L’huile essentielle de lavande menacée par l’évolution de la réglementation européenne

D’ici fin 2022, les flacons de lavande pourraient être catalogués comme des produits dangereux. Certaines de leurs molécules naturelles sont mises en cause. Une proposition de résolution européenne vient d'être adoptée.

Comme chaque flacon d’huile essentielle, celui de lavande est composé de centaines de molécules. Parmi elles, il y a le linalol. C'est une molécule naturellement alcoolisée présente dans les huiles essentielles. Et c’est un des produits que l’Europe veut cibler comme nocif dans l’évolution de son Pacte vert.

"La molécule linalol peut être irritant si on a la peau sensible ou si on l’utilise avec excès, mais ce n’est pas toxique. On ne risque pas d’en mourir !", assure Fabrice Constantin, producteur à Saint-Christol.

Depuis 30 ans, il cultive la fleur de lavande dans le Vaucluse. Cette évolution l’inquiète pour ses ventes : "La lavande est en danger. Des petites productions comme la mienne, on risque de ne plus en voir."

Les clients, comme les entreprises de cosmétique ou les parfumeries, risquent de privilégier des molécules de synthèse afin d'éviter les pictogrammes que souhaitent mettre en place l'Europe.

"On aura des étiquetages tellement discriminants sur des produits finis comme des shampoings, pire que sur Destop avec des poissons morts, plus personne n’achètera de produits naturels", annonce Alain Aubanel président de la PPAM, l’union des Professionnels des Plantes à Parfum, Aromatiques et médicinales.

Cette crainte s’est déjà matérialisée par une baisse de 15 à 20% des produits naturels. "On en subit déjà les dommages, le marché des huiles essentielles est compliqué, certaines entreprises ont déjà diminué la quantité de produits naturels pour des produits de synthèse car ils se disent "on ne sait jamais si en 2025 la loi passe", témoigne Alain Aubanel.

Les professionnels sont mobilisés depuis l’été dernier. Toujours sur le front aujourd’hui, le président le rappelle : "Nous, on n’est pas contre la réglementation, on ne veut juste en avoir une qui est adaptée et qui ne va pas nous tuer. Sur un malentendu, notre profession peut disparaitre."

Dans les rangs des signataires d'une pétition contre "la disparition des huiles essentiels et des produits naturels", il y a tous les producteurs d’huiles essentielles. En moins d'un an, les presque 200.000 signatures obtenues ont permis d’alerter les pouvoirs publics.

Une proposition à la hauteur des attentes

Le sénateur des Hautes-Alpes Jean-Michel Arnaud a fait adopter le jeudi 2 juin à la commission des affaires européennes du Sénat une proposition de résolution européenne.

"Cela fait partie des meilleures nouvelles qu’on ait eu ces derniers temps.", se réjouit Alain Aubanel, producteur de lavande également.  

Dans cette proposition de résolution européenne, il est demandé dans un premier temps une évaluation de l’huile essentielle de lavande dans sa globalité.  

C’est l’une des revendications de la PPMA. Dans les tests de toxicités, ce sont des molécules de synthèse qui sont prises une à une. Sauf que l’huile essentielle est un mélange de molécule appelé "produit complexe". C’est une différence de taille.

"Chaque molécule de synthèse a un petit inconvénient dans les produits de synthèse, alors que dans un produit complexe on récupère 100% des effets positifs des molécules. Les scientifiques indépendants nous ont dit qu’il n’y avait aucun effet délétère", explique Alain Aubanel.

La proposition demande également une clarification sur le terme de perturbateur endocrinien pour éviter l’apposition des pictogrammes. Il est demandé de faire la différence entre les "activateurs endocriniens" et les "perturbateurs endocriniens". "Aujourd’hui on met dans le même sac, celui qui va nous faire du bien et celui qui va nous faire du mal", déplore Alain Aubanel.

Une des propositions phares est un accroissement de l’aide des pouvoirs publics. Pour le président de la PPMA c’est important pour pouvoir faire des tests scientifiques. "La moindre étude coûte 200.000 euros, on à peu près 200 huiles essentielles. Pour l’instant, nous n’avons pu le faire que sur la lavande".

Les producteurs d'huiles essentielles devront attendre la fin d'année pour le verdict. L'évolution de la nouvelle législation sur les produits chimiques de l'UE dans le Pacte vert est très attendue.

"Ça dure depuis 15 ans. Chaque année on pense qu’on est tranquille et tous les cinq ans on réouvre le dossier. On est une toute petite filière avec 2.000 producteurs de lavande. Moi mon métier ce n’est pas faire que des dossiers réglementaires : c’est de travailler dans les champs", regrette Alain Aubanel.  

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