22 éoliennes sont installées sur les communes d'Artigues et d'Ollières, dans le Haut-Var. Attaquées en justice par une association, elles provoquent la colère de certains élus.
"Les gens viennent ici pour la quiétude et le charme des collines de Jean Giono et pas pour voir notre environnement dégradé" s'insurge Marc-Antoine Chavanis.
Ce représentant local de l'association SPPEF (Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France), plus connue sous le nom de Sites et Monuments, est opposé au parc éolien qui a vu le jour près de chez lui.
"On a l'impression qu'on est sacrifié. On se trouve aux frontières du Grand site de France Concors Sainte-Victoire" regrette-il. Marc-Antoine Chavanis souligne que 8 des 22 éoliennes du parc ont été implantées sur un terrain Natura 2000, éoliennes qui font 125 mètres de haut, l'équivalent d'une tour de 46 étages.
Si chère au peintre Paul Cézanne qui l'a représentée plus de 80 fois sur ses toiles, la montagne Sainte-Victoire est à près de 11 kilomètres du parc comme le montre cette carte Google Maps :
Une bataille judiciaire
En février 2020, le tribunal administratif de Toulon donne raison à l'association Sites et Monuments et à ceux qui attaquaient le projet. Pour la justice, tout n'a pas été fait dans les règles : l’ancienne autorisation environnementale n’est plus valable et le promoteur Eco Delta (Provencialis) doit obtenir une nouvelle autorisation.
Le 31 mars 2021, la cour d'appel administrative de Marseille s'est aussi prononcée sur ce dossier. Elle a reconnu que " la société aurait dû justifier de la délivrance d'une autorisation environnementale avant le démarrage des travaux". La cour a donc confirmé la caducité de l’autorisation environnementale qui avait été accordée précédemment.
Le préfet du Var avait donné un délai au promoteur pour déposer cette nouvelle autorisation. Il a désormais jusqu’à fin mai 2021 pour le dépôt. Par la suite, l’obtention peut être assez longue car des études environnementales doivent être menées.
France 3 Provence Alpes Côte d'Azur a joint par téléphone la présidente de la société Eco Delta, basée à La Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône. Andréa Jouven, est à la tête de cette filiale de JC Mont-Fort, une holding basée en Suisse. Elle se dit "déçue après tant d'acharnement judiciaire. 10 ans" .
Elle ne comprend pas le combat des opposants et de Sites et Monuments : "C'est une association parisienne qui se bat sur le paysage or, la question de l'impact a été tranchée par le juge administratif".
Elle rappelle avoir pris "un engagement total pour la protection de la nature" dans ce dossier. "Peu de parcs sont accompagnés à ce point financièrement par des mesures pour minimiser l'impact", a défendu Andréa Jouven auprès de l'Agence France Presse.
"Pollution sonore et lumineuse"
Julien Lacaze, président de Sites et Monuments, rappelle que le chantier a été poursuivi pendant un peu moins de quatre mois sans autorisation.
Il explique que si son association s'oppose au projet : "C’est à 50 % pour des raisons qui tiennent au paysage, fameux. Il y a aussi des raisons touchant à la biodiversité, ici précieuse. Il n’y a pas d'habitants sur cette zone, c’est une opportunité extraordinaire pour les promoteurs éoliens mais ce paysage intouché est précieux pour la faune et la flore".
"Pour implanter une éolienne il faut briser la roche, injecter 1500 tonnes de béton ferraillé, il faut la présence de machines et une fois installée, il y a une pollution sonore et lumineuse."
Et il ajoute qu' "il s’agit du premier parc éolien du Var. Quand il y a un parc éolien, on observe qu’il est plus facile d’installer d’autres parcs éoliens par la suite".
Les internautes se sont aussi mobilisés. Le 27 avril 2021 près de 27 800 personnes avaient signé la pétition en ligne "Sauvons la montagne Sainte-Victoire et sa biodiversité d'un parc de 22 éoliennes ! ", pétition parrainée par le "Monsieur Patrimoine" d'Emmanuel Macron, Stéphane Bern, également animateur de France Télévisions.
"On a l'impression de remonter un torrent" regrette Julien Lacaze malgré ces soutiens, car son association reste la seule grosse structure opposée au parc. Elle reçoit quand même l'appui de 14 autres associations nationales, régionales et locales présentes sur la pétition.
? Nous avons gagné ! Communiqué à suivre... https://t.co/P9oMpeQWHU
— Sites & Monuments (@SPPEF) March 31, 2021
Les associations de protection de l'environnement soutiennent l'éolien
"Nous sommes favorables à ce parc" explique Clémence Mazard, chargée de mission climat-air-énergie de l'association France Nature Environnement PACA. Elle ajoute qu' "il faut faire des compromis".
"Les enjeux paysagers sont une problématique... Il y en a qui trouvent ça joli d'autres non. Nous, on a une vision plus large."
France Nature Environnement met d'ailleurs à disposition des associations sur son site Internet un outil pour "évaluer les projets de parc éoliens".
Greenpeace France que nous avons également contacté avoue ne pas s'être penché sur le projet quant à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), son directeur régional ne mâche pas ses mots contre l'association Sites et Monuments et les opposants au parc.
"Leur combat n’est pas la nature. Ils n’y connaissent rien. Leur combat c’est d’être anti-éolien" s'emporte Amine Flitti. Il rappelle qu'il y a une étude d’impact qui est réalisée sur ce parc avec des inventaires, des autorisations et des suivis post-installation.
"Leur combat n’est pas la nature. Ils n’y connaissent rien. Leur combat c’est d’être anti-éolien."
A l’issue d’une première année de suivi qui a commencé en janvier 2021, "on pourra dire combien il y avait d’oiseaux avant et après. On est là pour vérifier que les dispositifs mis en place fonctionnent et on sera vigilant."
Des dispositifs anti-collision ont été installés par la société Biodiv-Wind pour protéger la faune et la flore du danger que peuvent représenter les éoliennes.
Amine Flitti précise qu'il existe une convention avec la LPO et le porteur de projet. Ce dernier finance les structures qui réalisent les suivis comme l’y oblige le droit, et il y a d’autres structures, pas que la LPO.
Les élus sont partagés
France 3 Provence Alpes Côte d'Azur avait rencontré en février 2021 le nouveau maire d'Ollières, une des deux communes sur lesquelles se situe le parc éolien. "Le préfet a sommé la société Provencialis de réaliser une étude environnementale sur quatre saisons, tout en continuant la construction du parc éolien" s'étonnait alors l'élu.
"Nous avons tous les inconvénients et très peu d'avantages."
Arnaud Fauquet-Lemaitre, qui a engagé un bras de fer judiciaire avec la société, se dit prêt à retirer son dossier s'il obtient "des compensations financières". "Nous avons tous les inconvénients et très peu d'avantages", argumente-t-il auprès de l'Agence France Presse qui l'a contacté fin avril 2021.
Sur son site Internet, la société Eco Delta qui gère le parc affirme aider l'économie locale : "450 000 € reversés localement par année en mesure de traitement et d’accompagnement des incidences."
Chaque Français finance sous forme de subvention les projets de création d'énergies dite renouvelables avec la contribution au service public de l'électricité (CSPE). La somme est directement prélevée sur sa facture d'électricité.
Près de la Sainte-Victoire, les éoliennes ont vu le jour en partie grâce aux promesses de rachat de l'énergie. Ce projet qui date de 2005, est aujourd'hui réalité mais si ses opposants gagnent en justice, il pourrait bien être démonté. Un démantèlement qui sera aussi en partie à la charge du contribuable.