La "justice prédictive", qui permet d'évaluer les chances de gain d'un procès en fouillant dans la jurisprudence, est testée depuis jeudi dans quinze cabinets lillois. C'est une première en Europe.
"On est les premiers en Europe à faire cela. Depuis hier, quinze cabinets d'avocats pilotes, soit une trentaine d'avocats , ont le logiciel", a déclaré Stéphane Dhonte, bâtonnier d'un ordre qui regroupe 1 300 avocats. La phase de test durera environ six semaines.
Le logiciel, qui a été développé par la start-up Predictice, "permet d'accéder à la jurisprudence et aux textes de loi via une barre de recherche unique, en langage naturel. En un clic, l'algorithme calcule les probabilités de résolution d'un litige, le montant des indemnités et identifie les éléments les plus influents sur la décision juridictionnelle", indiquent la société et le barreau de Lille, dans un communiqué commun.
Rapprocher les parties
Selon Me Dhonte, "ce logiciel, qui est une rencontre entre les mathématiques et le droit, va être une aide considérable, car il va permettre, de manière objective, de rapprocher les parties sur les risques qu'elles encourent en cas de procédure judiciaire. Je serai un bon avocat quand j'arriverai effectivement à rapprocher les parties et à régler les litiges par un acte d'avocat ou une transaction, évitant un procès long et coûteux qui ne sert à rien", a-t-il ajouté, soulignant que le logiciel était "réservé aux professionnels".Le droit pénal est, lui, écarté "pour des raisons éthiques". D'après Me Dhonte, ce système permettra aussi de connaître l'argumentation la plus retenue selon les juridictions, et donc de mieux préparer les dossiers. "Mais la machine ne remplace pas l'avocat", a-t-il fait observer. Si certains avocats étaient au départ réticents, par peur d'être "remplacés" par la machine, ils ont été rapidement séduits "par cet instrument exceptionnel" qui permet de mieux évaluer les chances de succès d'un dossier, limitant le recours "au pifomètre", a expliqué Me Dhonte.
La justice prédictive est facilitée par la récente loi pour une République numérique, qui impose la diffusion de toutes les décisions judiciaires, un processus en cours. Elle est parfois accueillie avec circonspection, certains évoquant des risques de décontextualisation des décisions ou d'uniformisation des pratiques.