Un mois après la découverte d'une crèche clandestine à Marseille qui accueillait jusqu'à 25 enfants dans un deux-pièces, c'est une nouvelle affaire similaire d'établissement illégal qui a été découverte lundi matin dans le centre-ville, au 52 La Canebière.
14 enfants en garde
La crèche accueillait jusqu'à14 enfants dans un appartement de 130 m2. L'établissement fonctionnait sans autorisation depuis plusieurs années en accord avec plusieurs familles. La responsable, une sexagénaire, payée en chèques-service, a été placée en garde à vue puis relâchée lundi matin. Elle sera à nouveau interrogée après audition des parents.
Selon le procureur adjoint de la République à Marseille, Christophe Barret, aucune information judiciaire n'a été ouverte, cette personne n'a pas été mise en examen et devrait être jugée ultérieurement.
Des policiers de la Sûreté départementale sont intervenus après un signalement de la Protection maternelle et infantile (PMI), selon une source proche du dossier. L'enquête vise des faits de "travail illégal par dissimulation d'activité, d'escroquerie à la Caisse d'allocations familiales et de fraude fiscale".
Selon France Bleu Provence, qui a dévoilé l'information mardi, la gérante est une nounou de longue date qui avait perdu son agrément en 2001 et, faute d'avoir pu le récupérer en 2004, avait ensuite monté une structure clandestine.
Une dizaine d'enfants aurait alors été accueillie entre 2005 et 2008. A partir de 2009, la structure se serait développée avec l'arrivée de quatre assistantes non déclarées, selon la radio. Celles-ci ont été entendues par les enquêteurs et des parents devraient l'être cette semaine.
Dénonciation anonyme
Fin juin, une crèche clandestine avait déjà été découverte sur le cours Franklin Roosevelt, dans le 1er arrondissement de Marseille sur dénonciation anonyme. L'établissement accueillait de 15 à 25 enfants de 6 mois à 3 ans, sans agrément avec l'accord des parents dans un contexte de pénurie de places en crèches municipales.
La responsable, une ancienne infirmère de 59 ans est poursuivie pour "travail dissimulé", "création sans autorisation d'un établissement de service d'accueil d'enfants de moins de 6 ans"et "non respect des obligations de contrôle et de conformité des établissements recevant du public".
Les charges pour mise en danger d'autrui ont été abandonnées. Le procès a été renvoyé au 24 août.
Le débat sur la pénurie de places relancé
Cette nouvelle affaire de crèche clandestine à Marseille relance le débat sur la pénurie de places pour l'accueil des tout-petits.
"Ce ne sont ni les premières, ni encore moins les dernières crèches clandestines. Cela existe dans toutes les grandes villes mais à Marseille, il y en a plein la ville", a réagi Morgane Turc, adjointe au maire (PS) du 1er secteur de Marseille (où sont situées les deux crèches),en charge de l'enfance. Selon elle, "la PMI (qui dépend du conseil général des Bouches-du-Rhône à majorité socialiste, ndlr) comme la ville (à majorité UMP, ndlr) sont au courant puisque souvent les personnes qui pilotent ces crèches clandestines ont cherché à avoir un agrément".
Outre les structures illégales, "la garde au noir pullule, d'un, deux ou trois enfants. C'est la réalité quotidienne" à Marseille, estime l'élue, qui pointe le manque de places en crèche et en maternelle, obligeant des enfants à rester après trois ans dans des modes de gardes déjà engorgés. Un cercle vicieux.
L'opposition appelle à la mairie à réagir
Le socialiste Patrick Mennucci, leader de l'opposition municipale marseillaise, a appelé la mairie "à réagir et à prévoir des investissements dans le budget rectificatif 2012" pour venir en aide à ces citoyens qui "n'ont pas d'autres moyens que ces moyens illégaux pour faire garder leurs enfants".
La mairie avait estimé, après la première affaire, "ne pas avoir à rougir" en matière d'accueil des tout-petits. Depuis 1995, avait-elle argué, le nombre de places en accueil collectif à Marseille, tous modes de garde confondus, a plus que doublé à 15.728, dont 2.756 dans les 63 crèches municipales.
Selon elle, le taux de couverture (ratio entre le total des places disponibles et le nombre d'enfants de moins de trois ans) est de 43% dans la ville.
La réponse d'Yves Moraine (UMP)
En réaction, l'élu marseillais UMP Yves Moraine a appelé M. Mennucci à "demander
à l'Etat socialiste de créer des places de crèche à Marseille", rappelant que les ouvertures ne dépendaient pas uniquement de la mairie mais aussi du département et de la CAF.
L'élu explique le recours aux structures illégales notamment par le fait qu'elles
"reviennent moitié moins chères" aux parents qu'une crèche conventionnelle. "Il y a des solutions", a-t-il dit pour rassurer les parents sans mode de garde.
Il manque plus de 350.000 places en France
Sur l'ensemble du territoire national, on comptait 48,7 places d'accueil pour 100 enfants de moins de trois ans en 2009, selon une note du Centre d'analyse stratégique (CAS) publiée en janvier, qui précisait que l'indice était de 42 en 2004 et "devrait être supérieur à 50" fin 2012.
Une offre mal répartie en France, les départements du nord de la France et du pourtour méditerranéen figurant parmi les plus mal lotis.
Pour Alain Feretti, chargé de la question à l'Union nationale des associations familiales (Unaf), "il manque entre 350.000 et 400.000 places d'accueil (collectif ou individuel, NDLR)" en France.
"Si les pouvoirs publics ne font pas des efforts pour aider les familles à concilier vie professionnelle et vie familiale, on ne peut aller que vers la découverte de systèmes parallèles qui mettent potentiellement en danger des enfants", prévient-il.