Fréjus : l'agglomération suspend des subventions à des associations après les débordements consécutifs au match Maroc-Espagne

Le président de l'agglomération de Fréjus, Frédéric Masquelier, a annoncé la suspension de subventions à destination des habitants du quartier de la Gabelle, où se sont déroulés des incidents à la suite du match Maroc-Espagne, ce mardi.

"Face à de nouveaux tirs de mortiers, des jets de pierres et des fumigènes, la police a de nouveau dû intervenir dans le quartier de la Gabelle", déclare sur Twitter, Frédéric Masquelier, ce mardi 6 décembre à 20 heures 33. L'élu lance alors un ultimatum aux Fréjusiens : "Sans une réaction ferme des habitants, toutes les aides de l’agglomération sont immédiatement suspendues."

Ce soir-là, à Fréjus, les violences ont à nouveau succédé aux effusions de joie des supporters de l'équipe de foot marocaine, victorieuse face à l'Espagne en huitième de finale de la Coupe du monde.

Les équipes de polices mobilisées appellent des renforts pour contenir la soixantaine de supporters qui célèbrent leur victoire, inédite à ce stade la compétition. Une cinquantaine d'agents de la police municipale est épaulée par une vingtaine de policiers municipaux quand éclatent les premiers incidents.

"Une trentaine d'individus envahissaient les voies de circulation et commençaient à s'en prendre aux illuminations du rond-point Victor-Hugo, puis à lancer des pierres à des fonctionnaires encadrant leur retour vers la cité", détaille le rapport de police rédigé par la suite. "Lors de l'intervention, les policiers étaient la cible de jets de projectiles et de pétards dans leur direction."

"Aucun blessé, ni aucun dégât n'est à déplorer", précise la direction de la sûreté publique du Var. Les sapeurs-pompiers confirment qu'aucune équipe n'est intervenue à la Gabelle.

Le président de l'agglomération Estérel Côte d'Azur publie alors un message sur son compte Facebook, à 21 heures 23, et annonce prendre une décision sans appel : "Comme je l’avais indiqué, les aides de l’agglomération sont immédiatement suspendues. Concrètement les équipes et les moyens mis sur place seront réaffectés dès demain matin dans d’autres quartiers."

"69.000 euros" de subventions suspendues

Tandis que les incidents survenus à Nice trouvent immédiatement un écho au sein de la classe politique locale, dès la fin du match, la réaction de Frédéric Masquelier ne fait pas les gros titres dans la matinée.

Ce n'est qu'en milieu d'après-midi que le président de l'agglomération Estérel Côte d’Azur envoie aux rédactions un communiqué de presse annonçant la suspension de "69.000 euros" de subventions "à destination de la Gabelle".

"On constate qu'il y a une espèce de résignation, de fatalité, de complicité avec ces jeunes voyous", affirme Frédéric Masquelier à France Bleu Provence, avant que l'information ne soit reprise dans une dépêche de l'Agence France-Presse, reproduite par l'ensemble des titres de la presse nationale.

L'élu d'opposition (divers droite) à Fréjus et à l'agglomération, Emmanuel Bonnemain, dénonce un "coup de com", doublé d'une "décision autocratique" : "Frédéric Masquelier nous invente une responsabilité sociale pour autrui, absolument affolante, et il le fait en l'absence de toute délibération du conseil communautaire." 

Des "cours de français" et un "soutien aux femmes" affectés

Le président de l'agglomération annonce pour commencer la disparition d'un Algeco, qui accueillait une équipe de travailleurs sociaux au milieu de la cité depuis plusieurs mois, "pour un coût de 36.000 euros", selon la collectivité.

Des habitants du quartier, rencontrés par France 3 Côte d'Azur, décrivent un bâtiment de chantier non-chauffé, "avec des trous, du sable" : "Honnêtement, qu'ils le gardent et qu'ils le prennent leur Algeco", grince l'un d'eux. 

Cette décision affecte avant tout le tissu associatif local, très dépendant des subventions publiques pour mener à bien ses missions.

