Vendredi, une stèle célébrant les 50 ans de la fermeture de la mine d'amiante de Canari en Haute-Corse a été inaugurée. Une mine qui a fait un temps la fortune de la région, avant qu'on ne s'aperçoive de la dangerosité extrême de l'amiante.
Elle fut le poumon malheureux de toute une économie. De quelques centaines de tonnes extraits au début de son exploitation en 1941, la production de la mine de Canari atteignit les 30.000 tonnes en 1961, couvrant 50% des besoins industriels de la France.
Des centaines de mineurs y travaillèrent pendant des années, sans protection, inhalant quotidiennement et pendant des heures des fibres d'amiante. Pourtant, dès 1963, les syndicats en dénonçaient les dangers.
"Les syndicats à cette époque là ont eu entre leurs mains des radiographies", se souvient le maire de Canari Armand Guerra, "et on s'est aperçu que plusieurs personnes étaient déjà atteintes d'asbestose".
L'asbestose. Une affection pulmonaire grave qui touche les personnes qui ont inhalé de la poussière d'amiante. C'est également un cancérogène, en cause dans les cancers broncho-pulmonaires, et dans les cancers de la plèvre.
En 1965, les alertes sanitaires et surtout l'épuisement de la ressource entraînent la fermeture de la mine de Canari. Le site est laissé à l'abandon pendant 40 ans, exposant ses fibres aux quatre vents, sur le versant ouest du Cap Corse.
Un titanesque chantier de réhabilitation
En 2009, des travaux de stabilisation des abords de l’usine sont entrepris. 11 millions d'euros sont investis pour terrasser les roches amiantifères et protéger l'environnement d'un éventuel glissement de terrain et des milliards de fibres cancérigènes qui seraient alors soulevées.Pour les ouvriers commencent un chantier titanesque qui durera deux ans. Pour se protéger, tous les employés portent combinaison et masque à ventilation assistée, prennent trois douches par jour et ne restent pas plus de 2h30 sur le site. Pour éviter la dispersion des fibres d'amiante, de l'eau de mer est stockée dans des cuves d'eau puis aspergée sur le chantier.
Les travaux de réhabilitation n'ont pas concerné l'usine, restée en l'état. La cérémonie qui s'est déroulée vendredi a rendu hommage aux 1.400 ouvriers qui ont travaillé dans la mine d'amiante de Canari entre 1926 et 1965. Combien y ont laissé la vie ?
Selon un rapport du Sénat de 2005, l’utilisation de l’amiante, interdite depuis 1997, est responsable de 35.000 décès survenus entre 1965 et 1995 en France, et serait responsable de 65.000 à 100.000 décès d'ici 2030.
En 2013, 80 dossiers ont été déposés auprès d'Ardeva, l'association régionale de défense des victimes de l'amiante. Parmi ces plaignants, cinquante d'entre eux sont morts depuis.
Le reportage de Solange Graziani, Pierre Nicolas et Pierre-olivier Casabianca