Du 29 septembre au 7 octobre, on pourra revoir la dernière création de Macha Makeïeff à la Criée. Créée aux Nuits de Fourvière à Lyon en juin dernier 2015, cette pièce de Molière, datée de 1672, croque avec drôlerie, les travers d'un féminisme naissant dans la société patriarcale du XVIIème siècle.
Dans cette comédie de moeurs, mille et une fois montée, Macha Makeïeff transpose le propos de Molière sur le discours misogyne, dans l'exubérance d’un décor vintage en technicolor, échappé des sixties. Avec une troupe brillante, entre Purcell et pop, Macha Makeïeff lit dans la pièce de Molière les impasses de l’émancipation, le refus renouvelé de tous les sectarismes et surtout la dénonciation joyeuse des esprits étroits. A ses interprètes, elle fait endosser des costumes qui disent beaucoup de la direction à trouver.
Cela évite, nous dit-elle, beaucoup de discours et permet, après tout ce que l'on se dit d'intelligent autour de la table le premier jour, de passer à quelque chose de plus subtil. Le costume c’est ce qui va sur la peau de l’acteur. Il s’apprivoise puis il y a tout le travail de stylisation.
Les personnages, l’intrigue.
Une famille se déchire au nom du bel esprit. D’un côté, Philaminte, sa fille Armande et sa belle-sœur Bélise, farouchement opposées au mariage, éprises de poésie, de philosophie et de science. De l’autre, garants du naturel, Chrysale, bourgeois asservi aux caprices de sa femme Philaminte, la gracieuse Henriette, leur seconde fille... sans compter le bon sens de la servante Martine. Proches des Précieuses ridicules, les trois femmes dites savantes reflètent l’évolution des mœurs de l’époque qui n’a pas échappé à Molière, haussant leur mépris pour les affaires domestiques à la hauteur de leurs ambitions métaphysiques. Le mariage arrangé par Philaminte entre le flatteur Trissotin et Henriette, amoureuse de Clitandre, est au cœur de l’intrigue.
Ce que souligne Molière, sans jamais remettre en cause l'émancipation des femmes, ce sont toutes les impasses qui peuvent survenir dans cet effort d'accéder à un statut différent et le désarroi masculin qui en découle.
« Pourquoi, lorsque les femmes inventent quelque chose, lorsqu'elles ont un désir d’ailleurs, qu'elles s'émancipent, qu'elles ont la satisfaction du savoir, les hommes sont-ils dans le désarroi, la terreur ? c'est une énigme. Absolue ».
La raison d'une mise en scène
En montant ce texte, la patronne de la Criée rend hommage à un Molière très émouvant, qui écrit ce texte 2 ans avant sa mort. Il est alors au sommet de son art mais paradoxalement, est extrêmement seul et le point de vue qu'il exprime sur les discours misogynes de son époque, retentissent aujourd'hui avec une vérité incroyable. Macha Makeïeff, créatrice rebelle, se met au travail en réaction à une pensée "molle". Ce qu'elle entendait dire des Femmes Savantes, c'est que c'était une pièce misogyne. "Plus subtil que cela, c'est une pièce qui fait entendre la misogynie, dit-elle, ce qui est nettement plus violent".
Dans la pièce, Il y a trois discours misogynes. Deux, sans surprise dans la bouche d'hommes avec les idées reçues que l'on imagine aisément et un dans la bouche d'une femme et c'est cela qui est très déstabilisant. La misogynie féminine est une chose absolument sidérante contre laquelle on n'a pas de réponse.