Des aumôniers musulmans "pas suffisamment nombreux" pour contrer la radicalisation

150 aumôniers musulmans exercent dans les prisons françaises. Pour Mohamed Loueslati, en charge notamment des établissements bas-normands, ils ne sont pas assez nombreux pour lutter contre la radicalisation.

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"La police dit que pour surveiller un seul radicalisé, il faut 20 policiers. Au centre pénitentiaire de Vezin-le-Coquet (près de Rennes), j'ai 800 ou 900 personnes, à majorité musulmane. Qu'est-ce-que je peux faire avec les moyens qui sont les miens?" Mohamed Loueslati est l'aumônier musulman des prisons de Basse-Normandie, de Bretagne et des Pays de la Loire depuis quinze ans. Interviewé par nos confrères de l'AFP, déplore le "dénuement total" de sa profession qui joue pourtant, d'après lui, un rôle important pour contrer la radicalisation de certains détenus.

Les aumôniers de prison musulmans, au nombre de 150 en France, "ont un rôle important" car, grâce à leur formation notamment, ils "mettent les radicalisés au pied du mur et ils protègent les autres", explique M. Loueslati. "Le référent, c'est l'aumônier. Dans la prison où il n'y a pas d'aumônier, le référent c'est l'autoproclamé, celui qui ne sait rien de l'islam et qui prêche la guerre, qui prêche la violence, qui radicalise les autres". 

Et ce, d'autant plus que l'enfermement amène parfois les détenus à se tourner vers la religion : "C'est comme quand on est malade et qu'on est alité ou en fin de vie. Il y a des moments dans la vie où il y a une demande spirituelle, (...) et pour les détenus, entre quatre murs, il y a un retour à la religion. Ne serait-ce que pour dire: on tourne la page, je veux être quelqu'un de bien", analyse-t-il.

S'il n'y a pas quelqu'un pour accompagner les détenus, c'est un autoproclamé qui va faire ce travail "


"S'il n'y a pas quelqu'un pour accompagner les détenus, c'est un autoproclamé qui va faire ce travail, qui va répondre à cette quête", affirme M. Loueslati, soulignant que l'aumônier, au contraire, a suivi une formation agréée et que des "filtres" existent avant sa nomination, comme les enquêtes sur les candidats menées par la préfecture et l'administration pénitentiaire.

Face au nombre insuffisant d'aumôniers, "l'État ne fait pas suffisamment d'efforts", estime M. Loueslati. "Et les blocages ne sont pas budgétaires - ce n'est rien de créer 30 ou 50 postes - ce sont des blocages historiques, idéologiques, des peurs", poursuit-il, en regrettant aussi les conditions de travail difficiles qui découragent les vocations, et réclamant un véritable statut professionnel.


"Un manque de considération et de respect"


Frais de déplacement non défrayés, "pas de retraite", travail à temps plein pour un salaire inférieur  "à ce qu'on donne à une femme de ménage": "voilà notre statut, un dénuement total, absolu, un manque de considération et de respect", pointe Mohamed Loueslati.

Après les attentats de la semaine dernière, le Premier ministre Manuel Valls a déclaré vouloir généraliser l'isolement en prison des détenus islamistes radicaux. "Ça ne résout pas" entièrement le problème, répond Mohamed Loueslati, "parce que les autres aussi, par l'actualité, la télévision, prennent connaissance de tout cela, ils se radicalisent aussi tout seuls".

Pour lui, la prison doit surtout mieux préparer à la réinsertion. "J'ai demandé à des détenus ce qu'ils allaient faire à leur sortie pour travailler, gagner leur vie, s'ils avaient un diplôme. Ils me disent: Non, mais on se débrouille. Alors je leur demande: Concrètement, c'est quoi?. Et là, ils rigolent, disent: On n'a pas grand-chose, on a le trafic de drogue ou la Syrie", raconte Mohamed Loueslati.


Départ en Syrie: "La motivation n'est pas religieuse, elle est plutôt sociale, financière"


Pour un éventuel départ en Syrie, "la motivation est financière, on leur propose un salaire. C'est la grande découverte que j'ai faite : la motivation n'est pas religieuse, elle est plutôt sociale, financière", poursuit l'aumônier qui souligne aussi que smartphones et internet "donnent des ailes" aux plus radicalisés et "renforce leur dangerosité".

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