Avec notre confrère Franck Bodereau, la mère de Mathis a écrit sa vérité dans un livre. Photo de son fils sur le coeur, elle veut tourner la page Sylvain Jouanneau. Un homme qu'elle a aimé dans une autre vie. En avant-première, les auteurs se confient sur le plateau du 19/20.
La France entière découvre le visage de cette mère, un dimanche soir à la télé, avant le dîner à l'automne 2011. Elle s'appelle Nathalie Barré. On la voit pousser la porte de la chambre de son fils chez elle à Caen. Mathis a disparu un dimanche soir de septembre, après un week-end de garde chez son père Sylvain Jouanneau.
Là, rien n'a bougé. Nous, prisonniers d'une culture judiciaire où les mères doivent pleurer, crier, hurler leur détresse face à la disparition de l'enfant, nous la jugeons. Nathalie Barré parle devant la caméra comme son propre avocat, comme si elle se regardait faire. "Elle met sa casquette de magistrat instructeur, car elle a l'impression que la justice ne l'entend pas. Elle ne peut pas comprendre les lenteurs de l'enquête. A l'époque, Nathalie déroute, elle est froide et ne montre rien" explique Franck Bodereau.
Pour France 3 Normandie, il a suivi l'affaire quasiment dès le premier jour. Comme nous tous, il était intrigué par cette mère. Comme nous, il voulait percer cette cuirasse, décrypter ce visage camouflé derrière de trop grandes lunettes et des cheveux bien trop courts. La première rencontre, dans le magasin de jouets en bois de Nathalie Barré se passe très mal. Elle se sent trahie par la presse. Les journalistes ? Elle ne veut plus leur parler.
Franck, au fil de l'instruction puis du procès va gagner beaucoup plus que la confiance. Nathalie Barré pendant des semaines lui livrera tout. Enfin, ils comprendront comment on en est arrivé là.
Là ? Un père condamné à 20 ans de prison pour séquestration d'enfant et menace de mort. Un procès, sans appel, avec un verdict en forme d'interrogation, et un mystère encore plus grand. Pas de preuve, pas d'aveux, pas d'émotion, rien dans le box de l'accusé.
"Comme nous, elle espérait un moment de vérité. Tout en sachant que le moment ne viendrait pas. Ce dimanche de septembre 2011, Sylvain Jouanneau n'est toujours pas là à 18h05. Cinq minutes de retard cela ne lui arrive jamais. A 18h15, Nathalie lui envoie un SMS, le premier et le dernier. Elle n'a toujours pas de réponse. Au procès, elle n'avait pas peur de le revoir. Elle se doutait qu'il ne dirait jamais rien. Elle était juste persuadée qu'il ferait appel du verdict des jurés, là elle s'est trompée", raconte le chroniqueur judiciaire.
Toute l'audience se déroule avec des jurés, une presse et des magistrats suspendus aux lèvres de l'accusé. Il n'y a rien dans le dossier, alors on croit encore que le théâtre des assises verra jaillir la vérité. "Tout le monde a perdu" insiste Franck Bodereau. Les experts auront parlé d'un déni chez le condamné, son mécanisme de défense. Le jour où le mécanisme se dérèglera, il sombrera dans la folie.
Tu te rends compte qu'il va falloir attendre encore 20 ans pour que je revoie Mathis"
a confié Sylvain Jouanneau à sa mère quelques minutes après l'énoncé du verdict, avant de regagner sa cellule.
Le livre est à vivre comme l'éclosion, maieutique, la vérité d'une mère, femme meurtrie par les ruses d'un homme qu'elle a profondément aimé. Après s'être livrée, Nathalie Barré peut enfin l'oublier. Elle a accepté le livre avec un but ultime, toujours le même, comme le jour où on la découvrait dans la chambre de Mathis : le retrouver enfin.
"Jamais sans mon fils", aurait pu s'appeler le livre de celle qui pose enfin face à l'objectif avec sa photo, serrée là à gauche.
Nathalie Barré et Franck Bodereau étaient les invités du journal ce 5 novembre 2015, revoir l'extrait du JT ci dessous
"Il m'a pris mon fils"
Le livre de Nathalie Barré et Franck Bodereau est publié aux éditions City.