Dans le Vaucluse, la gendarmerie mise sur une communication décalée pour sensibiliser les internautes et faire passer ses messages de prévention. Et ça marche.
Une photo insolite, une pointe d'humour et quelques jeux de mots… Cette photo d'un sapin encore décoré chargé dans une voiture biplace électrique a été likée plus d'un millier de fois, le 8 janvier sur la page Facebook de la gendarmerie de Vaucluse.
"Ça y'est nous y sommes ! Le temps de ranger les décorations de Noël arrive et vous vous demandez comment transporter proprement votre sapin jusqu'aux aires de collecte. Et bien ce que nous pouvons vous dire c'est que nous vous déconseillons de le faire de cette manière, ironisent les gendarmes. Tout simplement parce que l'absence de visibilité est dangereuse et verbalisable, ensuite parce que vous risquez d'heurter tous les passants malgré le bon positionnement du nœud rouge!"
Plus d'une centaine d'internautes s'en sont donnés à cœur joie pour commenter l’affaire à leur tour, avec humour, comme c'est souvent le cas sur la page animée par la petite équipe de gendarmes community managers, Jessica, Michael et le colonel Patrice Ganzin, commandant en second du groupement de gendarmerie de Vaucluse, chargé de la communication sur les réseaux sociaux.
Les 44 groupements de gendarmerie de France ont l'obligation d'avoir une page Facebook. À chacune de choisir sa ligne éditoriale.
"La particularité de notre page est qu'elle a un ton un peu décalé, on aime bien avoir des textes un peu élaborés, et surtout on s'appuie sur une équipe de photographes qui est très performante et qui nous permet d'alimenter le compte Instagram", indique le colonel Ganzin.
Derrière une plume légère et des photos qui prêtent à sourire, il y a toujours un message sérieux.
"Le but c'est de faire passer des messages de prévention tout en ayant un petit côté décalé pour attirer les gens à suivre notre page", souligne le gendarme, qui mise sur la bienveillance sympathique plutôt que la peur du képi.
"En étant bienveillant, je pense qu’on touche le maximum de public", ajoute-t-il.
34.000 abonnés gagnés en deux ans et demi
Depuis que la nouvelle équipe a pris en charge la page en septembre 2019, le nombre des abonnés s'est envolé.
"On est passé de 8.000 à quasiment 42.000, ce qui nous place deuxièmes de la région derrière celle du Var, qui est beaucoup plus institutionnelle". La page du groupement de gendarmerie du Var est la plus ancienne, créée en 2012, elle est suivie par 80.000 abonnés.
Sans formation particulière, le colonel Ganzin s'est pris au jeu de cette communication qui casse les codes et offre une plus grande proximité avec les internautes.
Il a vite compris ce qui fonctionnait, ou pas. "On n'est pas dans la moralisation, tout en étant sérieux", souligne-t-il.
Mêler humour et sérieux est tout particulièrement délicat dans les affaires judiciaires.
Comme cette saisie de sachets de cannabis "Haribeuh" détournant les sachets de bonbons Haribo.
"On est soumis à l’autorisation du parquet pour communiquer, précise le colonel Ganzin, et on se limite strictement à ce qu’on peut dire, sans donner des détails de l’enquête".
Le post a fait un joli buzz qui a valu au colonel Ganzin un passage sur BFMTV et Cnews.
Le bon dosage entre humour et sérieux
En matière de sécurité routière, un domaine sur lequel la gendarmerie est très active, l’équipe vauclusienne s’efforce de donner des conseils "sans infantiliser", tout en condamnant fermement les comportements dangereux des délinquants.
Il faut trouver le ton juste pour obtenir l’adhésion. C’est-à-dire un maximum de likes, de partages et de commentaires.
Le 27 décembre, en légende de cette photo de trois véhicules entrés en collision sur l'autoroute, les gendarmes postent : "Question : qu'est-ce qui est à la fois un geste barrière anti-covid et un principe élémentaire de conduite sur route humide (vous avez 5 secondes)."
Une façon efficace de rappeler le respect des distances de sécurité...
"On mesure l’efficacité de nos posts avec les interactions", explique le colonel Ganzin.
Le record du groupement de Vaucluse, ce sont 19.000 likes et 3.000 commentaires pour une photo saluant l’audace d’une fourgonnette de la gendarmerie en train de dépasser quatre Bugatti Veyron sur l’autoroute…
"On n’avait jamais vu ça sur un de nos posts, mais très régulièrement on dépasse les 1.000 et c’est déjà très important pour un réseau social, ça montre que les gens apprécient ce qu’on fait", note le community manager.
Autre belle performance avec 11.000 likes et 1.500 partages pour cette photo d’une gendarme sur un kart le 24 décembre avec cette légende : "Ne désespérant pas de trouver au pied du sapin une Alpine 110 Pure (le nouveau véhicule rapide d'intervention de la gendarmerie, nous poursuivons avec les moyens du bord nos entraînements avec assiduité".
Le groupement de la gendarmerie des Vosges a été l’un des premiers à se démarquer par sa communication sur Facebook.
"On a suivi leur ton décalé, mais on a fait notre propre chemin et aujourd’hui je crois qu’on est assez rare à être dans le ton décalé", assure le colonel Ganzin.
Les Vosgiens sont rentrés dans le rang d’une communication plus classique, mais ils restent en tête de peloton avec leur 97.219 abonnés.
Le colonel Ganzin ne s’est pas fixé d’objectifs à atteindre mais la page poursuit sa belle ascension, avec 1.000 abonnés en plus par mois.
"Plus on aura d’abonnés, mieux ce sera car derrière on fera passer nos messages", avec toujours comme priorité de proposer des posts de qualité à sa communauté.