Qui se cache derrière l'intense lobbying en faveur du centre commercial Val Tolosa près de Toulouse ?

Achat d'espaces dans la presse, publication de lettres (amputées de certains paragraphes), réalisation d'un sondage... Qui est à l'origine de ce coûteux lobbying pour ce projet contesté et qui paye ? Le promoteur Unibail refuse de "commenter des rumeurs"

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La bataille de l'image fait rage à Toulouse autour du projet du gigantesque centre commercial, "Val Tolosa", à l'ouest de la métropole toulousaine. Une série de publications dans la presse et la réalisation d'un sondage par téléphone ces derniers jours laisse planer l'ombre du groupe Unibail, promoteur du projet, qui ne dément pas mais "refuse de commenter des rumeurs". Explications.

Une lettre privée publiée... 

Dernier événement en date, la publication d'une lettre signée de quatre présidents de fédérations départementales ou régionales du bâtiment et des travaux publics en dernière page de l'édition toulousaine de La Dépêche du Midi dimanche 29 novembre. Sur une pleine page, la lettre est adressée à Georges Méric, le président PS du Conseil départemental de la Haute-Garonne.
Les quatre présidents des fédérations de BTP s'y estiment "déçus" de la "récente prise de position du groupe majoritaire du Conseil Départemental de la Haute-Garonne, qui s'est traduite par la suspension du déclassement des routes (RD 82 et RD 24) et l'absence de travaux sur la RD 924, dernier acte avec le lancement effectif du chantier Val Tolosa"

Nous voyons, en effet, dans cet excès de prudence un danger mortel pour nos entreprises, déjà rudement impactées par la crise économique et la baisse des investissements immobiliers publics". 


Les patrons du BTP demandent donc de "respecter les engagements qui ont été pris et pour certains confirmés par des décisions de justice" et dénoncent une opération "prise en otage par des activistes bien connus". 

... mais expurgée d'un paragraphe !

Problème : la lettre ouverte publiée dans la presse ne l'a été que... partiellement ! Car la lettre originale, que nous nous sommes procurés, comporte un paragraphe supplémentaire qui a été omis dans sa version publiée dans le quotidien régional. En cliquant sur l'image ci-dessous pour l'agrandir, vous pourrez lire les deux versions de ce courrier : 
En effet, le paragraphe ci-dessous, plutôt "flatteur" pour le Conseil départemental et son président Georges Méric a été purement et simplement supprimé. 
La réponse de Georges Méric, pourtant datée du 26 novembre, antérieure donc de plusieurs jours à la publication, a également été "oubliée". Il y répond aux présidents des fédérations de BTP en expliquant la position du groupe majoritaire "qui n'exprime en rien l'idée d'une remise en question totale du projet". Il précise aussi que le projet est ancien et qu'il convient sans doute de le redimensionner.

Les auteurs de la lettre "un peu instrumentalisés"

Autre fait étrange, cette lettre se retrouve publiée dans la presse sans que ses auteurs aient donné leur accord. S'ils reconnaissent l'avoir écrite et envoyée à Georges Méric et l'assument totalement, les présidents des fédérations du BTP ignoraient qu'elle serait ainsi publiée dans ce type d'encart publicitaire. "​On avait donné notre accord pour qu'elle soit utilisée dans un publi-reportage, explique Bruno Dumas, le président de la fédération régionale du bâtiment. Mais on a été surpris de découvrir cette publication sous cette forme. En plus, elle n'est pas dans son intégralité. On ne nous a pas donné la totalité des éléments, on aurait dû être plus vigilants. A une semaine des élections régionales, alors que nous ne sommes pas politisés, cela peut être mal interprêté. On a été un peu instrumentalisés"
Bruno Dumas qui précise cependant, malgré ces réserves sur la forme, que sur le fond, il reste évidemment favorable au projet de Val Tolosa.

De coûteuses publications

Cette publication dans la presse n'est pas une première. Quelques jours auparavant, le 24 novembre, toujours dans La Dépêche du Midi, c'est une "publicité" qui avait été publiée pleine page. "Il nous manque un barreau pour aller plus haut", vantait l'intérêt de la nouvelle route à la fois pour les usagers des axes routiers dans le secteur et le développement de l'emploi, citant "les entreprises de la zone d'activités de la Ménude et leurs 1000 salariés".

Selon nos informations, pour acheter une page entière dans un cahier départemental du quotidien régional, il en coûte environ 21.000 euros hors taxes. Plus de 40.000 euros donc pour deux publications.

Un sondage "orienté" ?

Ajoutez à cela un sondage, qui d'après nos informations, est en cours de réalisation dans l'ouest de la métropole toulousaine, notamment à Plaisance du Touch où doit être construit le centre commercial. Un sondage téléphonique (réalisé par l'institut Odoxa) pour savoir si les habitants sont favorables ou pas à cette construction du centre commercial. Pour un sondage de ce type, comptez entre 7.500 et 15.000 euros, selon la méthode employée. 
Mais selon nos informations, les questions sont surtout un peu "orientées". En voici une sélection :
  • Avez-vous entendu parlé de Val Tolosa ?
  • Etes-vous plutôt favorable, favorable ou défavorable ?
  • Pensez vous que le projet sera un vecteur de développement pour l'ouest Toulousain ?
  • Pensez vous que vous fréquenterez Val Tolosa quand il sera ouvert ?
  • Pensez vous que Val Tolosa est une bonne chose pour la Communauté d'agglomération et de ses environs immédiats ?
  • Une route départementale doit être créée pour desservir Val Tolosa. Elle sera financée par le promoteur. Etes-vous favorable ? Opposé ?
  • Le président du Conseil départemental s'oppose à l'ouverture de Val Tolosa. Etes-vous d'accord avec cette prise de position ?
  • Le président du Conseil départemental est-il dans son rôle ?
  • Pensez vous que le Président du Conseil départemental veut bloquer ce projet pour le bien-être de la population ou pour des arguments partisans liées aux élections régionales ?

L'ombre d'Unibail qui refuse de "commenter les rumeurs"​

Sur cette action de lobbying, avec chantage sur l'emploi, plane bien évidemment l'ombre d'Unibail-Rodamco, le groupe dont la filiale PCE est le promoteur du projet Val Tolosa. Entreprise puissante, qui peut se permettre de financer de telles opérations, le groupe refuse pourtant de confirmer son implication dans cette opération de communication.
Contacté par nos soins, Unibail se contente de répondre, via son service communication, que "le groupe ne souhaite pas commenter des rumeurs". Pour Jutta Dumas, la présidente du collectif "Non à Val Tolosa", cela fait peu de doutes de savoir qui se cache derrière ces publications et ce sondage. Elle admet avoir eu un "mauvais réveil" dimanche en voyant la "pub" en plein page dans La Dépêche du Midi, mais se dit rassurée de savoir que les auteurs de la lettre n'avaient pas donné leur accord pour la publication.
Mais pour elle, ce qui importe, c'est que le président du Conseil départemental impose de nouvelles discussions sur le projet et qu'un médiateur soit nommé pour trouver une solution dans ce dossier

Des enjeux économiques énormes

Val Tolosa, contesté par des riverains, des écologistes mais aussi des élus locaux, est au centre, comme tous les projets de ce type, d'enjeux économiques énormes. Les médias ou les sociétés de sondages ont le droit de ne pas révéler le nom de leurs clients ou le montant des transactions. Mais les méthodes employées dans ce dossier laissent peu de doutes.
Sondages, achats d'espaces dans la presse... On imagine mal un patron de PME dans le BTP avoir les reins assez solides pour lancer une telle opération de lobbying !
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