Ce sont ainsi 11.000 euros qui disparaissent du budget de l'association Education promotion accueil des familles (Epafa). Cette structure est membre du réseau associatif catholique de l'Union Diaconale du Var, dédié à "la lutte contre l'exclusion sociale" et à la défense de la "dignité humaine" depuis 1983. Très enracinée, cette association est de surcroît un partenaire de longue date de l'Etat et de l'ensemble de collectivités territoriales du département du Var.

Ces subventions étaient destinées à dispenser des "cours de français" et apporter un "soutien aux femmes" du quartier de la Gabelle, précise l'agglomération de Fréjus. L'association Epafa n'a pas répondu à nos sollicitations, malgré de multiples relances. 

Un projet de crèche pour 12 enfants remis en cause

Deux autres projets sont affectés par la décision du président de la collectivité : tous deux sont portés par l'action éducative, solidaire et responsable (APS). Là aussi, la structure compte parmi les partenaires historiques des autorités locales.

Selon son site internet, l'association est "née de la volonté de personnalités hyéroises et des pouvoirs publics" en 1969 et ne cesse depuis d'étendre ses secteurs d'intervention. En tout 1579 personnes, dont plus de 1100 jeunes de moins de 25 ans, ont bénéficié du soutien de l'APS en 2021.

La suspension de 2 000 euros de subvention par l'agglomération de Fréjus concerne les actions de préventions menées par trois éducateurs spécialisés de l'association auprès des mineurs dans le quartier de la Gabelle. Ces dispositifs, dits "d'aller vers", sont pourtant régulièrement mis en avant par les pouvoirs publics, notamment dans la lutte contre les violences intrafamiliales ou contre la délinquance des plus jeunes.

Frédéric Masquelier a aussi choisi de suspendre 20.000 euros de subventions, qui devaient être votées en conseil communautaire ce vendredi, pour l'aménagement d'une micro-crèche supposée accueillir 12 enfants, âgés de 2 à 3 ans, à partir de septembre 2023. Ce projet, porté par l'association APS, est financé à près de 80% par l'Etat.

Contactée, APS a indiqué qu'elle ne ferait "pas de commentaire". Un silence évocateur, selon l'élu d'opposition Emmanuel Bonnemain, proche de Renaud Muselier : "Toutes les associations locales ont des subventions soit des communes, soit de l'agglomération. Sans ces aides publiques, elles ne peuvent pas tenir. C'est la raison pour laquelle il y a une omerta sur la question", affirme-t-il. 

Quand vous voyez qu'un président d'agglomération peut supprimer d'un trait de plume près de 70.000 euros de subvention, vous comprenez mieux que tout le monde a peur.

Emmanuel Bonnemain, proche de Renaud Muselier

Une démarche "en commun" entre la mairie de Fréjus et l'agglo

Le maire de Fréjus, David Rachline, assure pour sa part qu'il s'agit d'une décision que Frédéric Masquelier et lui ont prise "en commun". La ville, qui était elle aussi supposée financer le projet de crèche à hauteur de 20.000 euros, annonce qu'elle "aura exactement la même attitude" et suspend à son tour le versement de cette subvention.

"Nous attendons que l'Etat prenne ses responsabilités", déclare le maire de Fréjus, qui demande à ce que la Gabelle intègre le dispositif "quartier de reconquête républicaine", destiné à la lutte contre la délinquance.

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Propos recueillis par Christophe Carnino et Benoît Loth ©France 3 Côte d'Azur

"On pénalise absolument tout le monde pour une bande de gamins qui rendent absolument fous les policiers de Fréjus", regrette Tayeb, un habitant du quartier. "Tout ce qu'ils trouvent à faire, c'est de contrôler tous les habitants du quartier, hommes et femmes confondus. Et quand on leur demande pourquoi ils font ça, les policiers nous répondent : 'C'est à vous, habitants du quartier, de faire le ménage chez vous.' Alors, je veux bien, mais je n'ai pas le temps pour ça : je gère ma société, j'ai une famille et je suis pas là pour faire l'éducation d'enfants qui ne sont pas les miens."

Le président de l'agglomération reprend mot pour mot ce discours, dénonçant la "complicité passive" des habitants de la Gabelle "avec les voyous" : "On ne mettra plus d'argent public tant que ça ne sera pas pacifié. Je ne trouve pas normal que les représentants de ce quartier ne s'indignent pas lorsque des policiers sont agressés", décrète Frédéric Masquelier. 

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