"On est seuls... entre nous" : sur l'île de Porquerolles, l'hiver en toute intimité d'un site pris d'assaut par les touristes en été

L'île située au large de Hyères dans le Var offre un environnement très différent durant la période hivernale. Entre faune et flore qui profitent de l'absence des touristes, Porquerolles affiche un visage empreint de calme et de sérénité.

Porquerolles est la plus importante des iles du parc national de Port Cros. Une destination carte postale, chaque été, pour des milliers de touristes. Mais l’affluence est telle que le parc a décidé, depuis trois ans, d’imposer un quota de voyageurs arrivant par navettes maritimes : pas plus de 6 000 par jour.
Mais il n’est pas rare, malgré tout, chaque mois d’août que l’île soit comme envahie par des hordes de visiteurs.

Alors pourquoi ne pas s’offrir Porquerolles en hiver ? Sabine Chautard habite ici depuis trente ans. Son mari est Porquerollais. Elle a élevé sur l'île ses deux enfants devenus grands aujourd’hui. Sabine est l’une des peintres de l’île.  Ce paradis, elle le préfère comme la plupart des 300 habitants : en hiver.

Une période propice à la création artistique

"On est seuls... entre nous. L’été, c'est une saison bizarre, confie Sabine. Nécessaire, car on travaille avec les touristes mais tellement difficile. Moi, je suis plutôt timide alors c’est dur." Durant l’hiver, elle profite du calme pour faire des travaux dans son atelier. Dans l’arrière-cour de sa maison, elle a installé une petite pièce pour peindre, mais aussi pour vendre une fois l’été venu. "Ça, c’est mon meuble de cartes marines", lance-t-elle. Son support de travail est en effet la carte Marine.  Elle en a de tous les continents. "Là, c'est Porquerolles, ici la Méditerranée, là l’Atlantique Nord."

L’artiste tire son inspiration des informations de la carte. La profondeur, les dangers, les fonds... tout se transforme. Les lignes de côtes deviennent parfois des haubans de bateaux, les routes des branches d’arbres, les bouées des nuages.  L’inspiration de Sabine est sans limites. Mais en plissant les yeux, la carte marine réapparait. On appelle cela une pareidolie.

"L’été nous ne pourrions pas entendre les animaux"

Les agents du Parc sont neuf au total. Ils habitent, pour la plupart, eux aussi, sur place. Ici tout le monde se connait. Céline Obadia et François Rufflet agents du parc, partent ce soir pour une mission scientifique impossible l’été. Ils vont tenter d’écouter le Grand-Duc. L’un des plus grands rapaces nocturnes du monde, jusqu’à 1,70 m d’envergure.

"L’hiver ou plutôt la fin de l’hiver, c'est la période de rapprochement du mâle et de la femelle, explique François. C’est le moment où les individus s’appellent."

"Il n’y a probablement qu’un couple sur l’île. Chaque oiseau fait son nid dans les falaises, poursuit-il.

"A la tombée de la nuit, ils se cherchent. C’est très rare de pouvoir les entendre."

François Rufflet

à France 3 Paca

Effectivement, presque une heure plus tard alors que les autres oiseaux ont entamé leurs chants crépusculaires, les deux hiboux se mettent à hululer. Très éloignés l’un de l’autre, les deux volatiles se rapprochent. On finit même par entendre leur parade amoureuse. Une scène uniquement auditive. 

"L’été, nous ne pourrions pas entendre les animaux. Déjà leur période de parade sera terminée, mais en plus, il y a trop de bruits parasites pour pouvoir identifier le chant des animaux", renchérit Céline.

"En hiver, la vigne est au repos"

Florent Audibert est, lui aussi, un amoureux de l’ile en hiver. Il est vigneron et a en charge de Domaine de la Courtade. Ce salarié n’a pas la chance d’habiter sur l’ile. Quotidiennement, il fait les allers-retours entre son domicile du centre Var et l’ile de Porquerolles.

"C'est 1h30 avec le bateau, mais on s’y fait, sourit-il. L’hiver, je prends la rotation de 7h30, l’été, c'est celle de 5h30. Un bateau qui n’existe pas officiellement pour les touristes. C’est le bateau de travailleurs !" "En hiver, la vigne est au repos. C’est là qu’il faut en prendre soin si on veut qu’elle nous donne de beaux raisins", souligne-t-il.

Moi, lorsque j’ai des amis qui veulent venir visiter Porquerolles, je leur dis : "Surtout venez en hiver !""

Florent Audibert

à France 3 Paca

Tout près de l’embarcadère, d’autres gardes du Parc National s’apprêtent à prendre la mer.
Ils sont policiers de l’environnement. 

Des patrouilles de surveillance

Laura Hauc et Gabriel Azémard partent pour une vérification des zones de pêches. Ce jour-là aucun contrevenant. La mer est comme rendue à ses habitants : les poissons ! Gabriel prend la parole : "Nous essayons d’avoir des horaires aléatoires, l’idée, c'est que les contrevenants se disent que nous pouvons être là tout le temps, détaille-t-il. C’est important de laisser des zones ou le poisson peut se reproduire sans crainte. Il faut préserver la ressource."

Soudain, deux virgules, au sommet de la falaise de schistes, attirent l’attention des gardes. Ce sont deux faucons pèlerins, ils observent leur territoire de chasse.

"Sur Porquerolles, ils sont sans doute six couples de faucons pèlerins. C’est une espèce dite sentinelle. Grâce à elle, nous savons que l’environnement va bien, ajoute Laura Si les faucons sont là, c’est qu’il y a de la nourriture, des proies. Donc tant mieux, estime Laura."

"Les fleurs arrivent en février"

Retour sur le port. Et direction un endroit que nous devons tenir secret. C’est Martine, elle aussi agent du parc, qui nous y conduit. "Vous allez voir une prairie de nivéole. C’est une espèce endémique qui avait quasiment disparu. L’espèce est aujourd’hui protégée."

Grâce aux soins du parc national de Port Cros, plusieurs plants de nivéole ont pu s’épanouir. "Les fleurs arrivent en février", lance Martine. L’hiver à Porquerolles est décidément une saison à part, elle a comme un avant-goût de paradis.