Le nouveau plan loup du gouvernement veut faciliter les tirs sur les loups menaçant les troupeaux, le protocole va être simplifié pour répondre aux attentes des éleveurs, mais les défenseurs du prédateur dénoncent les effets contre-productifs d'une telle mesure.
En France, 204 loups ont été abattus en 2023. Pour les éleveurs, ce n'est pas suffisant. Depuis que le loup est réapparu en France dans les années 1990, se pose la question de sa place dans le pastoralisme. Au fil des années et des attaques de troupeaux, la cohabitation est devenue de plus en plus difficile entre le prédateur et les éleveurs. A quelques jours du Salon de l'agriculture, le ministre de l'agriculture Marc Fesneau a annoncé le mercredi 21 février une simplification du protocole de tirs de prélèvement des loups, "conformément aux demandes qui avaient été formulées par beaucoup d'éleveurs". Un arrêté sera publié d'ici la fin de semaine pour intégrer ces modifications au nouveau plan loup 2024-2029. Mais ces nouvelles règles vont-elles régler les problèmes des éleveurs ? Des scientifiques assurent que non.
Le plan va autoriser deux ou trois tireurs
Cette "simplification des tirs" ouvre notamment la possibilité d'autoriser deux ou trois tireurs, contre un seul actuellement, sur un tir de défense simple, si un troupeau est menacé. "L'État a choisi vraiment de déséquilibrer le plan en donnant une part prépondérante aux tirs de loups, aux destructions de loups dans la gestion de la présence de l'espèce", a régretté Jean-David Abel, pilote du réseau biodiversité de France Nature Environnement (FNE) sur franceinfo.
Pour les défenseurs du loup, l'objectif est clairement d'augmenter les tirs pour satisfaire les attentes les éleveurs plus que pour régler le problème de la prédation.
Ça ne règlera pas le problème de la prédation en milieu pastoral.
Catherine Bouteron, référente loup de la SAPN-FNE 05France 3 Provence-Alpes
Catherine Bouteron, référente loup de la Société Alpine de Protection de la Nature (SAPN)-FNE 05, membre du conseil d'administration de FERUS, regrette que de nouvelles mesures soient décidées alors qu'il n'y a pas eu de bilan du précédent plan national d'actions (PNA) sur les tirs et les autres moyens de protrection des troupeaux.
Les scientifiques mettent en doute l'efficacité des tirs
Pour les scientifiques, non seulement l'efficacité des tirs n'est pas prouvée, mais en plus ils risquent d'aggraver encore plus la prédation en déstabilisant la cellule familiale du loup. "Cela a déjà été étudié, les tirs de prélèvements sont contre-productifs, on tire les loups hors période d'estive, ce qui veut dire qu'on va tirer sur n'importe quel loup, ça a été prouvé que cela peut déstabiliser des meutes ", précise-t-elle.
Pour ces spécialistes, la dislocation artificielle des meutes par les tirs peut "favoriser une dispersion des prédateurs et des reproductions multiples". "Le problème c'est que la plupart du temps, si on tue des chefs de meute, le mâle ou la femelle, les autres loups vont se disperser et reformer des meutes ailleurs, explique Catherine Bouteron, le suivi des meutes va être plus compliqué, on va se retrouver avec des loups, souvent seuls, qui vont attaquer des troupeaux parce que ce sera des proies plus faciles" que des animaux sauvages.
Le risque accru des loups solitaires
Le biologiste éthologue Jean-Marc Landry, spécialiste du loup dans le système pastoral, a montré que ce sont souvent les loups isolés qui attaquent les troupeaux. "Les loups souvent attaquent seuls ou à deux, mais rarement en meute", souligne Catherine Bouteron.
Cette dispersion des loups va par ailleurs impacter l'apprentissage des jeunes :"Ils ont besoin d'être éduqués par toute la meute et si tout le monde se disperse, cette éducation à la chasse par les adultes ne sera pas faite", note Catherine Bouteron.
Pour l'année 2023, qui a marqué la fin de l'ancien plan loup, les éleveurs ont recensé environ 12 000 bêtes attaquées au niveau national. Une prédation élevée mais qui reste stable. La population lupine a été évaluée à un peu moins de 1000 individus, une estimation qui définit le nombre maximum de loups pouvant être prélevés dans le cadre de la défense des troupeaux. Le quota est actuellement fixé à 19% de la population recensée.