la FFVL.
Ça nécessite aussi d'avoir une bonne connaissance de soi, et surtout une capacité à avoir du renoncement, à faire les bons choix.. c'est le facteur humain et c'est le plus difficile à éduquer.
Pierre Braems
"Je ne connais personne qui fasse du parapente pour se faire peur, par contre il y en a qui ne savent pas gérer le risque parce qu'ils sont dans une démarche de toujours plus, plus, plus. Ils ont un égo, ils ont besoin de se valoriser et plutôt que de renoncer, ils y vont quand même et voilà..."
"La peur est bonne conseillère mais plus on progresse et plus cette peur disparaît, plus on est sûr de soi et c'est là que les accidents arrivent".
La fédération mène des actions pour sensibiliser les pratiquants mais Pierre Braems le reconnaît : "on a du mal à faire baisser les statistiques".
Avec ses élèves ce samedi, dans l'école de parapente qu'il dirige en Isère, Pierre Braems fera une fois de plus passer le message. "Le simple fait de planer en l'air, d'avoir cette hauteur de vue sur l'environnement, c'est déjà tellement extraordinaire, on est pas toujours obligés d'en faire, plus, plus, plus", conclut-il avec passion.