Après l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dédouanant la société TÜV, qui avait certifié les prothèses mammaires frauduleuses PIP, les victimes vont devoir rembourser les sommes déjà allouées.
La cour d'appel d'Aix-en-Provence a dédouané jeudi le géant allemand du contrôle TÜV, certificateur des prothèses
mammaires frauduleuses PIP de toute responsabilité. Par conséquent les victimes devront rembourser les provisions reçues au titre de dédommagement.
"Les personnes doivent techniquement rembourser cet argent mais aucune décision n'a été prise quant à une demande de remboursement"
a précisé l'entourage du groupe TÜV à l'AFP.
En première instance, en 2013, le tribunal de commerce de Toulon avait condamné l'entreprise et sa filiale à verser 3.400 euros aux 1.700 victimes plaignantes, au titre de provisions en attendant les expertises pour chacune d'entre
elles.
Après que la cour d'appel lui a récemment refusé la suspension de cette décision, TÜV a donc versé 5,8 millions d'euros aux victimes.
Mais dans son arrêt rendu jeudi, la cour d'appel d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) considère que TÜV et sa filiale française ont "respecté les obligations leur incombant en qualité d'organismes certificateurs" et "n'avaient pas commis de faute engageant leur responsabilité civile délictuelle".
Des dizaines de millions d'euros réclamées
Les plaignantes et les distributeurs "ne rapportent nullement l'existence d'une faute" de TÜV, selon l'arrêt dont l'AFP a eu connaissance.La cour a donc infirmé le jugement du tribunal et débouté les victimes de prothèses frauduleuses ainsi que les distributeurs qui réclamaient pour leur part 28 millions d'euros à TÜV.
"Défaite pour la sécurité sanitaire"
"Avec cette décision, les victimes se retrouvent sur le banc des accusés à devoir rembourser l'argent au certificateur qui, selon la cour d'appel, a parfaitement fait son travail ces 15 dernières années", a regretté Me Laurent Gaudon, avocat de victimes.L'avocat marseillais s'indigne tout particulièrement que "plus d'une centaine d'expertises qui ont déjà été pratiquées et qui démontrent la toxicité du gel frauduleux, vont être, avec cette décision, jetées à la poubelle".
"C'est une victoire d'étape pour TÜV et une très grande défaite pour la sécurité sanitaire des produits de santé européens"
a-t-il poursuivi, ajoutant qu'il allait conseiller à ses clientes de "se pourvoir en cassation".
"Le scandale PIP est devenu le scandale TÜV"
estime pour sa part, Me Olivier Aumaître, avocat des distributeurs, qui sont en outre condamnés à verser 90.000
euros à TÜV au titre des frais de justice, alors que ses entreprises sont aujourd'hui "exsangues" après cette affaire, explique l'avocat.
"Ce sont eux qui, il y a 5 ans, ont lancé ces procédures dans l'intérêt des victimes sur la base de documents probants et a qui on demande de supporter le coût de la procédure pour un montant délirant", s'indigne cet avocat.
De son côté la société allemande TÜV Rheinland s'est félicitée, dans un communiqué, "de cette décision qui écarte sa responsabilité" et "s'inscrit dans une longue série de positions prises en faveur de TÜV Rheinland par les juridictions et autoritésà ce jour".
Pour TÜV, "la fraude commise par PIP n'était pas décelable par TÜV Rheinland etn'aurait pas pu être détectée avec les moyens que la réglementation accorde aux organismes notifiés".
30.000 femmes concernées en France
L'arrêt de la cour d'appel "confirme que la décision du tribunal de commerce de Toulon de 2013 n'était pas fondée", a réagi Me Cécile Derycke, avocate de TÜV, selon laquelle, de toutes les décisions de justice concernant TÜV,celle du tribunal de Toulon était "la seule la décision en défaveur de TÜV".
Durant l'audience, Me Derycke avait mis en avant les conclusions de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui avait conclu à l'absence de responsabilité de la société allemande et de sa filiale française. L'avocate s'était également référée à deux décisions (Paris en 2014 et Marseille 2013) qui écartaient la responsabilité de TÜV.
L'affaire PIP a éclaté au grand jour en 2010 après le retrait du marché de ces prothèses, pour une large part frauduleuses. Environ 30.000 femmes sont concernées en France, mais aussi des milliers à l'étranger.
Après la décision du tribunal de commerce de Toulon en 2013, les avocats des victimes avaient engagé une autre série de recours pour quelque 10.000 nouvelles victimes. Ces recours doivent être examinés par cette juridiction
le 24 juillet.