On les appelle les virus "bactériophages", les tueurs de bactéries. Ils ont été utilisés pour soigner deux patients lyonnais souffrant d'infections résistantes aux antibiotiques. La technique est ancienne, mais les progrès en biologie permettent maintenant d'isoler des "phages" très purs.
Mercredi, les Hospices civils de Lyon (HCL), comprenez les hôpitaux lyonnais, présentaient le résultat de deux traitements innovants et pour tout dire aux origines inattendues.
Deux malades souffrant de très sévères infections résistantes aux antibiotiques ont en effet été guéris grâce à l'utilisation, encore exceptionnelle, de bactériophages, virus "prédateurs de bactéries" naturellement présents... dans les égouts ou les eaux usées. (suite après l'interview du Pr Ferry par Frédéric Llop, le 20 septembre 2017 dans le journal de 12h de France 3 Rhône-Alpes)
Les deux patients, dont une femme de 80 ans, souffraient d'infections ostéoarticulaires particulièrement graves et qui ne pouvaient plus cicatriser.
Le Pr Tristan Ferry, du service des maladies infectieuses et tropicales aux HCL, a expliqué que, grâce à l'injection d'un "cocktail de bactériophages" dans la zone atteinte, l'infection a pu être résorbée.
Un procédé ancien abandonné à cause des antibotiques
Ce recours aux bactériophages (ou "phages") est connu de longue date mais était tombé en désuétude en Europe occidentale depuis la popularisation des antibiotiques. Ils sont encore utilisés, mais avec des modalités différentes, dans des pays de l'Est, comme la Géorgie, la Russie, la Pologne ou l'Ukraine. Selon de Professeur Ferry, cette technique redevient aujourd'hui tout à fait prometteuse en raison des cas toujours plus nombreux de résistance aux antibiotiques.Grâce aux progrès considérables en biologie moléculaire et en génomique, "nous pouvons travailler maintenant avec des bactériophages de très bonne qualité", a expliqué Guy-Charles Fanneau de La Horie, président du directoire de Pherecydes Pharma, le laboratoire qui a fourni le "cocktail de bactériophages" ayant permis de soigner les deux patients.
Des virus "très purs", appliqués en une seule fois, pour un résultat précis
"Nous recevons assez régulièrement des échantillons d'eaux d'égouts dans lesquelles nous cherchons des bactériophages", a-t-il indiqué. Le laboratoire prépare ensuite des produits purs, chaque flacon d'un millilitre contenant un milliard de phages "de très bonne qualité", selon M. Fanneau de La Horie. "Le gros avantage" des bactériophages est d'être appliqué en une seule fois, à la différence des antibiotiques qui demandent des traitements longs, a relevé Tristan Ferry.Autre avantage : chaque phage s'attaque à une bactérie précise. Il ne s'attaque pas aux autres bactéries, dont nombre ont des effets bénéfiques sur la santé. Il faut par conséquent repérer la bactérie fautive.
Pas de mise sur le marché pour le moment
Le recours à ces bactériophages pour les deux patients des HCL a été exceptionnel. Car à ce jour, les bactériophages ne disposent pas en effet de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) indispensable pour commercialiser un nouveau traitement.Pherecydes Pharma dispose désormais de toute une gamme de bactériophages pour lutter contre les diverses infections résistantes aux antibiotiques. Il ne s'agit pas d'être concurrent mais complémentaire des antibiotiques, a assuré M. Fanneau de La Horie.*
En attendant, Pherecydes poursuit des programmes d'études cliniques dont l'objectif est de déboucher sur des AMM. Mais ces programmes vont demander encore plusieurs années.