Un "Turandot" déjanté mis en scène par Calixto Bieito à l'Opéra du Capitole de Toulouse

La nouvelle production de l'opéra du Capitole de Toulouse à l'affiche à partir de vendredi risque de choquer les amateurs d'opéra, disons, classique. L'opéra de Puccini est revisité façon trash par le metteur en scène espagnol. 

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Sexe, sang et couches-culottes : pour sa première mise en scène lyrique en France, l'Espagnol Calixto Bieito, le Pedro Almodovar de l'opéra, livre à partir de vendredi à l'opéra du Capitole de Toulouse son interprétation du Turandot de Puccini, comme à l'accoutumée iconoclaste.

Du Barcelonais, souvent désigné comme le metteur en scène d'opéra le plus radical au monde, on se souvient d'un "Enlèvement au sérail" de Mozart où une poitrine était tranchée dans une sorte de jeu sadomaso, ou du "Bal masqué" de Verdi qui s'ouvrait sur des interprètes assis sur des WC.

Pour Turandot, qu'il monte au Capitole de Toulouse à partir de vendredi et jusqu'au 30 juin, Bieito ne déroge pas à sa règle. Dans l'oeuvre originelle de Puccini, Turandot est une princesse cruelle dans la Chine médiévale. Calixto Bieito transpose l'opéra dans une usine de poupées, éclairée par des néons à la lumière crue.

Les remparts de la Ville impériale deviennent des murs de caisses en carton empilées, prêtes à être expédiées probablement vers l'Occident. Turandot se mue en une patronne impitoyable et ses sujets en ouvriers luttant contre une sorte de néo-capitalisme chinois. Calaf, le prince inconnu qui va s'éprendre de Turandot après l'avoir combattue, se transforme en une sorte de leader syndical qui se rebelle contre la tyrannique pédégère.

Les amateurs du "trash" lyrique dont Bieito s'est fait la spécialité seront servis : des femmes enveloppées de film plastique, une autre à la culotte ensanglantée contrainte à se caresser, une Turandot chauve qui démembre sadiquement des poupées de plastique...

Comme à l'accoutumée pour les oeuvres de Bieito, ce Turandot avait suscité la controverse lors de sa production au théâtre de Nuremberg en septembre 2014, avec Toulouse et le Northern Ireland Opera. Tandis que ses détracteurs y voyaient le "massacre" d'un des plus grands classiques de l'opéra au service d'un homme qui serait avide de publicité, les aficionados louaient "une étude poignante de la violence et de l'intimidation en tant qu'instruments de contrôle", comme l'écrit le blog spécialisé Operatraveller.
"Je pensais à Tiananmen", la place de Pékin où un mouvement prodémocratie a été écrasé dans le sang en 1989, explique Calixto Bieito. "Et à la manipulation des peuples, à ce nouveau système, capitaliste et socialiste à la fois, et comment nous devenons des machines, comme dans Metropolis", le film de Fritz Lang, raconte l'Espagnol à l'AFP.

Le metteur en scène, qui est à l'opéra ce que son compatriote Pedro Almodovar est au cinéma, repousse sans cesse les limites, avec son goût immodéré des scènes de violences sexuelles et fascisantes. Mais rien n'est gratuit chez lui.

Ainsi, si le père de Turandot rampe sur scène uniquement vêtu de couches-culottes, c'est pour montrer la décadence d'un malade "en phase terminale", explique Bieito. "Cela a un sens", tout comme la violence sexuelle qui veut dépeindre "l'abus de pouvoir, la torture". "Toute l'histoire de l'art, c'est de la réinterprétation. Les gens acceptent maintenant ce que Picasso a fait avec Les Ménines", où il a repris le chef-d'oeuvre de Diego Vélasquez, rappelle le metteur en scène. "Je pense que l'opéra, ce n'est pas qu'un spectacle pour riches. Si c'est le cas, il se perdra".

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