La justice a relaxé l'association de défense des animaux L214, poursuivie pour diffamation par un producteur de foie gras vendéen, jugeant que son enquête visant à dénoncer les conditions d'élevage "exécrables" de ses canards était suffisamment "sérieuse".
En novembre 2013, l'association avait mis en ligne sur son site une vidéo où l'on voyait des canards cantonnés dans des cages individuelles, ne pouvant pratiquement pas bouger, et des animaux agonisant, dans le but de dénoncer les conditions de gavage dans des fermes sous contrat avec la société Ernest Soulard.
A la vue de cette vidéo, de grands chefs, dont Joël Robuchon, mais aussi le Britannique Gordon Ramsay, avaient décidé de suspendre leurs approvisionnements chez le producteur vendéen.
Poursuivie par L214 pour "actes de cruauté envers les animaux", la société Ernest Soulard avait finalement été relaxée en mars 2015 par le tribunal de La Roche-sur-Yon.
Mais dans une procédure indépendante à Angers, elle avait poursuivi à son tour l'association pour diffamation.
Dans une décision rendue lundi et consultée mardi par l'AFP, les magistrats angevins ont jugé que les passages incriminés étaient certes diffamatoires à l'encontre du producteur, mais que l'association avait "agi avec bonne foi", estimant notamment que l'enquête "est réalisée avec le sérieux minimum qui convient pour une association militante dont on ne saurait exiger une rigueur identique à celle qui serait imposée à un journaliste professionnel".
Par ailleurs, écrivent les juges, "certains termes, certes abrupts, restent toutefois dans les limites d'une expression mesurée dans le contexte du débat sociétal en cours de militantisme et de sensibilisation des internautes parfaitement informés du but et des méthodes de l'association de défense de la cause animale".
Depuis sa création en 2008, L214 a fait l'objet de nombreuses poursuites judiciaires mais cette décision sur le fond est la première donnant raison à l'association en matière de liberté d'expression, selon l'avocate de L214.
"Le vent tourne", observait mardi Me Caroline Lanty, "on sent clairement une modification dans l'attitude des juges qui, il y a quelques années, ne voyaient pas l'ampleur que ce combat et ces idées prenaient".
Surtout, elle se réjouit que la justice ait reconnu "le sérieux" de L214. Jusqu'à présent, ajoute-t-elle, "seule la filière avait l'exclusivité de la diffusion de son message", désormais la justice "reconnaît aux associations de protection animale le droit de s'exprimer comme elles le font".