L'interdiction du diméthoate, seul insecticide qu'ils jugent efficace pour lutter contre un moucheron qui pond ses oeufs notamment dans les cerises, inquiète les arboriculteurs, à quelques semaines des premières récoltes.
Future récolte
Sur les coteaux de Bonnieux, un village du Luberon, dans le Vaucluse, le premier département producteur de France, les 30 hectares de cerisiers de Lionel et Thierry Ravoire ont quasiment perdu toutes leurs fleurs, révélant des branches chargées de fruits qui semblent promettre une bonne récolte à partir de mi-mai.Mais les deux frères, qui commercialisent 60 tonnes de cerises pour le frais et 200 tonnes pour l'industrie, sont inquiets pour une multitude de facteurs.
Le diméthoate
L'insecticide qu'ils employaient pour éradiquer la drosophila suzukii, a été interdit par l'Agence nationale de sécurité sanitaire en février et le ministère de l'Agriculture a refusé de délivrer une dérogation de 120 jours. En contrebas de leur parcelle, début avril, des paysans ont tronçonné 300 arbres pour protester contre ces mesures.Il va y avoir la guerre et on n'a plus les mêmes armes"
"Il y a déjà des attaques sur les cerisiers sous serre et d'après les pièges il y a une forte population (de l'insecte). Il va y avoir la guerre et on n'a plus les mêmes armes", se désole Thierry Ravoire.
Contre-partie
Une clause de sauvegarde nationale est entrée en vigueur vendredi, bloquant ainsi toutes les importations de cerises traitées au produit interdit et les pertes de récolte seront indemnisées. "On n'y croit pas, il n'y a pas de sous! Et puis ce n'est pas le but, le but c'est de vivre de notre travail", explique Lionel Ravoire.Les deux arboriculteurs estiment qu'"à partir de 10% de contamination, impossible de trier. Le coût de production peut vite dépasser le coût de vente et si le prix du kilo est trop cher, on ne les vend plus".
"Cette année, on va perdre des producteurs, l'an prochain aussi. La complexité technique, les problèmes de commercialisation, ça va avoir un impact de découragement",Un travail de dingue"
prévient Lionel Ravoire. Au pied des Monts de Vaucluse, à Lioux, Jean-Paul Bourgues "brûle des cierges", "teste des répulsifs à base de souffre ou d'ail" et compte sur le mistral pour tenir éloignée de ses neuf hectares de cerisiers "la bestiole". Il y a deux ans, il y a laissé "des parcelles complètes" par manque d'anticipation.
"Créer un verger de cerisiers, c'est le travail de toute une vie. C'est un travail de dingue, il faut s'adapter aux variétés, aux méthodes culturales... ce serait dommage de perdre ça", confie-t-il.
L'inquiétude des producteurs de cerises s'est largement exprimée jeudi soir lors d'une réunion à Avignon autour des services de l'Etat et de la chambre d'agriculture sur le dispositif (plan de traitement, clause de sauvegarde et indemnisation).
Produits de substitution
Pour remplacer le diméthoate, les agriculteurs disposent de "six produits dont le niveau d'efficacité reste à confirmer", selon le président de la chambre d'agriculture, André Bernard, qui s'attend à "une situation très critique"."Ces produits coûtent plus cher et ne servent à rien. Ils veulent tuer la cerise et nous payer pour qu'on (la) ferme", s'est emporté un paysan.
Contrôles renforcés pour éviter la concurrence déloyale
"Des contrôles, on va vous aider à en faire", a promis au préfet un arboriculteur, applaudi par la salle, suggérant ainsi des actions pour vérifier la provenance des cerises dans la grande distribution et aux frontières.En France, une cerise sur trois est cueillie dans le Vaucluse, département qui compte 2.470 hectares de cerisiers pour une production d'environ 17.500 tonnes. La chambre d'agriculture avait estimé en 2014 à "environ 46%, soit près de 12 millions d'euros" la perte de production liée aux attaques de la drosophila suzukii, mouche asiatique détectée dans l'Hexagone en 2010.